Il est assez pénible d'entendre les partisans du non se voir reprocher de vouloir une France étriquée et tournée vers elle-même. Parce qu'avec ce genre de raisonnement, on n'a plus le droit de dire si la Constitution est objectivement bonne et mauvaise, ce qui est la seule question.

Parce qu'il y a bien d'autres formes de coopération avec nos amis étrangers que celle qui passe par Bruxelles (cf. Airbus, Ariane, CERN, etc.).

Parce qu'il n'explique pas pourquoi les électeurs sont d'autant plus portés à voter oui qu'il sont âgés (où est "la vraie France moisie", comme disait Philippe Sollers ?).

 

Parce que pour être ouvert sur les autres pays, il faut commencer par exister : "Je préfère avoir mon propre verre pour trinquer avec mes voisins", disait le général de Gaulle.

 

Parce que ce n'est pas en abattant les cloisons qui vous séparent de votre voisin de palier, contrairement à ce que pourrait laisser penser un raisonnement simpliste, que vous vous entendrez mieux avec lui.

On pourrait ajouter, si l'on voulait être polémique, que plus nos hommes politiques sont incultes, plus ils ignorent Goethe, Shakespeare, Cervantès, d'Annunzio (et leurs langues) et d'autres moins connus, plus ils sont favorables à l'Europe, devenue le pont-aux-ânes d'une classe politique sans culture, sans mémoire et sans idées.

S'agissant du pape Jean Paul II, s'il est vrai qu'il a encouragé les Polonais à adhérer à l'Union européenne, ce n'était pas la même question ni avec le même interlocuteur ni au même moment que le vote français sur la Constitution. Il n'avait pas pris parti (contrairement aux évêques français) sur le traité de Maastricht. Il a aussi dit qu'en ce qui concerne l'Europe, l'Église " n'a pas qualité pour exprimer une préférence en faveur de l'une ou l'autre solution institutionnelle ou constitutionnelle" (Ecclesia in Europa, 2003). Son dernier livre, en particulier, (Mémoire et Identité, Flammarion) en fait le premier théologien qui se soit penché aussi en profondeur sur l'idée de patrie.

Je ne crois pas qu'il y ait rien de plus stupide que cette idée que les catholiques devraient être automatiquement pour l'Europe institutionnelle. E.Todd a dit que les idéologies fleurissent sur le terreau formé par la décomposition de la foi religieuse, qui, au moins dans un premier temps, crée un "état de manque". Que la montée de l'idéologie européenne soit le produit de substitution d'une Europe en voie de déchristianisation, comme le suggère cet auteur, est plus que vraisemblable.

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