Source [Polémia] : Après un passionnant dossier sur la macro-économie française publié en août 2022 puis une analyse factuelle et rigoureuse sur l’accentuation du plongeon économique français publiée le 5 juillet 2023, André-Victor Robert, conseiller statistique de Polémia, s’intéresse au naufrage terrible de l’Éducation nationale…
Nos lecteurs trouveront ci-dessous les principales conclusions de l’étude résumées et un lien vers le PDF du dossier dans son intégralité.
Résumé
Le présent dossier a pour objet de documenter la baisse du niveau éducatif en France au cours des 25 dernières années et de proposer des mesures pour l’enrayer. La chute du niveau éducatif, mesurée à des stades bien précis du parcours scolaire, est attestée tant par les résultats des évaluations menées par le ministère de l’éducation nationale par le biais du dispositif Cedre propre à la France que dans les classements internationaux, réalisés sous l’égide de l’OCDE (dispositif PISA) ou d’organismes universitaires anglo-saxons (TIMMS, PIRLS). Le dispositif Cedre atteste d’une baisse très prononcée en mathématiques et en sciences, un peu plus modérée en français. Dans les classements internationaux, la France ne cesse de reculer et se situe désormais en mathématiques et dans les disciplines scientifiques sous la moyenne des pays passés sous revue par ces dispositifs, qui couvrent pourtant des pays bien moins développés que le nôtre.
Les explications possibles à cette effondrement incluent notamment : le poids toujours accru des enfants étrangers non francophones au sein de la population d’âge scolaire ; le recours à des méthodes pédagogiques parfois douteuses (comme le recours à la méthode dite « globale » pour l’apprentissage de la lecture) ; ou encore l’omniprésence des écrans dans la vie des enfants (qui a toutefois peu de chances d’expliquer l’affaissement de notre classement comparativement aux autres pays développés). Sans contester que les facteurs précités aient joué un rôle dans la baisse du niveau éducatif, ce dossier atteste qu’elle va de pair, d’une part, avec des problèmes manifestes de discipline en classe (sensiblement plus aigus dans notre pays que dans les autres pays développés), et d’autre part, avec des difficultés considérables à recruter de nouveaux enseignants pour remplacer ceux qui partent en retraite (ainsi que ceux – toujours plus nombreux – qui démissionnent). Les difficultés de recrutement sont apparues dès les années 1990 en mathématiques et en sciences, plus récemment dans les disciplines littéraires ; les rapports des jurys des concours de recrutement des années récentes témoignent, dans toutes les disciplines, tout à la fois d’une impossibilité à pourvoir tous les postes (faute de bons candidats) et aussi (malgré tout) du faible niveau d’une fraction importante des candidats admis.
Les difficultés de recrutement ont très probablement pour origines les problèmes de discipline en classe et la dégradation de la rémunération des enseignants, celle-ci est le résultat de trois décennies de sous-indexation systématique du point d’indice de la fonction publique par rapport aux prix. Il y a trente ans, un professeur des écoles débutant était rémunéré à 1,8 fois le Smic et un professeur agrégé 2,3 fois le Smic, aujourd’hui c’est 1,5 et 1,8 fois le Smic seulement. Autrement dit, en termes de rémunération et donc de considération sociale, le professeur agrégé débutant d’aujourd’hui se situe au même niveau que l’instituteur d’il y a trente ans. Les salaires de nos enseignants font en outre désormais pâle figure en comparaison de ceux de leurs collègues des autres pays d’Europe occidentale.
