Jean-Baptiste Hibon est psychologue. Atteint d'infirmité motrice cérébrale, marié et père de famille, il est consultant-associé à Rhéa-Développement, auteur de Ivre de joie-avec le handicap, souffrir ou renaître (Ed. de l'Emmanuel, 2004).
Prochain conférencier des Rencontres de l'OCH, le 16 mars, il réagit au vote de la loi sur le handicap votée à l'Assemblée nationale le 3 février.
La loi "pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées" a été promulguée le 11 février. S'agit-il d'un simple toilettage des mesures existantes ou d'une réforme profonde ?
J.-B. Hibon - Montrez votre système intégratif, je vous dirai dans quelle société vous vivez ! La visibilité de la différence a depuis l'aube de l'humanité attiré toutes sortes de regards : du crime jusqu'à la non-discrimination en passant par les œuvres de charité, plus ou moins bien comprises. Aujourd'hui, trente ans après la célèbre loi sur l'intégration des personnes handicapées, le gouvernement a voulu améliorer et renforcer les mesures en cette faveur. Outre l'aspect intéressant de la dissociation du handicap et des ressources financières, il est essentiel de se pencher sur le sens de la loi et, par élargissement, sur les différentes lois touchant à "l'intégrité" des personnes.
Or nous constatons que le trentenaire de cette première loi correspond à celui d'une autre loi, proposée par Mme Simone Weil. Sommes-nous dans le même esprit ? Fallait-il une loi aussi pour les "bouts-d'hommes" restés en vie ? Loin de la polémique, il me semble que le rapprochement éclaire la pertinence et les conséquences de la loi qui vient d'être votée. Cet exemple doit inviter le législateur à demeurer vigilant dans le contenu d'une proposition de loi.
Que proposez-vous à la place ?
Le handicap quel qu'il soit demeure une manifestation de la fragilité humaine qui doit être protégée pour lui permettre d'exprimer une certaine force, derrière l'apparence abîmée. La tendance actuelle est de se réfugier derrière une loi pour se préserver de tout travail personnel face à la réalité blessée. La faute à qui ? Trouvez moi le coupable ? Bien souvent ce dernier demeure bien caché, au fond des consciences individuelles. Personne ne fera à notre place ce que nous pouvons faire nous-même.
Nous voulons transférer à des instances supérieures des capacités que nous possédons mais ne réalisons pas nous même par manque d'autonomie. En effet la véritable autonomie est celle qui consiste, d'après Gilles Le Cardinal, "à demander de l'aide à la personne susceptible de nous la donner, au moment où nous en avons besoin". Il est nécessaire de se connaître avec ses qualités et ses fragilités pour savoir quelle aide nous allons demander et à qui nous ouvrir dans la relation.
Cependant il est beaucoup plus facile de revendiquer des droits pour contourner les devoirs liés à la situation. Ainsi pour réussir une bonne intégration, il est important d'intérioriser, d'assimiler sa fragilité à sa vie pour être intégré ensuite par l'environnement dans lequel nous sommes. Une fragilité assimilée à des qualités renforce ses aptitudes, comme un handicap assimilé à une vie. En fait, une fragilité ou handicap, loin d'être une fatalité, peut devenir un adjectif qualificatif renforçant l'unicité de la personne.
Et vous pensez que ce n'est pas l'orientation du moment ?
Ce qui est gênant, c'est la politique de la non-discrimination. Outre la connotation péjorative du terme discrimination, en niant l'état de chacun, nous enlevons à la personne sa faculté qu'elle a naturellement de discriminer, discerner, différencier et finalement, choisir, décider. Chassez le naturel et il revient au galop avec des critères pouvant être beaucoup plus pernicieux. Il est nécessaire de définir des règles éthiques pour empêcher les dérives discriminatives mais pas remettre en question ce qui constitue la base du fonctionnement cognitif de l'Homme.
Les efforts législatifs pour instaurer l'égalité des chances seraient donc illusoires ?
Oui, je pense que l'acceptation et l'assimilation de notre identité avec nos deux versants que sont nos richesses et nos fragilités seront toujours préférables à des mesures prises, à la force du poignet, pour essayer d'atteindre une utopique égalité. Pour tendre vers cette complémentarité sociale et s'enrichir mutuellement de nos différences, la société a besoin de créer des nouveaux outils permettant de construire des représentations communes selon la vocation de chacun. C'est pour cette raison que je crois en l'efficience du handicap comme révélateur et source de sens social.
> Jean-Baptiste Hibon interviendra dans le cadre des Conférences-Rencontres de l'OCH le mercredi 16 mars 2005 à 20h30 au Centre Chaillot-Galliéra, 28 avenue George-V Paris VIIIe. Informations au 01 53 69 44 30. Contact : info@och.asso.fr ou http://www.och.fr
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