Le Roi, comme on l'appelle en Suisse [le peuple, Ndlr], a apprécié le vote du 29 novembre dernier, une initiative populaire qui a bloqué le projet d'un droit permissif de construire des minarets dans ce pays. Était-ce pour des raisons esthétiques ou plus profondes ? Certains on parlé d'intolérance à propos de ce succès, comme le ministre Bernard Kouchner ou l'imam Kamel Kebtane [1] !
Mais, à la base, la notion de tolérance qui permet de comprendre son contraire, l'intolérance, est mal comprise. Le tolérant est celui qui accepte un mal qu'il pourrait réellement réfréner en vue d'un bien supérieur. Le minaret devient un mal plénier quand s'exerce la raison de sa finalité : non seulement le chant régulier du muezzin, cinq fois par jour au minimum, mais davantage au Moyen-Orient où des sourates surérogatoires ne cessent d'être chantées comme à Jérusalem.
Des minarets, pourquoi faire ?
Il ne faut pas être naïf : Tout agent agit en fonction d'une fin (St Thomas d'Aquin, ST, Ia, q. 44, a. 4 ; ST, IaIIæ, q. 6, a. 1 ; ST, IaIIæ, q. 9, a. 1 ; ST, IaIIæ, q. 28, a. 6 ; etc. [11 fois]). Un jour le minaret, demain le muezzin, après le Coran chanté, puis la charia revendiquée. La mosquée, loin d'être comparable à une église ou une synagogue, tend par nature à être un lieu politico-religieux.
Dans cette revendication d'origine islamiste, il n'y a pas de bien supérieur à espérer, ni du point de vue de la vraie religion (cf. Vatican II, Dignitatis humanae, n. 1, § 2 et 3), ni du point de vue du bien commun forgé par des siècles de tradition judéo-chrétienne (culture et droit), laquelle ne peut accepter qu'on chante n'importe quoi publiquement. Or c'est ce qui risque d'être possible du haut des minarets, à travers telle sourate comme celle déclarant l'infériorité de la femme par rapport à l'homme, ou l'appel à la guerre sainte djihadique.
À l'inverse, les cloches de nos églises, en plus d'être un rappel signifiant la prière chrétienne, ont su, par leur son aérien, sans qualité signifiée objective, toucher le cœur des hommes de toutes confessions.
Tous imparfaits
Les religions n'ont pas la même valeur aux yeux de la foi catholique. Dans une seule et même subsistance — l'unique vraie religion subsiste dans l'Église catholique , enseigne Vatican II dans Dignitatis humanae, n. 1, §2. À côté, existent des religions plus ou moins déficientes vis-à-vis de la vérité, ou défectueuses vis-à-vis de la morale, mais qui participent de cette religion unique, et sont orientées tendanciellement à celle-ci en raison des éléments de vérité et de bonté (cf. en analogie avec Lumen gentium, n. 8) que ces autres religions contiennent.
Mais il existe aussi des sectes ou de fausses religions (sorcellerie, magie, ésotérisme, occultisme, etc.) qui ne peuvent jamais être mises sur le même plan que ces religions simplement déficientes.
Au titre de commun dénominateur universel, il faut ajouter que tout homme est en situation défectueuse par rapport à la religion véritable en acte, qu'il appartienne de corps à l'Église ou aux religions déficientes. Cette assertion fonde le devoir d'humilité de chacun dans les rencontres interreligieuses. Mais humilité ne signifie pas absence de vérité. Ce qui nous guide c'est la charité dans la vérité (caritas in veritate) (Benoît XVI) et non la compassion ou le sentiment sans référence à la vérité (passio sine veritate).
Liberté religieuse et bien commun
La liberté religieuse, en tant que droit-exigence (droit à), relevant des droits fondamentaux (les droits de l'homme étant intégrés à ceux-ci), est déjà pleinement respectée par les mosquées sans minaret (salles de prière, ou musalla ou jamat khana) qui offrent la possibilité aux musulmans de se réunir librement pour prier. La liberté religieuse consiste en fait à ne pas être contraint ou à ne pas être empêché, dans de justes limites (celles du bien commun), à pratiquer une religion (cf. Vatican II, DH, n. 2). Même s'il faut en tenir compte, le bien commun n'est pas qu'esthétique, il intègre la culture et donc le culte du plus grand nombre.
Il convient donc de ne pas céder plus qu'il ne faut par une compassion sine veritate, par un droit permissif (droit de) décalé par rapport à la vox populi, alors qu'on n'a pas commencé à mettre en oeuvre le juste et sain principe de réciprocité : aux populations chrétiennes minoritaires, qu'on accorde donc la construction d'églises (peut-être sans les clochers, ni les cloches là où cela nuirait aux habitudes ancestrales) en Arabie et ailleurs dans le monde musulman !
Soyons reconnaissant à M. Nicolas Sarkozy d'inciter le pouvoir législatif à permettre de telles initiatives populaires en France, au cas où d'excessives poussées internationales viendraient à faire défaillir le pouvoir exécutif à l'avenir (par exemple en faisant pression sur notre dette extérieure). Il serait temps de songer à nous préparer pour en proposer sur des sujets importants qui relèvent de sujets mixtes, où l'Église a une compétence indirecte sur les pouvoirs publics (éducation, liberté religieuse, loi naturelle).
*Le Fr. Edouard Divry o. p., est dominicain du couvent de Montpellier.
[1] Il s'agit d'un vote d'intolérance, tournant le dos aux bases juridiques les plus constantes qui, à travers le monde, garantissent la liberté de religion , a déclaré dans un communiqué Kamel Kebtane, le recteur de la grande mosquée de Lyon.
M. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, s'est déclaré un peu scandalisé par le vote qui est d'après lui une expression d'intolérance . Je suis un peu scandalisé par cette décision qui est négative pour ce qui concerne les inquiétudes même des Suisses parce que si on ne peut pas construire de minarets cela veut dire qu'on opprime une religion , a-t-il exprimé sur RTL. J'espère que les Suisses reviendront sur cette décision assez vite , a-t-il encore déclaré.
Sur ce sujet :
Gregory Solari, Les minarets, porte-voix de la laïcité ? (8 décembre)
François de Lacoste Lareymondie : Minarets suisses : qui sème le vent peut récolter la tempête (4 décembre)
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