C'EST UNE BIEN ETRANGE PROMENADE " rive gauche " que la lecture des trois dernières biographies consacrées au Premier ministre.
De quoi décomplexer la droite sur le chapitre des affaires : Urba Gracco et l'intervention du garde des Sceaux Henri Nallet, l'affaire de la MNEF où la justice a bien du mal à faire son travail, nonobstant le désir affiché d'une rupture du lien entre la chancellerie et les magistrats... Sur le chapitre des rivalités entre chefs aussi : la mise à mort politique de Pezet " pour venger Gaston " a tout du feuilleton sicilien et la chronique du congrès de Rennes est à cet égard révélatrice.
Sans parler de la manœuvre contre Rocard qui démarre dès 86, consistant pour Mitterrand à faire croire — avec la complicité de Jospin — qu'il ne se représentera pas, et à laisser le député des Yvelines faire son " tour de piste " avant de l'amener à " atterrir gentiment et sans casse " lorsqu'il annoncera sa propre candidature chez Anne Sinclair le 22 mars 1988. Comble du raffinement dans la manœuvre politique : Jospin, qui attendait à titre de récompense le poste de Premier ministre n'aura que l'Éducation car Mitterrand, ne voulant pas achever Rocard qui peut toujours servir — de souffre-douleur présidentiel par exemple — bombarde le maire de Conflans à Matignon.
Sur un autre thème, ultra sensible, ces lectures (notamment Serge Raffy, p. 290), affranchiront l'électeur de droite de tout complexe : l'antisémitisme, la collaboration et même le négationnisme.
Sur l'utilisation des fonds secrets, elle n'a pas non plus de leçon à recevoir ; était-il normal qu'en 1994 cinq millions de francs provenant des fonds secrets de l'Élysée aient servi à alimenter les caisses du Parti radical de gauche à seule fin de lancer la candidature du nouveau chouchou du président, Bernard Tapie, comme le relate Serge Raffy (p. 337) ?
Quant aux mauvaises fréquentations des hommes politiques de droite, la gauche ne devrait pas se payer le luxe de les leur reprocher. Serge Raffy ne nous confirme-t-il pas (p. 386) que l'un des meilleurs amis de Lionel Jospin était Richard Moatti ? Dans sa villa d'Eygalières — dont la valeur a été évaluée à 25 millions de francs — ils ont passé de bons moments jusqu'au jour où, rattrapé par le juge Van Ruymbeke, Moatti, collecteur de fonds du PS via GEC Alsthom, comme DSK l'était pour la MNEF via Vivendi, est convaincu de malversations en faveur du PS dont il était le contrôleur des finances... et s'évanouit dans la nature au gré de ses multiples propriétés : Londres, Genève, Israël... Depuis l'homme à qui Jospin doit tant n'existe plus... À la suite de cette affaire pourtant, le juge Thierry Pons perquisitionnera rue de Solférino, puis mettra Henri Emmanuelli en examen... Heureusement les trois ouvrages contiennent des informations moins nauséabondes. Et si le récit des trois biographies se recoupent, elles diffèrent dans leur approche, et chacune d'elle a son originalité.
I- PREMIER BILAN AVEC " JOSPIN, L'ENIGME DU CONQUERANT "
Première parue des trois biographies (en avril 2001 chez Lattès), le livre de Gérard Leclerc, rédacteur en chef du service politique de France 2 et Florence Muracciole, reporter au Journal du Dimanche, est axée sur le bilan politique du candidat à la présidence.
Le livre s'ouvre sur la défaite de la gauche aux municipales de mars 2001, puis revient, comme par contraste, sur la victoire de 1997. On y apprend que c'est une semaine avant la victoire que Jospin a appelé Olivier Schrameck, son ancien directeur de cabinet au ministère de l'Éducation nationale, devenu secrétaire général du Conseil constitutionnel.
Les développements s'articulent ensuite autour de trois thèmes : le bilan des réformes ; les relations de Lionel Jospin avec les autres acteurs du pouvoir ; la politique extérieure du chef du gouvernement.
1/ Le bilan des réformes
Social. Le récit commence au départ de Jean Gandois, outré des mauvaises manières de la gauche, et à l'arrivée de son successeur. Ernest-Antoine Seillière et Lionel sont de la même promotion de l'ENA, mais le premier se méfie de ce politique qui ne connaît rien à l'entreprise : " Il a été prof d'économie, c'est pire que tout " dit-il volontiers... (p. 61.) Jospin, aidé des communistes, résiste sur Air France et lâche sur France Télécom et l'Aérospatiale (p. 64)... Suivront Thomson Multimedia, le CIC, le GAN, les AGF, le Crédit lyonnais, la Banque Hervet... Obligé de réduire les impôts qui absorbent 45,7 % de la masse salariale, Jospin mangera aussi son chapeau et ne freinera que sur les stock-options (p. 67). Mais même les politiques les plus évidemment libérales sont habillées de mots nouveaux. Ainsi la commission de privatisations devint-elle la " commission d'évaluation des participations et des transferts " (p. 72) !
