La présidente du nouveau Parti chrétien-démocrate, Christine Boutin, évoque son jetage du gouvernement en termes peu amènes. L'ancien ministre du Logement se plaint d'avoir été maltraitée et se dit victime d'un délit de sale gueule . A-t-elle été écartée en raison de ses idées ?
En préliminaire, on doit se rappeler que la constitution d'un gouvernement est ce qu'il y a de plus imprévisible et de moins logique. C'est l'acte le plus politique qui soit, le plus politicien devrait-on dire, par conséquent le plus frustrant pour les exclus, les évincés, et les malchanceux de toute sorte. S'il y a un domaine où les droits acquis n'existent pas et où les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent, c'est bien celui-ci.
Deuxièmement, l'actuel équilibre des pouvoirs au sein de l'exécutif est tel que cet exercice est totalement dans les mains du président de la République, plus encore après les résultats des élections européennes. Il est notoire que François Fillon n'a contribué que marginalement à la constitution de ses gouvernements successifs, ayant surtout joué le rôle ingrat qui consiste, éventuellement, à déblayer le terrain préalable, plus sûrement à faire avaler les pilules présidentielles par ceux avec qui il entretient de meilleurs rapports. S'en prendre à lui pour épargner le chef de l'État n'est pas raisonnable.
Enfin, bien que Christine Boutin se soit bien tirée d'un ministère politiquement exposé à l'agitation politique récurrente (chaque hiver comporte un nouveau risque de dérapage qu'elle a su gérer avec doigté), elle paie probablement plusieurs ardoises. Peut-être des dysfonctionnements internes. Sans doute l'institution du droit au logement opposable (la loi du 5 mars 2007, dite DALO) dont elle est à l'origine mais qui, à l'expérience et une fois qu'on a quitté l'euphorie démagogique pour entrer dans le concret, s'avère politiquement scabreux et débouche sur un imbroglio juridico-administratif, notamment avec les collectivités locales, dont les prochains gouvernements n'ont pas fini de souffrir.
Plus certainement, mais cette circonstance est à son honneur, on lui reproche ses prises de position récentes contre plusieurs projets chers au Président (statut du beau-parent, mères porteuses, travail du dimanche).
On est en droit de penser que cette dernière raison a pesé lourd, d'autant plus que les faits sont récents et que Christine Boutin n'a pas eu le temps de les faire oublier ou de les compenser par d'autres actions. Or la solidarité gouvernementale, fût-elle de façade, est un principe-clé de fonctionnement de tout gouvernement. À cet égard, l'élue des Yvelines n'a pas les liens historiques ou personnels avec le président de la République qui lui eussent permis de prendre des libertés. Celui-ci n'a certainement pas apprécié d'avoir été bloqué de façon aussi visible politiquement sur des propositions symboliques : il l'a d'ailleurs fait savoir publiquement à l'époque. Pas plus qu'il n'a pardonné à Roger Karoutchi, malgré son "coming out" de sauvetage électoral, les plantages parlementaires récents que le ministre chargé des Relations avec le Parlement avait précisément pour mission de parer.
Poids politique
Même si l'amertume de Christine Boutin est compréhensible, il est toujours mal perçu de se lamenter sur sa propre éviction. On se souvient des femmes nommées dans le premier gouvernement Juppé, qu'on a appelé les juppettes , évincées en 1995, et dont rares sont celles qui ont survécu politiquement.
La question de fond est celle du poids politique de Christine Boutin. Le gouvernement remanié vise davantage à renforcer l'efficacité du dispositif et à maintenir la pression sur la gauche, qu'à soigner l'équilibre des courants politiques au sein de la majorité présidentielle. Certains ont cru que l'ouverture de Nicolas Sarkozy et son approche positive du fait religieux ouvraient un espace aux porte-drapeaux de telle ou telle tendance. Christine Boutin a volontiers campé un rôle dans cette perspective. Or les catholiques français ne fonctionnent pas sur le registre partisan : même unis sur l'essentiel, ils ne s'enferment jamais dans un seul parti ni autour d'une seule personnalité, ce qui est la sagesse même. Le nombre de parlementaires indépendants qui partagent leurs convictions en témoigne.
Sans doute une part des Français, catholiques ou non, ne restera pas insensible à l'éviction de la présidente du Parti chrétien-démocrate. Mais cette part est probablement insuffisante et trop peu homogène pour que celle-ci s'attribue le poids politique de cet électorat, que nul n'a jamais pu fédérer.
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