Note de la rédaction : cet article, publié dans notre nouveau numéro de mai 2019, a été rédigé avant l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris lundi 15 avril et n’a pu être modifié avant tirage du numéro.
La révélation a eu lieu cette année, un peu après le jour des Rois : quand les bâches sont tombées dans la nef de Saint-Germain-des-Prés, le décor peint du XIXe siècle, restauré à la perfection, est apparu. Cette « épiphanie » cache bien des drames et des contradictions.
Certes, aucune voix ne s’est élevée alors pour remettre en cause l’intérêt de cet immense chantier de restauration : au-delà du grand décor d’Hippolyte Flandrin, on assistait à un événement majeur, la résurrection d’une esthétique, celle qui avait régné, au XIXe siècle, sur les églises parisiennes et un peu partout en France. Dans les années soixante-dix, les peintures de Saint-Germain-des-Prés avaient failli disparaître, et dans les chapelles de l’abside, on avait commencé à décaper les pierres pour retrouver une prétendue pureté médiévale – bien hypothétique. Il s’agissait de débarrasser l’ancienne église abbatiale des « bondieuseries sulpiciennes » et de lui rendre la blanche pureté des pierres.
Les visiteurs depuis quelques semaines s’émerveillent : le décor tient, on le commente, Jonas sort du ventre de la baleine et le Christ de son tombeau, Moïse se prosterne devant le buisson ardent, un aplat flamboyant très Mark Rothko, les mages s’inclinent devant l’Enfant-Jésus, une mise en scène très Renaissance. Tout le monde peut admirer sans réserve les couleurs d’enluminures, la pureté du dessin, l’équilibre de cette frise de scènes où alternent Ancien et Nouveau Testament. Tout signale désormais un incontestable chef-d’œuvre, miraculé. Les chapiteaux rouges et or ont pris un éclat nouveau, la voûte étoilée brille au-dessus des chrétiens, des touristes et des piliers du Café de Flore avec la solidité d’une loi morale.
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