Emplois jeunes et 35 heures restent donc ses seules vraies avancées sociales " socialistes " de la période. Pour Jospin, comme pour tout véritable étatiste, la loi prime sur le contrat. Ce sera donc son arme favorite (p. 71). Il faut ajouter aujourd'hui à ce bilan la loi sur le licenciement pour lesquelles cependant le gouvernement connaît quelques difficultés...
Les conflits se multiplient pourtant. Pourtant la grève des camionneurs en septembre 2000, des employés de Michelin en septembre 99, l'assassinat du préfet Érignac — que connaissait personnellement Jospin — le 6 février 98, la désastreuse nomination de Bernard Bonnet à la demande de Jean-Pierre Chevènement (p. 85), rien ne réussit à déstabiliser un gouvernement qui n'est vraiment attaqué que par les députés DL (p. 94) et que la désunion de la droite sert bien — la motion de censure, au moment de l'affaire Bonnet fait un flop (p. 95).
Enseignement. Ce maintien de la cohésion " plurielle " se fera pourtant au prix de durs sacrifices, comme celui du vieil ami Claude Allègre viré du gouvernement la veille du jour où il allait y fêter ses 60 ans (p.97). Il avait dit : " L'arabe est enseigné par des maîtres auxiliaires dont la moitié sont des intégristes ", ou encore vilipendé les " inspecteurs et leur jargon invraisemblables, le "volapük Éd. nat.". " Il avait diminué de 700 le nombre des fonctionnaires, déconcentré les mutations de enseignants... mais aussi brimé les établissements d'élite et leurs enseignants. Il a donc ligué tout le monde contre lui : le SNES-FSU comme le SNALC (p. 105) ! Sa prétention (p. 106 : " Le prion n'existe pas ! ") et sa grossièreté (p. 107, à Martine Aubry : " Tous les préfets sont des enc... et toi aussi ! ") ont fait le reste. Les profs renvoient au PS leurs cartes d'électeur déchirées. Le mot d'ordre est " virez le gros ", ce que Jospin fera, la mort dans l'âme. Il devra aussi se défaire d'un autre ami, DSK... Il n'aura pas la main beaucoup plus heureuse avec Catherine Trautmann ou Jean-Pierre Chevènement .
Société. La gifle reçue par le gouvernement à l'Assemblée sur le PACS grâce à la mobilisation orchestrée par Christine Boutin le 9 octobre 98, et la manifestation du 31 janvier 1999 passent mal (p. 127). Pourtant ce n'était pas un projet de Jospin, loin de là. Quand Adeline Hazan lui propose le CUS (Contrat d'union sociale), il n'en voit pas l'utilité (p. 130). Il tient plus à la parité, poisson pilote en l'occurrence de Sylviane Agacinski, sa nouvelle épouse. Ce sera, contre l'avis de beaucoup, une vraie parité : 50/50.
Sur les drogues douces comme pour l'allongement du délai de l'IVG, le soutien aux immigrés illégaux ou le droit de vote des étrangers, Lionel freine les ardeurs des Verts. Accusant la politique pro-immigrée et " antiraciste " de Mitterrand d'avoir fait monter les scores du FN, il se refuse à jouer le même jeu (p. 135). Du coup la loi Chevènement de juin 97 n'abroge pas les lois Pasqua et Debré... Pourtant 80.000 sans-papiers seront tout de même régularisés (p. 135).
" La sécurité est un droit, l'insécurité une injustice ", reprend Lionel au colloque de Villepinte le 24 octobre 97. Pourtant l'excellente idée de Chevènement qui consiste à rouvrir les maisons de correction destinées à éviter la prison aux ados délinquants tout en leur inculquant les règles minimales de la citoyenneté, ne sera pas retenu par le Premier ministre qui confie les " jeunes " à la " protection judiciaire de la jeunesse ", c'est-à-dire à des éducateurs trop souvent inaptes à se faire respecter par ces " sauvageons ". La " petite " délinquance, rebaptisée " incivilité ", la plus gênante pour les populations (vols de sacs à main ou de voitures, incendies de voitures, viols, agressions...) ne reculera pas devant de telles mesures. Le constat est fait en 2001 : la délinquance a augmenté de 5 %.