Dans l’enseignement public primaire et secondaire en France, tout est fait pour rendre difficile la prise de sanctions à l’encontre des élèves fauteurs de trouble : le chef d’établissement dispose du pouvoir discrétionnaire de ne pas donner suite à une demande de convocation du conseil de discipline émanant d’un enseignant ; au sein de cette instance, les enseignants ne détiennent que 4 sièges sur 14, les autres sièges étant dans les mains de l’administration et des parents d’élèves ; le fonctionnement de l’instance est régi par un formalisme excessif, et les décisions rendues par le conseil de discipline peuvent faire l’objet de multiples recours, devant le recteur tout d’abord, puis devant les juridictions de l’ordre administratif (tribunal administratif, cour administrative d’appel, et Conseil d’état statuant en dernier ressort). En matière de discipline, nous proposons d’accroître les prérogatives des professeurs (au détriment de celles du chef d’établissement), d’alléger les règles de procédure et de limiter la possibilité pour les parents de faire appel d’une sanction rendue. Nous proposons notamment de mettre un terme au pouvoir du chef d’établissement de classer l’affaire sans suite. Nous proposons aussi que l’exclusion définitive de l’établissement soit automatiquement prononcée à l’encontre de l’élève mis en cause dès lors que cette exclusion est requise par trois des enseignants de cet élève représentant au moins 60 % du volume horaire de la classe, et qu’un élève exclu définitivement pour la 2e fois d’un établissement scolaire de l’enseignement public primaire ou secondaire se voit interdit définitivement de s’inscrire dans un établissement public d’enseignement autre que ceux de l’enseignement par correspondance.
Pour que le métier d’enseignant redevienne attractif, il est indispensable de revaloriser de manière substantielle le salaire d’embauche des professeurs, ce qui passe par une refonte d’ensemble de la grille de rémunération des nouveaux embauchés et donc sans doute par la création d’un nouveau corps d’enseignants, dans lequel les professeurs déjà recrutés pourraient être versés dès lors qu’ils donnent satisfaction.
S’agissant des enseignants déjà recrutés, dans la mesure où une partie d’entre eux ont été mal recrutés, nous proposons un dispositif à quatre étages. Tout d’abord, ceux qui avaient été reçus au concours avec des notes correctes pourraient être versés automatiquement dans le nouveau corps des professeurs. Ensuite, ceux qui ont été moins bien recrutés (mais qui pour partie d’entre eux ont pu s’améliorer au fil du temps et finir par rendre un service convenable), pourraient également accéder au nouveau corps par le biais d’un examen professionnel exigeant, comprenant une épreuve écrite destinée à s’assurer qu’ils maîtrisent bien la discipline qu’ils ont la charge d’enseigner, et une épreuve orale de préparation et de présentation d’une leçon, visant à s’assurer de leur capacité à transmettre leur savoir. Enfin, ceux qui échoueraient à l’examen professionnel ou ne souhaiteraient pas se présenter à cet examen seraient inspectés en priorité, sur une période d’une semaine. Ceux pour lesquels l’inspection détecterait les plus gros problèmes devraient ensuite bénéficier d’actions substantielles de formation continue, portant sur le cœur de leur métier (la maîtrise de la discipline enseignée et la capacité à transmettre leur savoir), avec obligation de résultat en bout de course. Cela exige aussi une adaptation profonde du dispositif d’inspection des enseignants et du dispositif de formation continue, mais remettre à niveau les enseignants mal recrutés doit être considéré comme un enjeu essentiel pour l’avenir et la survie de notre pays.
Après avoir consacré un précédent dossier aux sujets de la productivité, du déficit du commerce extérieur et de la dette publique (Robert, 2023), nous consacrons le présent dossier à l’éducation. Une des raisons à cet intérêt est que les médiocres résultats du système scolaire français vont constituer un handicap pour notre pays dans son entreprise de reconstruction : il n’y aura pas de relèvement de notre pays, de la compétitivité de ses entreprises et du niveau de vie de ses citoyens, sans redressement de son système éducatif. Mais au-delà de l’impact économique, c’est plus largement la contribution de notre système éducatif à faire de nos enfants des adultes responsables, maîtres de leur destin et utiles à leur pays qui est en jeu.
Le sujet de l’éducation est vaste et complexe, nous ne prétendons évidemment pas le traiter dans toutes ses dimensions. Nous prenons tout d’abord la mesure de l’état de délabrement de notre système éducatif, par le biais des résultats des évaluations internationales du niveau des élèves. Dans la suite de ce dossier, nous portons notre attention sur les problèmes de discipline dans les salles de classe, et sur le faible niveau auquel sont et ont été recrutés une partie des enseignants depuis une trentaine d’années.
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