Les jeunes restent de plus en plus tard chez leurs parents ou y retournent, un phénomène qui se répand.  S'il est bon de se réunir l'été en famille, quel est l'avenir d'une société où les enfants ne peuvent plus quitter papa et maman ?

Les jeunes adultes sont autonomes de plus en plus tard. Si le taux de co-résidence reste stable, le nombre de jeunes  boomerangs  qui reviennent au foyer familial après quelques années, et ceux bénéficiant d'une aide de leurs parents pour leur logement augmentent. Dans Madame Figaro, Philippe Hofman, psychologue et auteur du livre L'impossible séparation entre les jeunes adultes et leur parents,  et Christiane Collange, journaliste et auteur du livre Le jeu des 7 familles, analysent le phénomène : "les jeunes ont l'impression que leurs parents vont pouvoir rester à leurs côtés tout au long de leur existence".

Le chômage des jeunes, la crise économiques, la hausse du prix du logement ou l'allongement de la durée des études sont des causes souvent avancées. S'y ajouterait un facteur social.

Les jeunes ne restent plus chez leur parents faute de moyens, mais en raison de difficuléts personnelles, familiales ou sociales (divorces, peur de l'avenir, peur de l'engagement...) et de l'allongement de la vie. Ainsi pour Christiane Collange,  nous allons vivre 70 ans entre adultes, c'est quelque chose de complètement nouveau . Les liens familliaux s'intensifient, mais doivent être nécessairement bons. Toute mauvaise relation devient insoutenable.

Vivre en couple, fonder une famille était comme le remarque l'INSEE des signes de maturité et d'autonomie vis-à-vis des parents. Traditionnellement, on quittait le domicile familial pour s'installer et se marier. Le mariage correspondait il y a peu de temps encore à un projet pérenne. On se mariait pour la vie entière. Ce n'est plus vrai. Près d'un mariage sur deux se termine par un divcorce et 80% des couples de 18-24 ans vivent ensemble sans être mariés ; le mariage comme engagement pour toute la durée de la vie n'a plus le même sens et l'on retourne chez ses parents à la moindre anicroche!

Ainsi la difficulté de la vie en société, les charges de logement, le coût de la garde des enfants sont autant de raisons pour revenir prudemment habiter chez ses parents pour profiter du logement, et de l'assistante maternelle qu'est devenue  la grand-mère.

Papa et maman poule

Or les parents ont souvent tendance à infantiliser leurs enfants même lorsque ceux-ci sont devenus parents à leur tour. Le comportement "mère-poule", se répand transformant le foyer parental en une sorte de berceau social/prison confortable.  Le besoin de "rester dans le coup", d'être proche de la génération précédente jusqu'à perdre son rôle de père ou de mère est également fréquent chez des adultes qui refusent de vieillir.

La vieillesse fait peur, elle aussi, et le départ des enfants en est une marque inévitable. Que faire quand l'éducation de nos enfants est finie, quand ils n'ont plus besoin de nous? Comment supporter la solitude que leur départ provoque? Pression psychologique ou comportement inconscient des parents, les jeunes ne veulent pas laisser seule leur "pauvre mère".

Or le rôle des parents devrait être en principe de responsabiliser leurs enfants, de "faire en sorte que leurs enfants gagnent cette capacité à voler de leurs propres ailes. Toute personne adulte dispose en théorie de ce libre arbitre, encore faut-il qu'elle en ait conscience et que l'exercice de ce libre arbitre ne soit pas entravé", estime Mohssine Benzakour, psychosociologue. Si les jeunes ne partent pas, ou reviennent, c'est que l'éducation qu'ils ont reçue ne leur a pas permis d'acquérir cette autonomie. Quel meilleur exemple de cette infantilisation que ces mères qui se rendent aux journées portes ouvertes des futurs grandes écoles de leurs enfants, et qui cherchent à les protéger d'un monde qu'elles redoutent pour leurs chers petits de 18 ans et plus?

 N'ayez pas peur 

La peur d'affronter l'existence ainsi se répand chez beaucoup de jeunes qui préfèrent rester des enfants avec la complicité de leurs parents.  Dans une société aseptisée, faire un choix devient un risque impensable. La prophétie de Tocqueville se réalise : "Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies : ils sentent le besoin d'être conduits et l'envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l'un ni l'autre de ces instincts contraires, ils s'efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d'être en tutelle, en songeant qu'ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. Chaque individu souffre qu'on l'attache, parce qu'il voit que ce n'est pas un homme ni une classe, mais le peuple lui-même, qui tient le bout de la chaîne. Dans ce système, les citoyens sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent.  (De la Démocratie en Amérique, Chapitre VI, Tocqueville) Et pourtant on ne change rien.

Où que l'on regarde, tout désormais semble faire peur à nos contemporains : le chômage, le changement, l'autre, soi-même. Mais si l'on doit aller chez ses parents pour se protéger, où iront nos enfants quand ils voudront, suivant notre exemple, s'anesthésier ? Il est urgent de réapprendre la confiance pour soi même et pour nos enfants, leur donner le goût du risque. L'incertitude de l'avenir n'est pas en soi un drame.  On se souvient des premiers mots de Jean Paul II lors de son élection, le 22 octobre 1978 :

Frères et sœurs, n'ayez pas peur... Aujourd'hui, si souvent l'homme ignore ce qu'il porte au-dedans de lui, dans les profondeurs de son esprit et de son cœur. Si souvent il est incertain du sens de sa vie sur cette terre. Il est envahi par le doute qui se transforme en désespoir. Permettez donc — je vous prie, je vous implore avec humilité et confiance, — permettez au Christ de parler à l'homme. Lui seul a les paroles de vie, oui, de vie éternelle ! .

Que nous soyons père ou mère-poule, adultes ou grands ados, la vraie solution n'est-elle pas en effet de chasser la peur de notre esprit et de ne pas la mettre dans celui de nos enfants ?

 

 

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