Nos coups de coeur
Le détour par la pensée du journaliste britannique Douglas Murray s’avère très salutaire. Partant de l’expérience spécifique du Royaume-Uni, Douglas Murray fait remonter le « tournant démographique » à la fin de la Seconde guerre mondiale. Jusqu’à cette date, les flux migratoires restaient limités et de ce fait facilement absorbables par les sociétés d’accueil.
Le phénomène migratoire a pris une orientation véritablement dramatique à partir du moment où, parallèlement, la natalité s’est effondrée chez les populations européennes, ou « blanches ». Au-delà du constat qui relève aujourd’hui de l’évidence, Douglas Murray s’intéresse surtout aux blocages politiques qui entourent cet état de fait. Un fossé toujours plus profond sépare les peuples qui ont atteint leur seuil de «tolérance » en termes d’accueil des migrants, et les dirigeants qui se refusent à en tirer les conséquences en termes de prises de décision, d’où la notion de suicide, car il s’agit bien là d’un ensemble de choix délibérés aux conséquences mortifères.
L’auteur signale une réelle libération de la parole, notamment sur les scandales autour des viols et agressions sexuelles dus aux migrants ; pour autant, l’action politique tarde encore à suivre, ce qui entraîne l’auteur à une conclusion extrêmement pessimiste et désabusée sur l’inanité du politique. L’ouvrage est évidemment à mettre en perspective avec les récentes situations créées par les élections en Italie, ou encore l’orientation suivie par l’Autriche ; la Grande-Bretagne, elle, malgré le Brexit, n’est pas encore véritablement entrée dans cette dynamique, ce qui nourrit à l’évidence le sentiment d’inéluctable de Douglas Murray.
Mais ce qui fait l’intérêt de l’ouvrage est le rappel essentiel que la survie d’une civilisation n’est pas d’abord une question comptable, mais spirituelle. Or aujourd’hui l’Europe occidentale n’a à proposer à ses citoyens qu’un ectoplasme de modèle, vide de sens, « une vie inconsistante et superficielle », pour citer Murray. L’Europe de l’ouest a mis fin à la quête de sens qui l’a menée, guidée, aiguillonnée dans sa dynamique d’ouverture au monde au cours des siècles passés. Elle semble se contenter d’un bonheur matérialiste de courte durée ; mais l’aspiration, la quête de sens, enfouie au cœur de l’existence, est toujours là. A n’y pas répondre on ne récolte que l’angoisse.
« Malgré le fait que nous ayons perdu notre histoire, nous sommes toujours là. Et nous vivons toujours parmi les débris de cette fois. Dans la foule qui se presse à Paris, peu de gens vont à Notre-Dame pour prier, mais l’édifice est toujours là ».
C’est justement la confrontation à l’autre qui permet aux peuples de réaliser qu’ils ne peuvent se contenter d’une estime de soi qui s’effondre. « La perte de Dieu ne peut être comblée », la force du fait impose le sursaut.