À la suite de sa précédente chronique, (Catholiques, faut-il s'adapter ?, Décryptage, 29 septembre), le père Michel Gitton a reçu des messages de lecteurs s'interrogeant sur l'attitude à adopter à l'égard des chrétiens qui s'écartent de la communion de l'Église, et donc de l'eucharistie.

Une précision s'impose : l'Église ne peut cesser d'appeler à la conversion.

P:first-letter {font-size: 300%;font-weight: bold;color :#CC3300; float: left}RAPPELER qu'il y a des conditions d'accès à la communion eucharistique n'est pas vraiment très original. L'actuel Code de droit canonique stipule (canon 915) que les excommuniés et les interdits [...] et ceux qui persistent dans un péché grave et manifeste ne seront pas admis à la sainte communion. Et il en a toujours été ainsi. Toutes les liturgies tant d'Orient que d'Occident ont comporté, ou comportent encore, ce rappel avant la communion : Aux saints les choses saintes !

Dès la fin du 1er siècle, dans l'un des premiers textes de l'Église, la Didachè (l'Enseignement des douze Apôtres), on allait jusqu'à appliquer à la communion la recommandation du Seigneur : Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré (Matthieu 7,6), et on n'a pas oublié la sévère mise en garde de saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens (11, 28-30) : Que chacun s'éprouve soi-même avant de manger ce pain et de boire cette coupe; car celui qui mange et boit sans discerner le corps, mange et boit sa propre condamnation. Voilà pourquoi il y a parmi vous tant de malades et d'infirmes et qu'un certain nombre sont morts.

Ce qui choque et étonne aujourd'hui, c'est que l'on puisse à la fois prêcher la miséricorde et écarter certains de l'eucharistie sommet de la vie chrétienne, sous prétexte que leur état est en contradiction avec les préceptes de la morale chrétienne. Mais en jugeant ainsi on commet, à mon avis, une double erreur et sur l'eucharistie et la vie chrétienne.

Miséricorde

L'eucharistie, malgré ce qu'on a cru dans les années soixante, n'est pas dans le prolongement des repas que le Christ prenait familièrement avec les pécheurs, comme le festin chez le publicain Matthieu, c'est un rite sacré, un moment unique, qui n'emprunte presque aucun trait des repas ordinaires ; de plus Jésus a eu bien soin, avant de le célébrer, de purifier ses apôtres par le lavement des pieds. Je pourrais fournir ici toute la démonstration, mais il suffira sur ce point de renvoyer aux travaux du cardinal Ratzinger.

D'autre part, c'est une triste réduction de la miséricorde que de croire qu'elle doit mener à une tolérance pratique face à tout comportement. Jésus était-il moins tolérant que nous quand il nous indiquait la procédure d'excommunication (Matthieu 18,15-18) ? Saint Paul était-il un inquisiteur avant la lettre quand il recommandait de tenir à l'écart de la communauté tel chrétien qui s'était rendu coupable d'une faute grave : Je vous ai écrit de ne pas avoir de relations avec un homme qui porte le nom de frère, s'il est débauché, ou rapace ou idolâtre ou calomniateur ou ivrogne ou filou, et même de ne pas manger avec un tel homme (1 Corinthiens 5,11) ?

Nous sommes tous pécheurs et nul d'entre nous ne mérite la communion, c'est certain. Mais une chose est de savoir sa faute, de lutter et de s'en confesser, autre chose est de s'installer dans un état qui est en contradiction avec la vie que Dieu veut pour nous, en refusant toute évolution sur ce point. L'Évangile n'est pas anodin, Jésus nous propose une exigence coupante, et c'est l'honneur de l'Église d'avoir maintenu dans sa provocation l'appel du Christ à la sainteté. Notre impuissance à proposer à nos proches un chemin de conversion révèle malheureusement la faiblesse profonde de notre foi, plus qu'elle ne traduit de la miséricorde.

*Le père Michel Gitton est recteur de la collégiale Saint-Quiriace de Provins

Pour en savoir plus :? Michel Gitton, Catholiques, faut-il s'adapter ?, Décryptage, 29 septembre 2006.

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