dit C.S. Lewis. Cette morale universelle peut faire l'objet d'une étude quasi scientifique puisque soumise à un principe de réalité. Si l'on n'en suit pas les règles, ce principe nous revient à la figure sous la forme de graves dysfonctionnements ou de catastrophes.

Dans le domaine économique, une grave erreur se paie dans les 24 heures par une sanction des marchés financiers, ou dans l'année qui par un ralentissement de la croissance ou une aggravation des indices. En matière de mœurs ou de morale — c'est la même chose, mais la réalité ne vous rattrape qu'au bout de vingt ou trente ans.

En travaillant à modifier les mœurs au nom de la raison, les chrétiens tiennent une voie où ils peuvent tisser des alliances. Pratiquement, ils ne sont pas dans une situation différente de celle des hommes politiques qui, lorsqu'ils prennent des mesures impopulaires les font passer avec d'autres beaucoup plus faciles. En inspirant confiance à ses administrés, en leur manifestant de l'intérêt, en s'occupant bien d'eux, on parvient souvent à leur faire boire une potion un peu amère. Certains y verront du vedettariat, voire de la démagogie, pour ma part je pense que c'est parfois nécessaire.

 

PATRICE DE PLUNKETT — Les forces matérielles chrétiennes sont très limitées, si on les compare à celles de la société mercantile dans laquelle nous vivons. Il faut donc établir des priorités. L'urgence n'est pas de cautionner un système ancien (et visiblement incompatible avec le témoignage catholique) : elle est de construire des structures neuves, et qui soient " porteuses ". Structures qui pourraient d'ailleurs coopérer — au moins en partie — avec tel ou tel homme politique, si l'occasion ultérieure s'en présentait.

 

ÉDOUARD HUSSON — Plutôt que d'entretenir la peur et le repli sur soi des catholiques avec un discours sur l'inutilité du combat politique, soyons positifs et mobilisateurs. Cette mobilisation s'impose d'autant plus que les milieux politiques sont actuellement en plein désarroi. La recette du succès politique pour les mois et les années à venir : fonder son action sur l'honnêteté, la moralité, la compétence et le respect des engagements.

 

GERARD LECLERC — Je pense qu'il ne faut se priver d'aucun moyen. On sait par exemple que de jeunes attachés parlementaires catholiques influencent avec bonheur l'action de ceux qu'ils secondent. Mais cette action doit être accompagnée par un retour de la pensée politique chrétienne. Il faut recréer des sociétés de pensée dont la réflexion puisse pénétrer le débat public. Les catholiques craignent encore de s'engager par crainte du débat. Je suis frappé par le nombre de personnes de ma génération paralysés par le jugement des lycéens. On envoie dans les écoles des gens qui rasent les murs de peur d'affronter un jeune public qui regarde l'Église comme une réalité ringarde. Il faut armer les chrétiens de solides munitions intellectuelles. Donc remobilisons les intelligences et faisons-le avec finesse et imagination. Voyez l'exemple polonais : une chose est de renverser un pouvoir totalitaire, autre chose de tenir les commandes. N'envoyons pas sur le terrain des humanistes sympathiques mais incompétents. Il est urgent que les chrétiens s'engagent dans ce travail de réflexion, et que ce mouvement dépasse les frontières du milieu intellectuel : tous les chrétiens, tous les laïcs doivent témoigner du trésor qu'ils ont en eux, le monde les attend