Les demandeurs d’emploi de la catégorie seniors se retrouvent dans une situation insoluble : trop expérimentés pour être embauchés ou premières victimes des plans sociaux. De nombreuses solutions existent, mais ne permettent pas de résoudre ce fléau. L’éloignement du travail et les salaires indécents rapprochent inévitablement des aides sociales pour vivre dignement.
Nous avons cru que les technologies de l’information et de la communication seraient la solution pourtant, elles ne demeurent que des outils supplémentaires. Ces outils, aussi nombreux et complexes soient-ils, n’ont pas permis de réaliser le boom de productivité attendu1. Ces nouvelles technologies se sont imposées à marche forcée dans les entreprises à l’aide du télétravail ou de l’informatisation des activités professionnelles. A l’heure de l’atomisation du travail et des applications smartphone pour trouver une activité rémunérée, comment permettre aux seniors de s’épanouir à nouveau dans la société du travail tout en préservant leurs savoirs, savoir-faire et savoirs-être ?
La numérisation de l’Etat
Le regroupement de tous les services publics sur une même plateforme : France Connect2, le dossier médical personnalisé3, le Compte personnel de Formation (CPF), etc. est une véritable avancée pour les générations bercées par internet. Mais comment cette dématérialisation est vécue par les seniors ? Comme une dépendance aux compétences des CCAS ou des missions locales, services qui deviennent très vite saturés par les demandes d’emploi des plus jeunes, des moins qualifiés, etc. Comment ne pas repenser au film de Ken Loach, « Moi, Daniel Blake »4? Œuvre brillante qui met en évidence la double peine : la déconnexion numérique et le faible niveau de qualification qui ralentie l’insertion5. Au quotidien, la dématérialisation heureuse pour les générations les plus jeunes favorisent leur épanouissement tout en se révélant désastreuse pour toutes celles et ceux qui sont exclus des interactions sociales. La rematérialisation est une solution pour reconnecter les seniors avec les services publiques et la vie sociale, celle où on communique avec des paroles et non avec des émoticônes. De remettre des guichets services où l’utilisation du papier et des services postaux permettraient de retrouver du contact avec la société. Ces dispositifs sont essentiels dans la France périphérique où les Français sont souvent éloignés des services et permettrai de donner à nouveau un rôle aux seniors pour favoriser leur réinsertion.
La dématérialisation à marche forcée de la société
La numérisation massive de la vie quotidienne : le métavers, les cryptomonnaies, les applications de smartphone pour faire ses courses6, les applications de rencontre, etc. toutes ces transformations numériques vont beaucoup trop vite pour de nombreux seniors et font craindre une véritable déstabilisation de nos codes sociétaux, voire un clivage entre les connectés et les déconnectés. Dès à présent, la multiplication des logiciels dans le quotidien de la société du travail a bousculé l’emploi. Alors qu’il encore quelques années, une secrétaire médicale prenait des rendez-vous et enregistrait les patients à l’aide d’un agenda papier et d’un dossier de télétransmission, désormais, il y a une
1 https://www.strategie.gouv.fr/debats/revolution-numerique-une-revolution-industrielle 2 https://franceconnect.gouv.fr/
3 https://www.dmp.fr/
4 https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=241697.html
5La France sous nos yeux, de Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely, édition du SEUIL. 6La grande folie des abonnements, de Thomas Lestavel, l’EXPRESSn°3681 du 20 au 26 janvier 2022
myriade de logiciels qui sont censés faciliter les tâches pour celles et ceux qui sont en mesure de les maîtriser, mais une véritable barrière pour toute une génération exclue de ces professions. Comment voulez-vous qu’une personne de 55 ans puissent se sentir légitime à présenter une candidature pour un emploi qui a tant évolué en si peu de temps ?
Une adaptation de l’organisation du travail des seniors
Le corps humain change et les capacités physiques diminuent invariablement avec le temps. Comment demander aux ouvriers qui ont les métiers les plus harassants d’allonger la durée de cotisation ? De repousser leur âge légal de la retraite ? Même M. Berger, secrétaire général de la CFDT, explique au micro de France Inter7 que l’allongement de cotisation entraînera des conséquences désastreuses, car de nombreux seniors ne sont pas en mesure de cotiser parce qu’ils sont en recherche d’emploi. Le report de l’âge légal de départ à la retraite annonce seulement un allongement de la souffrance pour toutes celles et ceux qui sont exclus du marché du travail. L’échec patent des offres financées par l’Etat comme les aides à l’embauche pour les plus de 45 ans, CDD seniors à partir de 57 ans, des périodes de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) pour les personnes éloignées de l’emploi, etc. ne permettent pas de réduire durablement le chômage des seniors.
Il existe différents leviers pour lutter contre cette injustice comme réduire le temps de travail minimum à salaire égal pour les métiers pénibles, de moduler la durée de cotisation pour certaines branches professionnelles, de proposer des formations pour monter en compétences vers des emplois plus qualifiés, d’adapter les postes de travail pour que chacun puisse s’épanouir, etc. Nous devons redorer l’honneur de celles et ceux qui représentent les chevilles ouvrières de notre société, qui ont métiers les plus durs, les plus exposé lors de la crise sanitaire, les plus exposé aux maladies professionnelles, les plus exposé à la pollution. Nous avons la mission de préserver nos aînés face aux ravages du libéralisme et du chômage de masse, nous devons faire société ensemble pour protéger celles et ceux qui ont construit notre présent.
Johnny Delort-Dedieu