Alors que les socialistes, réunis ce week-end au Mans pour leur 74ème Congrès, affichent les divisions de leurs multiples présidentiables, la majorité a-t-elle des raisons de pavoiser ? Les sondages qui donnent les candidats de la droite (Sarkozy ou Villepin généralement) gagnants dans tous les cas de figure au second tour des élections présidentielles de 2007 font illusion.

Il y a toujours, loin des échéances, une prime à la légitimité, au bénéfice de ceux qui sont en place. Personne en juin 1980 n'imaginait par exemple que Giscard puisse être battu l'année suivante.

Il y a illusion d'abord parce qu'avec déjà six candidats déclarés : Sarkozy, Villepin (ou Chirac ?), Bayrou, Dupont-Aignan, Villiers, Le Pen, rien n'assure que le seul survivant au second tour ne sera pas le dernier nommé.

Ensuite parce que depuis 1978, à sept reprises, les Français ont systématiquement pratiqué l'alternance aux élections nationales. Cette attitude est, parmi d'autres, un des signes de la grave crise de légitimité qui affecte la classe politique française dans son ensemble. Les Français sont comme un mauvais dormeur qui ne cesse de se retourner dans son lit sans trouver une position qui le satisfasse.

Un bilan peu glorieux

En outre, les accomplissements de la droite depuis 2002, le gouvernement Raffarin ayant déjà tenu les commandes pendant les 3/5 du quinquennat, ne sont pas si glorieux qu'il faille qu'elle s'attende à être félicitée par les électeurs en 2007. Si la réforme des retraites a fait un bout du chemin nécessaire en la matière, ni une décentralisation calamiteuse, qui se traduit partout par l'explosion des impôts locaux, ni des réformes homéopathiques – et à certains égards contestables - de la Sécurité sociale et de l'Éducation nationale ne suffisent à faire un bilan présentable.

Pas davantage la multiplication de comités, haut-conseils, observatoires etc., aussi inutiles que coûteux, purs produits du manque d'imagination et de l'action des lobbies, le dernier né, la Haute-autorité de lutte contre les discriminations (Halde) ayant montré à quoi il servait en imposant à la RATP réticente des affiches promouvant de manière agressive l'homosexualité.

En annonçant qu'il s'attaquait au chômage, Villepin a choisi le bon angle d'attaque. Mais ses recettes : un peu de flexibilité par le " contrat nouvelle embauche " et une nouvelle couche de traitement social, suffiront-elles à atteindre des résultats sensibles si on feint d'ignorer que les racines du mal sont autant européennes que françaises : le libéralisme dogmatique de la commission et l'euro fort ?

La droite n'est donc pas en si bonne posture qu'elle croit. Le Parti socialiste finira par se mettre d'accord sur un candidat, bon ou mauvais peu importe, et le risque d'un vote sanction des Français demeure fort.

Écouter les Français

Raison de plus pour ne pas les provoquer. Des allègements fiscaux qui ne bénéficient qu'aux foyers aisés (et qu'on ne pense même pas à étendre aux familles alors qu'il suffirait de relever le plafond du quotient familial), des privatisations qui menacent à présent le noyau dur du service public ( EDF, La Poste) : voilà des mesures beaucoup plus impopulaires qu'on ne croit.

Certes notre fiscalité est trop lourde pour les hauts revenus et la fuite des capitaux doit être conjurée. Mais elle est trop lourde pour tous. Et faute d'arriver à contrôler les dépenses publiques (cette incapacité est le péché capital de la droite, celui qui ne lui sera pas pardonné), alléger les contributions des uns ne peut qu'alourdir celles des autres. Est-ce bien opportun dans une société où les écarts des fortunes et des revenus ne cessent de s'agrandir ?

Rien ne dit qu'EDF, qui est déjà l'entreprise électrique la plus performante du monde, fera mieux si on ouvre son capital ou qu'on circulera mieux sur des autoroutes cédées au secteur privé. Les Français, presque toujours floués quand on leur a fait acheter dans le passé des titres de sociétés privatisées, n'aiment guère cela. S'il fallait, certes, à un moment donné, décharger l'État d'inutiles fardeaux industriels comme on l'a fait depuis 1986, peut-être faut-il en tout une mesure.

Outre l'esprit de système (appuyé par les directives de Bruxelles) les privatisations actuelles n'ont d'autre but que de réduire les déficits publics pour les rendre compatibles avec les "critères de Maastricht". C'est une goutte d'eau dans un océan et c'est un acte de mauvaise gestion : on ne règle pas un budget de fonctionnement en vendant le patrimoine ; que ne fait-on comme la plupart des pays d'Europe, également incapables de tenir ces critères, qui habillent sans vergogne les chiffres qu'ils envoient à Bruxelles !

Mais surtout il ne faut pas s'illusionner : même si le Financial Times et Les Echos applaudissent, les Français, tous les sondages le montrent, n'aiment pas. Et à deux ans d'échéances capitales, il serait temps qu'on les écoute.

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