Bayrou commissaire au plan, c’est l’Histoire qui bégaie

Source [Thierry Martin pour Boulevard Voltaire] Plus ectoplasmique que Bayrou, tu meurs, et pourtant le destin de la France serait entre les mains de ce triste sire. C’est à ce personnage falot que nous confierions notre avenir ? Avec le retour du plan et du commissaire Bayrou, c’est l’Histoire qui bégaie.

Certes, ce n’est pas 1921, quand l’Union soviétique créait le Gosplan, cet organisme d’État doté d’un réel pouvoir de contrainte chargé de définir et de planifier les objectifs économiques à atteindre. Bayrou, l’homme qui n’a jamais rien fait – ministre de l’Éducation nationale sans grève, inféodé aux syndicats -, ne va pas commencer aujourd’hui. C’est plus au plan de dix ans, indicatif et incitatif, mis en place par le régime de Vichy, qui s’appuie sur deux organismes de prévision dont l’INSEE, que s’apparente ce « haut-commissariat au plan ».

Et ce n’est pas un hasard si le commissaire au plan Jean Monnet reprend son principe après guerre, avant-goût du constructivisme ordo-libéral du traité européen de Maastricht. En fait, c’est le plan Marshall (prêts américains) qui contribue au succès du plan Monnet en assurant le financement d’une grande partie des investissements des secteurs de base. Ces prêts américains avaient pour but de ne pas faire payer l’Allemagne au nom de l’explication selon laquelle les nazis seraient parvenus au pouvoir à cause du « diktat de Versailles ». Alors que les nazis étaient surtout venus au pouvoir parce que leur programme correspondait complètement à l’esprit de planification allemand initié par Bismarck.

Cette terrible idée que « l’ingénieur social » pouvait être aussi efficace pour la gestion des sociétés que l’ingénieur proprement dit pour le fonctionnement des machines, ce rationalisme constructiviste qui veut « l’organisation de la société en un tout » qu’on appelle socialisme ou, moins effrayant, keynésianisme. Contrairement à « la croissance de cet esprit capable de diriger une organisation [ordre arrangé], l’expansion de cet ordre plus large au sein duquel fonctionnent les organisations [ordre mûri, issu de la pratique, spontané, un ordre sans dessein humain], repose sur l’adaptation à l’imprévisible, écrit le prix Nobel d’économie 1974 Hayek, dans Droit, législation et liberté, et la seule possibilité due aux limites de la capacité du cerveau individuel est de s’appuyer sur ces forces supra-personnelles et « auto-organisatrices » qui créent les ordres spontanés ». N’oublions jamais que les entreprises parmi les plus puissantes au monde, celles qui ont un rôle stratégique dans l’économie mondiale, les Amazon, Google, Apple, Microsoft, Facebook, Huawei ou Alibaba, n’existaient quasiment pas il y a vingt ans. Et qu’elles ne sont jamais nées de l’imagination de quelque planificateur que ce soit. C’est de riches que nous avons besoin en France, et surtout d’entrepreneurs.

Nous avons déjà les coûteux : France Stratégie, Conseil d’analyse economique, Secrétariat général pour l’investissement, France Investissement, commission de 26 économistes sur les grands défis de demain, créée en juin par Emmanuel Macron sous la houlette de notre prix Nobel d’économie Jean Tirole, et maintenant haut-commissariat qui serait la clé de voûte de tous ces machins. Bayrou n’a pas de valeur, dit-on, il est complètement démonétisé. La preuve : il ne sera même pas payé, dit-on, pour éteindre les protestations. Il ne sera pas payé ? Mais combien coûtera-t-il, lui, ses locaux, ses notes de frais et ses collaborateurs ?

Celui qui se voudrait roi tourne autour du pouvoir comme la guêpe autour de notre assiette. Qui s’y frotte s’y pique. Bayrou est un traître, ajoute l’ancien Président Sarkozy, mais pour être un traître, encore faut-il avoir aimé, et Bayrou n’a jamais aimé que lui-même. Il a juste un pouvoir de nuisance, et même si c’est Macron qui en fera les frais, la France ne sera pas épargnée.