Il est des combats que l’on croit perdus. Mais à vue humaine seulement. Il est des gens qui disent que cela ne sert à rien. Mais j’ai entendu le pape François nous interpeller vivement : sommes-nous des chrétiens de salon, uniquement pour prendre le thé en étant confortablement installés à discuter de théologie ? Non ! Alors je sortirai de chez moi, dimanche.

Je l’ai souvent rappelé ces derniers temps : je n’ai pas envie de me retourner dans quelques années en me disant : « Si j’avais su », « si on m’avait dit… » Dimanche, je serai dans la rue parce qu’il vaut mieux se battre vivant pour une cause qui semble perdue que se battre mort en l’ayant déjà perdue de toute façon.

Je serai dans la rue pour manifester mon mécontentement à l’encontre de cette loi, du mépris tant et tant affiché ; et je serai là car je suis un citoyen comme un autre auquel on ne peut contester son « droit » de manifester.

Je serai là, encore et encore, une énième fois, contre une espèce de droit à l’enfant qu’on nous prépare pour demain, quoi qu’on en dise. Le combat n’est pas terminé puisque tout va se jouer, à partir de maintenant.

Pour dire merci

Mais je ne serai pas là uniquement pour tout cela. Je serai aussi là pour dire MERCI à tous ceux qui sont dans la rue depuis des mois pour montrer leur engagement, leur détermination, leurs convictions.

 

Sans eux, nous ne serions pas là aujourd’hui : je me souviens très bien d’une discussion l’été dernier avec des amis engagés à un haut niveau de responsabilité politique : pourrions-nous manifester contre le « mariage pour tous » ? Et tous, nous avions alors manqué d’espérance, croyant la chose improbable.

Je serai donc à leur côté pour dire à tous ceux qui nous traitent d’homophobes depuis des mois que je me fous de leur qu’en-dira-t-on et de leurs mensonges. Ils peuvent bien dire ce qu’ils veulent : j’ai ma conscience pour moi, et pour Dieu.

Je serai donc là pour dire merci à tous ces militants volontaires, sur le devant de la scène de la « Manif pour tous ». Des débats ont parfois surgi entre nous, sur des questions de fond ou sur la manière de procéder, comme des querelles d’ego bien naturelles en ce genre de mouvement. Mais au-delà des difficultés, inhérentes et inévitables, je mesure combien ils ont sacrifié de leur personne, de leur réputation, de leur temps, de leur vie de famille parfois.

Je mesure (l’ayant quelque peu vécu moi-même) combien ils se sont faits insulter, injurier, moquer sur les réseaux sociaux ; subissant parfois même des menaces de mort, réelles ou fantasques, mais toujours angoissantes, surtout quand on a charge de famille.

Ils ont accepté l’adversité

Je serai dans la rue pour les remercier de leur engagement et de la manière dont ils ont accepté de « payer » de leur personne. Ils sont un témoignage pour le don de nous-mêmes. Ils sont un exemple vivant de la parole de Ben Sirac le Sage reçu mardi dans la liturgie :

« Mon fils, si tu viens te mettre au service du Seigneur, prépare-toi à subir l’épreuve ; fais-toi un cœur droit, et tiens bon ; ne te tourmente pas à l’heure de l’adversité. Attache-toi au Seigneur, ne l’abandonne pas, afin d’être comblé dans tes derniers jours. Toutes les adversités, accepte-les ; dans les revers de ta vie pauvre, sois patient ; car l’or est vérifié par le feu, et les hommes agréables à Dieu, par le creuset de la pauvreté. » (Si 2, 1-3).

Certes, tous ne sont pas forcément croyants. Mais tous ont voulu s’engager pour ce qu’ils croient le bien commun d’une société et que la société oublie. En cela aussi, ils ont accepté l’adversité.

Contre le mur de l’individualisme…

Je serai aussi dans la rue pour dire à cette société qui somnole que l’on va dans le mur. Je ne suis pas d’accord avec certaines manières violentes de le dire et de le proclamer. Mais être dans la rue, fermes et pacifiques, montre notre détermination à tous. Oh pas uniquement à cause du mariage pour tous (les conséquences de cela ne seront visibles qu’à l’échelle de vingt ou trente ans…). Mais parce que l’on va dans le mur à cause de cet individualisme primaire auquel se sentent obligés de céder les politiques les plus opportunistes. 

Aujourd’hui, les lobbyings « gagnent » sur le mariage pour tous. Demain, ce sera sur la GPA, sur la recherche sur l’embryon, sur l’euthanasie et je ne sais quoi d’autres encore.

Je serai dans la rue pour dire, avec tant d’autres, qu’on ne construit pas une société sur des individus uniquement. Je serai dans la rue pour rappeler qu’une société, qu’un pouvoir politique quel qu’il soit, doit accepter le débat et la contradiction. Je serai là pour redire à tous les responsables politiques qu’un mouvement est en train de naître et qu’il ne les laissera pas faire n’importe quoi.

… et pour le bien commun

Je serai là pour redire, avec toute cette foule, qu’on construit une société sur un projet commun, sur un bien commun, sur un vivre ensemble, qui dépasse le seul bien individuel tant mis en avant aujourd’hui par les lobbyings et ceux qui leur ressemble.

Je serai dans la rue pour montrer mon opposition au diktat de la pensée unique parce que je ne veux pas, je ne veux plus, rentrer dans le moule. 

Je serai dans la rue, paisible et pacifique : la violence n’a jamais été mon fort, déjà parce que je suis taillé comme un cure-dent ! Je ne m’agiterai pas devant les CRS pour les narguer comme je l’ai vu faire ces derniers jours… Je suivrai le mouvement, avec banderoles et slogans, mais surtout la paix au cœur.

Je serai là tout simplement.   

On me dira que cela ne sert à plus rien. On me dira que je m’engage trop. On me dira que ce n’est pas la place d’un prêtre. On me dira…

La croix ne servait à rien non plus… apparemment. Mais aujourd’hui encore, des hommes et des femmes sont touchés par cette gratuité-là, par cette apparente stérilité !

« Mieux vaut une Église qui sorte et qui a des accidents qu’une Église qui pourrit de l’intérieur », nous disait il y a quelques jours le pape François. Le thé dimanche après-midi passera mal pour moi. En conscience, je ne veux pas me taire et rester immobile. En conscience, je ne pourrai pas regarder mes frères et mes sœurs s’engager inlassablement alors que moi, je resterai flegmatique.

Dimanche après-midi, je marcherai donc comme tant et tant d’autres désireux de crier leur ras-le-bol ! Dimanche après-midi, je saurai que l’espérance est la force des « faibles aux yeux du monde ». Mais cette force-là, rien ne peut l’arrêter.

Les politiques le savent et l’ont très bien compris : cette foule immense ne se taira plus. Et dimanche après-midi, je serai de ceux-là.

P. Cédric Burgun

 

 RENDEZ-VOUS à Paris le 26 mai
aux départs de la Porte Dauphine, de la Porte de Saint-Cloud ou de la Place Valhubert (gare d'Austerlitz)

LP59-Une_op-rot

Lire :
Liberté politique n° 59, printemps 2013,
"Le mariage anormal, de la falsification du mariage à la criminalisation de la conscience"

Articles de Thibaud Collin, Joël Hautebert, François-Xavier Bellamy, Pierre-Olivier Arduin, le père Cédric Burgun...