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Ch. Cochini sj,Origines apostoliques du célibat sacerdotal, Ad Solem, 2006, 500 p., 37 €

Ch. Cochini sj,Origines apostoliques du célibat sacerdotal, Ad Solem, 2006, 500 p., 37 €
  • Auteur : Christian Cochini sj
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  • Prix : 0,00 €

Préface du cardinal Castrillon Hoyos

Nlle édition augmentée.

 

 

 

lu par le P. ANDRE MANARANCHE sj

 

À une date périlleuse, en 1969, le Père Cochini avait eu l'audace de soutenir, à l'Institut catholique de Paris, une thèse sur ce sujet controversé, devant un jury que présidait le futur cardinal Jean Daniélou, courageux lui aussi.

Après un travail supplémentaire de douze années, l'auteur, en 1981, avant de partir pour la Chine où il se trouve encore, publiait cette thèse aux éditions du Sycomore, lancées par le P. Georges Chantraine s.j., aujourd'hui ré-éditeur de l'œuvre monumentale du cardinal Henri de Lubac en son entier (cinquante volumes, dont douze actuellement parus).

 

Plutôt desservi par son patron de thèse, qui devait quitter le ministère pour prendre femme, le P. Cochini avait eu le soutien du futur cardinal Alfons-Marie Stickler, alors préfet de la Bibliothèque vaticane, un Salésien allemand qui travaillait depuis longtemps le même sujet et publia plus tard, en 1998, chez Téqui, un petit ouvrage, Le Célibat des clercs, dans lequel il reprenait les idées de son élève en les simplifiant, sans l'appareil scientifique de la démonstration.

 

Ce qui fut d'abord demandé aux clercs majeurs, dont beaucoup étaient déjà mariés (le P. Cochini en donne une liste étonnante), ce fut, non de congédier leurs épouses, mais de vivre avec elles dans la continence, ce dans une tradition venue des apôtres : sicut docuerunt apostoli et ipsa servavit antiquitas, dit le concile de Carthage de 390 ; concile auquel se référèrent eux aussi les Orientaux au concile " Quinisexte " dit in Trullo en 691, mais pour n'appliquer cette règle antique qu'aux seuls évêques, dans la même tradition toutefois.

 

L'auteur reprend ainsi un débat interrompu, celui qui opposa, dans les années 1879-1880, deux auteurs germaniques, François-Xavier Funk et Gustav Bickell, ce dernier étant le fils converti d'un canoniste protestant et lui-même un syriacisant éminent. La querelle se jouait sur les dates, Funk faisant de la continence des clercs majeurs une décision abrupte du synode d'Elvire (300), décision sans tradition et surtout sans arguments valables. Funk se réclamait d'une intervention d'un certain Paphnuce au concile de Nicée (325), ce personnage demandant à l'assemblée de ne pas ennuyer les évêques avec une décision aussi incongrue. Or, après certains auteurs, le P. Cochini n'a pas eu de mal à montrer que cette anecdote était un faux daté de 440, donc plus d'un siècle après le concile de Nicée.

 

On peut se demander en quoi une question aussi méticuleuse et aussi ancienne peut intéresser notre époque, mais c'est là une inexactitude. En effet, derrière ce problème de date, se cache celui des motivations apportées pour justifier un tel changement. Funk, suivi par des auteurs actuels, veut montrer que la règle de continence, tardive à souhait, repose sur une dépréciation du mariage et sur une exaltation de la sexualité venant de philosophies païennes (stoïcisme, néo-platonisme) et de sectes juives (encratisme, gnosticisme). Alors que le témoignage des Pères s'appuie sur saint Paul (1 Corinthiens 7 notamment) quand il justifie, même pour les époux, une vacance momentanée de leur relation conjugale pour permettre le temps de la prière (et le prêtre prie en permanence), et surtout quand il désire pour l'apôtre un don total de lui-même, un don sans partage.

 

Ancienne, la règle voulue par l'Église (même en Orient pour les évêques, qui sont souvent des moines) ne relève pas d'un pur décret mais d'une conviction profonde, qui n'a rien d'un dérapage philosophique (le dérapage serait plutôt le fait de l'opinion adverse, si marquée par le climat " sexopathe " de notre époque).

 

De nos jours, dans l'Église, et même chez des évêques, se répand l'idée que le célibat ecclésiastique, dont il faut appliquer la règle bien sûr, du moins pour le moment, n'est qu'un arbitraire juridique qui pourrait disparaître sans aucune difficulté. Ce qui contredit du tout au tout les pages merveilleuses de Pastores dabo vobis (n. 29) nous parlant avec vigueur des motivations théologiques du célibat. Si ce célibat n'est qu'un décret, il est impossible à vivre : je ne suis pas célibataire consacré pour être simplement " réglo ". D'ailleurs aucune législation n'est autorisée à inclure dans un contrat d'embauche une clause réglementant la sexualité (et le sacerdoce ne donne pas lieu à un contrat d'embauche). Voilà pourquoi je contribue volontiers au nouveau lancement de l'ouvrage de Christian Cochini, à l'édition duquel j'avais aidé la toute première fois. Ce livre n'a rien perdu de son actualité et, par son agréable érudition, nous libère de la pression médiatique.

 

A. M.

 

Source : Liberté politique n° 36, printemps 2007

 

 

 

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