Nos coups de coeur
UNE RECIDIVE. Jean Sévillia, qui avait déjà dénoncé le Terrorisme intellectuel de 1789 à nos jours (Perrin 2000), passant au crible des faits les campagnes tendancieuses lancées par la pensée " politiquement correcte " depuis la guerre, s'attaque aujourd'hui à l'histoire, ravagée de poncifs pleins de parti-pris, dont le catholicisme, la monarchie ou, plus récemment la droite sont les victimes de prédilection.
Œuvre salutaire tant les idéologies du XXe siècle ont biaisé non seulement notre jugement mais encore notre mémoire. Si l'école publique française respectait une certaine neutralité – toute relative - du temps d'Ernest Lavisse, la vulgate marxiste qui sévit depuis la guerre n'a pas eu la même retenue et a délibérément, de pair avec des films, des bandes dessinées, des émissions de télévision, réalisés d'ailleurs par les mêmes qui subirent l'influence de l'école, faussé notre mémoire. L'école publique n'est pas seule en cause : je connais telle institution catholique où l'enseignement de l'histoire de la sixième à la terminale fut pendant trente ans abandonné sans contrôle à une enseignante membre du PC !
Que le régime féodal ait eu ses équilibres subtils, que l'Ancien régime ait été profondément civilisé et beaucoup moins arbitraire que ce qu'on a dit, voire moins que les Républiques qui l'ont suivi : tout cela commence à se savoir. Les travaux de Régine Pernoud, de Pierre Chaunu , de Roland Mousnier et, dans une autre genre, de François Furet, sont de mieux en mieux connus. Mais il était utile qu'une synthèse à l'intention du grand public (et donc de la jeunesse des lycées et des universités) fasse une synthèse critique de tant de stéréotypes orientés et dépassés.
Mais Jean Sévillia va plus loin en prenant sur plusieurs points importants le contre-pied d'une histoire de plus en plus anticatholique. Il s'inscrit ainsi dans la même ligne que celle de la dynamique équipe du magazine Histoire du christianisme. Dégonflés le mythe de l'Inquisition, qui sans être justifiée, est remise à sa juste place et dans son contexte, ou encore celui du génocide des Indiens d'Amérique latine (le seul génocide eut lieu aux États-Unis !).
Il n'est pas inutile de mettre en regard quelques chiffres. Les victimes de l'Inquisition : quelques milliers en Espagne, quelques centaines hors d'Espagne (ce qui est sans doute trop) en cinq siècles ; les sorcières brûlées en pays protestant ou catholique mais hors du contrôle de l'Inquisition : environ 50.000 (non pas au Moyen-Âge mais à la Renaissance) ; la Terreur : environ 300.000 victimes en un an (dont 30 000 à Paris) ; l'expulsion des Juifs d'Espagne en 1692 : 150.000 victimes ; celle des protestants par Louis XIV en 1685 : environ 200.000 ; celle des religieux français par le petit père Combes en 1903 : 50.000 ; celles des Français chrétiens, juifs et musulmans d'Algérie en 1963 : près d'un million.
La relecture d'autres grands chapitres de l'histoire moderne ou contemporaine, comme la question ouvrière au XIXe siècle, la Commune, la Résistance, la décolonisation sont également très éclairants. Particulièrement clairs, nuancés et informés sont les chapitres sur les guerres de religion et la guerre d'Algérie.
Il faut souhaiter que ce livre salutaire connaisse le meilleur succès.
Roland Hureaux
(c) Décryptage