de bouc émissaire.

 

Vos livres finissent toujours sur une note d'optimisme qui consiste à dire : c'est toujours la logique lancée par la révélation biblique qui est à l'œuvre dans notre modernité.

Votre ouvrage, dites-vous, renoue avec la tradition des apologies du christianisme. Vous semblez dire que l'Occident moderne peut comprendre la logique qui est à l'œuvre, peut se reprendre en main et revenir au christianisme...

 

La tradition pessimiste du christianisme est ouverte sur la liberté. À tout instant, il peut y avoir l'Apocalypse. S'il n'y a pas l'Apocalypse, il y a toujours des progrès dans le sens du savoir. Et puis on vit dans un monde où nombreux sont ceux qui, le sachant ou non, mettent en pratique des commandements plus ou moins évangéliques. Je vais jusqu'à dire dans des conférences : " Vous savez, lorsque qu'il a reculé à Cuba, Khrouchtchev a tendu l'autre joue ! " Ou bien l'on vit ainsi ou bien l'on périt. La raison, la science, le savoir scientifique permettent de le dire. Si la colère n'est pas trop forte, les incitations à se conduire de façon à prolonger la vie de la planète sont puissantes. Et ont dominé jusqu'ici.

 

Lorsque Khrouchtchev recule à Cuba, il fait un calcul rationnel fondé sur l'équilibre de la terreur mais il aurait pu s'entêter. Après tout, Hitler, dans son bunker, souhaite que le peuple allemand disparaisse avec lui. Khrouchtchev, lui, sort de l'affrontement mimétique. Il finit d'ailleurs, pour cette raison, par être sacrifié, au moins symboliquement, par les membres du Politburo.

 

Maritain dit quelque part qu'il y a toujours plus de bien et toujours plus de mal dans le monde moderne. Regardez le débat à propos du Kosovo : ceux qui sont favorables à l'intervention sont en fait partisans de l'abolition des frontières. Ceux qui sont contre justifient le maintien des frontières par la nécessité de contenir la violence si un État devient fou. C'est rester dans une logique sacrificielle, pourrait-on dire. Mais les partisans de l'intervention pensent aussi qu'une dose de violence est nécessaire. Eux sont dans la logique dont nous avons parlé tout à l'heure du dernier sang à verser pour que cesse toute violence. Nous refusons que des exactions soient commises même si elles sont clairement circonscrites. Nous sommes prompts à dénoncer les victimes chez les autres. Mais s'il n'y avait plus de frontières, comme nous semblons le souhaiter, il n'y a plus de demi-mesure : ou bien la paix partout ou bien la guerre partout.

 

Le christianisme ne dit pas qu'il faut renverser les frontières par la violence. Il respecte les ordres sociaux tels qu'ils sont.

 

En même temps, le devoir du chrétien est de dénoncer le péché là où il se trouve. Le communisme a pu s'effondrer sans violence parce que le monde libre et le monde communiste avaient accepté de ne plus remettre en cause les frontières existantes ; à l'intérieur de ces frontières, des millions de chrétiens ont combattu sans violence pour la vérité, pour que la lumière soit faite sur le mensonge et la violence des régimes qui asservissaient leurs pays. Encore une fois, face au danger de mimétisme universel de la violence, vous n'avez qu'une réponse possible : le christianisme.