Israël

Mardi, le gouvernement israélien a annoncé la « légalisation » a posteriori de trois colonnies sauvages de Cisjordanie : Bruchin (350 habitants) et Rechelim (240 habitants) dans le Nord, Sansana (240 habitants) dans le Sud.

Cette décision du gouvernement Netanyahu s’est accompagnée d’une demande officielle auprès de la Cour suprême pour obtenir un sursis à la démolition d'une trentaine d'habitations de la colonie sauvage d'Ulpana, près de Ramallah, en Cisjordanie, construites sur des terres privées palestiniennes, le temps de trouver une solution juridique pour les préserver.

Un acte politique important

Cette « régularisation » n’est pas une petite affaire. Certes, les colonies israéliennes pullulent sur les terres palestiniennes. Plus de 340.000 colons israéliens habiteraient en Cisjordanie dont plus de 200.000 dans des quartiers de colonisation à Jérusalem-Est. Leurs productions envahissent le marché local au point qu’il est difficile aux habitants de Jérusalem de ne pas soutenir financièrement de façon indirecte les colons lorsque ils font leurs courses.

Si au regard de la communauté internationale toutes les colonies sont illégales, certaines bénéficient néanmoins d’un statut « légal » que leur a concédé le gouvernement. Cela faisait cependant vingt-deux ans qu’Israël n’avait plus procédé à une « régularisation » conformément à ses engagements en faveur de la paix. L’Etat sioniste s’était en effet engagé dans les années 1990 à ne plus construire de colonies. Plus encore, avec la signature du plan de retour vers la paix établi sous l’égide américaine (la « feuille de route ») en 2003, Israël s’engageait à détruire les « colonies sauvages » construites sans autorisations préalables des autorités.

Cette légalisation soudaine est donc le signe d’un changement de politique de la part du gouvernement Netanyahu. Qu’implique-t-il concrètement ?

Netanyahu tourne le dos à la Palestine

Alors que la paix au Moyen-Orient est plus que jamais fragile avec les affaires Syrienne et Iranienne, le gouvernement Netanyahu s’offre le luxe de tourner le dos au processus de paix en vigueur.

La « régularisation » des colonies est en effet une réponse ouvertement négative de la part de l’Etat sioniste aux conditions de dialogue proposées par Mahmoud Abbas dans sa lettre du 17 avril dernier. Ce dernier y exigeait pour reprendre les négociations de paix une série d'engagements, dont la reconnaissance des lignes de 1967 comme base de discussions et le gel de la colonisation.

Nabil Abou Roudeina, porte parole du Président Abbas, a déclaré après l’annonce du gouvernement israélien : « La décision de légaliser trois colonies sauvages est la réponse prévue à la lettre du président Abbas au Premier ministre Netanyahu ».

Bien entendu, le gouvernement israélien se défend d’une telle agressivité. Un responsable israélien explique en effet que cette décision « ne change pas la réalité sur le terrain ». Il ne serait pas question d’établir « de nouvelles colonies ni l’extension de colonies existantes » mais plutôt de « formaliser les statuts de trois communautés établies dans les années 90 à la suite de décisions de gouvernements précédents ».

La communauté internationale n’est pas dupe. D’après son porte-parole, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon s'est déclaré « profondément troublé » et déçu par la décision d'Israël.

Le pouvoir des colonies

Plus inquiétant encore qu’un simple retournement de la part du gouvernement israélien dans le processus de paix engagé, cet événement démontre la puissance d’un troisième partie beaucoup plus radical que l’Etat d’Israël ou de Palestine : les colons eux-mêmes.

Le lobby des colons est une force économique et politique en Israël. Très influent dans le parti de Netanyahu (le Likoud), il a permis aux colonies de perdurer (voire de prospérer dans certains cas) malgré leur illégalité officielle. Les pressions en faveur des colons au sein même du gouvernement sont aujourd’hui nombreuses. Elles sont d’autant plus efficaces qu’elles s’accompagnent la plupart du temps d’enjeux financiers importants. En 1999, Netanyahu a touché du doigt avec sa défaite le pouvoir électoral des colons. Aujourd’hui, il est plus que jamais conscient de leur puissance en Israël et tente tant bien que mal de les contenter tout en ménageant la communauté internationale (tout particulièrement les Etats-Unis farouchement opposés aux colonies).

Ici même, il y a quelques mois, le patriarche émérite Michel Sabbah rappelait : « La réalité des colonies est donc un danger pour toute la région. Même le gouvernement qui se dit modéré alors qu’il est extrémiste risque d’être la victime de ce mouvement. Ce n’est déjà plus la majorité qui gouverne mais un jour, les colons domineront toute la situation. Or leur mode de gouvernement étant totalement irrationnel – extrémiste et irrationnel –, l’irrationalité gagnera tout le monde, Palestiniens comme Israéliens, et ira peut-être même jusqu’à provoquer la chute d’Israël. »

Ces mots sont presque prophétiques. Aujourd’hui en effet, un mouvement au sein du troisième pouvoir que représentent les colons en Israël, d’autant plus dangereux qu’il est radical, est allé jusqu’à s’en prendre à la sacro sainte armée d’Israël, Tsahal, chargée de détruire et d’évacuer certaines colonies sauvages. C’est le fait du mouvement des jeunes des collines. Suite à des rumeurs d’évacuation de colonies illégales, une cinquantaine de jeunes s’est infiltrée dans une base près de Naplouse en Cisjordanie, s’en prenant aux soldats en mêlant insultes et pierres. Les activistes ont lancé des pots de peintures et sabotés des véhicules militaires.

Pronostic moyen-oriental

Quel est le sens alors de ce geste du gouvernement Netanyahu en faveur des colons ? A ce point de l’analyse, on ne peut que faire des hypothèses.

Dans le contexte actuel de pourparlers entre l’Iran et le groupe de 6 puissances internationales (composé des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine, de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Allemagne), on peut par exemple y voir une tentative de la part d’Israël de couvrir ses arrières et de rassembler ses troupes.

Israël a plus que jamais besoin d’affermir sa cohésion nationale tant ses rapports internationaux dans la région moyen-orientale se dégrade rapidement. La situation internationale est d’autant plus périlleuse pour l’Etat hébreux que son allié historique, les Etats-Unis, ne veulent absolument pas d’une guerre quelques mois avant les élections présidentielles.

L’Etat sioniste serait ainsi paré et aurait les soutiens financiers et politiques en cas de montée au feu contre l’Iran sans l’appui des Etats-Unis.

Pour autant, ce n’est pas parce qu’Israël se prépare à la guerre qu’elle aura nécessairement lieu. L’Etat hébreux a toujours fait preuve d’une politique d’anticipation qui lui a valu ses plus grand succès militaires. 

 

Photo : © Antoine Besson pour www.libertepolitique.com