Ces derniers jours, la capitale de la Hongrie, Budapest, a accueilli le 52e Congrès eucharistique international. Le pape François s’est joint aux festivités dans les dernières heures, pour la messe de clôture, non sans arrière-pensées.
La communication ayant son importance, les termes employés par François ont été sans appel : il ne venait pas rendre visite à la Hongrie, il ne se rendait pas à Budapest, mais venait visiter le Congrès eucharistique. Tout a été fait, durant cette visite, pour faire sentir, par les gestes et par les mots, tout le mal que François pense de la Hongrie d’Orban.
Et pourtant, qu’avons-nous vu ? La Hongrie est aujourd’hui un pays dont la population s’affirme à 62 % catholique (tandis qu’en France, on atteint péniblement le chiffre de 48 % qui se sentent « liés » à la religion catholique.) La famille traditionnelle y est promue et encouragée, sur fonds publics, non seulement dans une optique nataliste, mais également avec un véritable projet anthropologique : il s’agit de valoriser une authentique culture de la famille, et des valeurs qu’elle véhicule. Orban a à cœur de préserver l’innocence des enfants des ravages d’une culture complaisante à l’égard de l’homosexualité militante. Il sait que le meilleur de la civilisation européenne enracinée dans la foi chrétienne risque chaque jour de chanceler, puis de s’effondrer, et se donne les moyens de la promouvoir, en faisant entendre l’un des seuls discours réalistes du continent sur la submersion migratoire. A l’extérieur de ses frontières, la Hongrie pratique une diplomatie de soutien aux chrétiens, en participant par exemple à la reconstruction d’églises et d’écoles en Syrie. Et le pays tout entier n’a pas peur de se laisser aller à une mise en scène assumée de ses racines : samedi soir, une incroyable procession s’étirait sur 3 km dans les rues de Budapest, reliant le Parlement à la basilique, afin d’honorer l’exposition des reliques de saint Etienne de Hongrie et sa célèbre couronne, symbole depuis mille ans de la vigueur de l’âme hongroise.
Mais de tout cela, visiblement, le pontife n’a cure. Bien plus, il désapprouve. La chaîne du Vatican a pris soin de ne diffuser aucune image de la rencontre entre Orban et François, afin de bien garder à cette entrevue un caractère privé, et de ne pas lui donner une dimension officielle. Il ne s’agissait pas d’une visite d’Etat. Dans ces messages, il n’a oublié aucun des sujets qui fâchent : il a prôné l’ouverture, contre le discours anti-migrants d’Orban, s’est étendu sur la menace de l’antisémitisme en Europe, feignant d’oublier que si l’antisémitisme connaît un regain de faveur, c’est tout simplement parce qu’en Europe arrivent à flots des populations musulmanes qui ont fait des juifs leur ennemi numéro 1 – ces populations musulmanes même qu’Orban veut endiguer. Les signes multipliés, dans les dernières semaines, par le Vatican à l’égard des homosexuels, entrent en aussi en contradiction complète avec la voie hongroise.
Dans les brefs instants qui ont rassemblé les deux hommes, Viktor Orban a tenu à offrir au pape une lettre autographe du roi Béla IV, datant de 1250 et à destination du pape Innocent IV, par laquelle il mettait en garde le pape contre le péril tatar, face auquel l’Europe chrétienne devait réaffirmer son unité. Dix ans plus tôt, la Hongrie avait dû essuyer une offensive terrible de la Horde d’or, qui avait déjà entraîné la soumission de la Russie de Kiev. Le pape de l’époque ne tint pas compte de l’avertissement. Quand, en 1286, les Mongols revinrent, le sang fut abondamment versé. Les Hongrois n’entendaient pas se laisser faire, et la Hongrie en sortit victorieuse. La Pologne suivit les pas de la Hongrie, et l’Europe occidentale fut sauvée. Orban connaît la suite de l’histoire, il n’est pas sûr que cela soit le cas du pape.
Constance Prazel
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