« Ce que les “élites” cherchent à diaboliser, c’est le diagnostic des classes populaires et moyennes »

Source [La Lettre Patriote] : Le sociologue Christophe Guilluy a répondu à quelques questions de nos confrères du Figaro. Extraits :

La stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen a-t-elle atteint ses limites ?

Bien sûr. Depuis au moins Maastricht, tous les pouvoirs (de gauche comme de droite) ont compris qu’une potentielle majorité pouvait se dessiner à partir du socle populaire majoritaire, qui s’est affranchi depuis très longtemps du clivage gauche/droite. Si elle vote, cette majorité ordinaire peut remettre en cause le modèle. Or, dans l’esprit des élites, il ne peut plus y avoir d’alternative au modèle. Donc, et puisqu’on ne peut plus jouer sur l’alternance droite/gauche pour diviser les classes populaires (on l’a vu pendant le mouvement des « gilets jaunes »), que les élites sécessionnistes n’ont plus pour cadre la nation ni comme objectif le bien commun, la dernière défense va consister à exclure non pas politiquement, mais moralement la majorité ordinaire. À travers la rhétorique de diabolisation de « l’extrême droite » et du nom de « Le Pen », ce que les « élites » cherchent d’abord à diaboliser (sans le dire évidemment), c’est le diagnostic social, culturel et économique des classes populaires et moyennes, leur refus maintes fois exprimé du modèle. Et, in fine, réduire la contestation populaire à celle d’une tribu perdue, celle des fameux « petits Blancs » ; une représentation qui ne correspond évidemment pas à la réalité, les résultats de Marine Le Pen outre-mer (69,6 % en Guadeloupe ; 60,87 % en Martinique ; et 60,7 % en Guyane), donc dans la France périphérique, font exploser ce narratif. Ces territoires, qui avaient fortement participé au mouvement des « gilets jaunes » en 2018, sont caractéristiques de la contestation populaire, une contestation qui agrège les classes populaires de toutes origines, et qui vient contredire le récit médiatique autour d’un « vote petit-blanc ».

Cette diabolisation fonctionne, car elle permet de déplacer le débat du champ politique à celui de la morale. Soutenir le non au référendum en 2005, les « gilets jaunes » et évidemment tout candidat « populiste » serait évidemment « stupide » mais aussi et surtout « immoral ». Les gens ordinaires sont ainsi culturellement marginalisés, rejetés dans une immoralité difficilement tenable au quotidien. C’est pourquoi, et même si, sur la plupart des thématiques, une majorité de la population est, d’après les sondages, d’accord avec les propositions « populistes (souverainisme, protectionnisme, réindustrialisation, régulation des flux migratoires), une fraction d’entre eux (de plus en plus réduite cependant) ne franchira pas la limite morale. Cette question de l’immoralité du vote agit en effet comme un rayon paralysant pour une part importante de la population, notamment âgée.

Même si les limites de Marine Le Pen tant sur son programme, sa maîtrise des dossiers que la faiblesse de son entourage sont patentes, il faut insister sur le fait que le théâtre antifasciste qui s’applique aujourd’hui à elle s’appliquerait à n’importe quel candidat venu de la gauche, de la droite, du monde du spectacle ou de nulle part, qui porterait le diagnostic de la majorité ordinaire. La question du casting est donc accessoire. Si demain le dalaï-lama se présentait avec un programme souverainiste, il serait lui aussi fascisé, décrit comme la quintessence de l’intolérance, le symbole de l’exclusion de l’autre.

 

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