La transmission de la littérature classique à la jeunesse est en berne. Pourtant, elle seule est capable d'ouvrir l'horizon intellectuel des jeunes gens, de leur fournir une école de discernement moral, et de fortifier leur vie intérieure dans un monde moderne desséchant et aliénant.
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Vous avez consacré une étude remarquable à La Princesse de Clèves (Passions. La Princesse de Clèves, Arléa Poche, 2015), oeuvre qui a tant fait souffrir Nicolas Sarkozy au lycée. Pourquoi cette lecture exigeante est-elle encore profitable à un jeune homme ou à une jeune fille d’aujourd’hui?
Le personnage de la princesse de Clèves, qui confère son nom au roman, est un modèle humain qui devrait inciter les jeunes gens du XXIe siècle à réfléchir sur eux-mêmes. N’oublions pas que l’héroïne, lorsqu’elle arrive à la cour d’Henri II, se trouve dans sa seizième année. Elle a donc quinze ans, et, nonobstant la précocité plus grande à l’époque qu’aujourd’hui, c’est une adolescente.
Un jeune de 2019 peut s’identifier à elle, du moins essayer, d’où l’intérêt d’étudier ce roman au lycée. Ajoutons que la peinture de l’amour par Madame de Lafayette, l’énigme du renoncement au bonheur que raconte le roman, la société de cour qu’il décrit, procurent au lecteur contemporain un magnifique éloignement dans le temps. En fait, quel que soit l’âge du lecteur, le miracle de ce roman qui a traversé les siècles tient à ce qu’il offre matière à s’interroger sur soi-même. Tel est d’ailleurs le miracle de toutes les grandes œuvres.
Il y a ainsi, de façon exemplaire, dans La Princesse de Clèves une description des rapports entre les hommes et les femmes qui mérite qu’on s’y plonge. Ce roman renferme une inépuisable évocation des passions - passion amoureuse, passion du pouvoir, passion de l’absolu. À rebours de l’interprétation habituelle qui fait de Madame de Lafayette une féministe pour qui les femmes sont toujours des victimes et les hommes des coureurs de jupon, son roman peint des femmes dominantes, marquées par le goût du pouvoir, et présente des hommes sentimentaux, subjugués, et, en quelque sorte, surnuméraires. Saisi dans les replis du texte, le féminisme de Mme de La Fayette offre de riches aperçus sur le néoféminisme d’aujourd’hui.
Les bacheliers de 2019, juge-t-on souvent, ont une connaissance moindre de ces auteurs classiques que leurs prédécesseurs voilà cinquante ans, faute de les avoir autant étudiés en classe. Quelles en sont les conséquences pour ces adolescents?
Imaginez que Notre-Dame de Paris soit rasée. Délaisser complètement la littérature classique constituerait une catastrophe de même nature. Un continent linguistique s’éloigne de la jeunesse actuelle, avec le risque qu’il disparaisse corps et biens.
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