La mise au point que Benoît XVI a apportée, lors de l'Angélus de dimanche, aurait dû, normalement, mettre fin aux interprétations, péjoratives pour les musulmans, de sa conférence à l'université de Ratisbonne.

À moins de le suspecter de mauvaise foi — ce qui relève du procès d'intention — il n'est plus possible de l'accuser d'assimiler purement et simplement l'islam et la violence. La citation d'un texte du Moyen Âge, qu'il a faite pour illustrer son propos, ne correspond nullement à sa propre pensée. Prétendre le contraire désormais relève de la diffamation.

On pouvait peut-être admettre qu'en regard d'un morceau de cette conférence, hors contexte, certains ont pu se sentir accusés ou blessés. Ce n'est plus possible aujourd'hui. Il convient d'ailleurs de remercier le journal le Monde d'avoir publié quasi totalité du discours, permettant ainsi à ses lecteurs de prendre connaissance de la pensée du Pape dans toute son ampleur et ses nuances.

Certains commentateurs ont cru bon, de leur hauteur, faire la leçon à Benoît XVI en prétendant lui apprendre son métier de pape. Le métier de théologien, ont-ils affirmé, n'est pas celui de chef de l'Église qui doit tenir compte de l'opinion publique et des effets inattendus, parfois pervers, de paroles justes en elles-mêmes, mais susceptibles, de par leur trop grande subtilité, de provoquer des malentendus et jusqu'à une crise internationale !

À ce compte, le pape serait condamné au silence dès lors qu'il faudrait aborder des questions graves qui divisent le monde. Sans doute, doit-on tenir compte de ce qu'on appelle couramment les problèmes de communication, celle-ci ayant ses lois et nécessitant des efforts de clarification. Faudrait-il pour autant que le Pape renonce à une conférence du style de celle de Ratisbonne, destinée à des universitaires capables de suivre une pensée particulièrement riche, et dont le développement exigeait une démonstration historique complexe ?

Autant renoncer alors à l'exercice de la pensée ! Ce ne serait digne ni de sa fonction pontificale, ni même de l'opinion publique qui a le droit strict à l'expression d'une culture qui appartient à son patrimoine et donne un sens à notre histoire commune.

Déontologie

Ajoutons qu'il y a, en ce qui concerne les médias, un problème de déontologie.

Il était flagrant que beaucoup de commentateurs se prononçaient dans l'ignorance à peu près totale du contenu de la pensée de Benoît XVI et que la présentation qui en était proposée, en raccourci, constituait un contresens. C'est l'occasion d'un sérieux examen du peu de fiabilité de l'information religieuse dans nos pays.

Car, enfin, pour qui avait réellement lu le Pape, il était évident que les avertissements à respecter l'alternance fondatrice de la foi et de la raison concernaient beaucoup plus les chrétiens que les musulmans et que Benoît XVI montrait comment il y avait eu péril, au Moyen Âge déjà, de séparer théologie et sagesse et que cette tentation demeurait récurrente lorsque les théologiens voulaient isoler le message biblique de toute problématique philosophique.

Mais cela, qui l'a compris et l'a répercuté ? Les chrétiens ne sont pas indemnes de ce qu'on reproche aux musulmans extrémistes. Voilà ce que Benoît XVI a réellement dit.

* Editorial à paraître dans le prochain n° de France catholique

Benoît XVI appelle au dialogue fructueux et critique

Comme c'est la tradition le mercredi suivant un déplacement du pape à l'étranger, Benoît XVI est revenu sur son voyage en Bavière, lors de l'audience du mercredi 20 septembre. Devant les 40.000 fidèles rassemblés place Saint-Pierre, le Saint-Père a donc reparlé de son discours de Ratisbonne, comme il l'avait annoncé à l'Angelus du dimanche précédent, "vivement attristé" d'avoir été mal compris. Quoi qu'en pense le chroniqueur religieux du Monde, Benoît XVI n'est pas le premier pape de l'histoire à "s'être soumis à une double rectification publique de ses propos" ; il ne s'excuse pas, il réexplique, appelant à un dialogue respectueux et raisonnable :

"J'avais choisi pour ce discours, a précisé Benoît XVI, "les rapports entre la foi et la raison. Pour introduire mes auditeurs dans la dramatique actualité du sujet, j'ai cité un passage d'un dialogue du XIVe siècle où l'empereur chrétien Manuel II présente à son interlocuteur musulman, d'une manière incompréhensiblement abrupte le lien entre religion et violence.

 

C'est malheureusement cette citation qui a pu prêter méprise. Il est pourtant clair à une lecture attentive de mon texte que je n'entendais absolument pas faire mienne l'opinion négative du souverain byzantin, et que ce jugement polémique n'exprimait pas mes convictions. Mon intention était toute différente. À partir de ce que Manuel Paléologue dit ensuite de positif sur la raison qui doit présider à la transmission de la foi, je désirais expliquer que ce ne sont pas la religion et la violence qui vont de pair, mais bien la religion et la raison".

 

Le thème de ma leçon, a ajouté le Saint-Père, était bel et bien "le lien entre la foi et la raison. En cela, je voulais inviter au dialogue entre la foi chrétienne et le monde moderne, ainsi qu'avec toutes les cultures et religions. J'ose espérer que durant les diverses phases de mon séjour bavarois, notamment à Munich où j'ai souligné l'importance de respecter ce qui est sacré pour autrui, on aura perçu mon profond respect pour les grandes religions, et notamment pour les musulmans qui adorent le Dieu unique et avec lesquels les catholiques se sont engagés à défendre et promouvoir de concert la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté pour tous les hommes".

 

"J'espère donc — a ajouté le Pape — qu'après des réactions immédiates, les propos tenus à l'Université de Ratisbonne puissent constituer un encouragement supplémentaire à un dialogue fructueux, et même critique, entre religions comme entre la raison moderne et la foi des chrétiens."

(Traduction VIS)

Pour en savoir plus :

■ Le Discours de ratisbonne (français)

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