Lionel Jospin va satisfaire les visions réformistes de Mme Guiguou sur l'indépendance de la justice, ce qui lui rallie du reste une partie de la droite y compris le Président, et sur la présomption d'innocence, ce que la droite redoute car une catégorie de prévenus du grand banditisme pourrait bien utiliser les protections ainsi ouvertes pour échapper à la justice. Seule cette partie du projet — aujourd'hui, du reste, remise en question — " passera " cependant.
Pour ce qui est de la Corse, c'est Olivier Schrameck, très au fait de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui trouvera l'astuce permettant d'accorder à l'Assemblée de Corse un " pouvoir encadré d'adaptation de la loi nationale " en faisant une analogie — au demeurant contestable — entre la collectivité locale et les établissements à caractère scientifique, culturel et professionnel... jusqu'en 2004 où la Constitution sera modifiée pour permettre une véritable autonomie, sinon législative, du moins réglementaire...
2/ Les relations de Lionel Jospin avec les autres acteurs politiques
À la page 155 commence une savoureuse chronique intime de la cohabitation, du Conseil des ministres aux échanges de piques sur les " expérimentations hasardeuses " que se renvoient les deux têtes de l'exécutif, en passant par les échauffourées plus sérieuses sur la MNEF ou les emplois fictifs de la ville de Paris. Parfois l'exaspération conduit le Premier ministre à une lecture partiale de l'histoire — sur l'esclavage et l'affaire Dreyfus, par exemple — provoquant presque un pugilat à l'Assemblée (p.169). C'est Olivier Schrameck qui le convaincra, nous apprend Gérard Leclerc — de faire amende honorable. Il nous rappelle aussi que c'est Giscard qui offre à Jospin le très beau cadeau de la proposition de loi sur le quinquennat déposée par ses soins sur le bureau de l'Assemblée le 9 mai 2000, même si deux électeurs sur trois boudent le référendum qui suivra.
Parfois, comme sur l'interdiction des farines animales, le Président court-circuite carrément Lionel Jospin dont la réaction est violente (" c'est un fou, un irresponsable " dit-il à ses collaborateurs). L'affaire Méry qui met en cause Jacques Chirac à propos des marché d'Île-de-France aurait de quoi satisfaire sa vindicte. Malheureusement DSK se trouve impliqué et le Monde en est informé à la fin de l'été 2000...
L'entente, du reste, n'est pas forcément totale entre Jospin et ses propres troupes.
Que l'origine du terme soit Verte ou communiste, la " majorité plurielle " fait florès. Mais la faire durer nécessite un soin sourcilleux. Gérard Leclerc raconte : chaque mardi à Matignon, un café-croissant réunit les têtes du PS (p. 193) : état des troupes, état de l'opinion, problèmes du jour sont analysés et commentés. Les présidents de groupes des partis composant la majorité plurielle se réunissent, eux, tous les quinze jours, et déjeunent avec Jospin à Matignon tous les trois mois. Par ailleurs, à l'Assemblée, s'il se refuse à utiliser l'article 49-3, Lionel met tout de même en jeu l'existence du gouvernement vis-à-vis de ses alliés.
Ainsi sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale en novembre 99 : " Si le projet ne passe pas, il n'y a plus de gouvernement ce soir ", dit-il au communiste Alain Bocquet... Les communistes, au lieu de voter contre, s'abstiendront (p. 201).
En octobre 2000 encore, quand le vote du projet de loi de finances est menacé, Jospin adopte la même tactique. C'est Jean-Michel Baylet, président des radicaux de gauche qui sonne alors le rappel pour que le texte passe.
Avec les Verts ce n'est pas toujours simple. Court-circuitée sur la baisse de la taxe des produits pétroliers pendant la grève de l'an dernier décidée alors qu'elle est en vacances, Dominique Voynet et son parti menacent de faire défection. Sans parler du MDC, dont le chef a des aspirations présidentielles et qui ne manque jamais de faire entendre sa différence.
Ajoutons à cela l'extrême gauche et ses listes " motivées ", LCR, et LO qui ont fait de bons scores aux municipales et risquent d'attirer des électeurs sur les marges de la majorité plurielle... et on comprendra que la vie du chef de la majorité n'est pas un long fleuve tranquille.
3/ La politique extérieure du Premier ministre
Israël-Palestine. " Ce n'était ni l'endroit ni le moment pour employer ce terme terroriste ", reconnaît Lionel Jospin après les évènements de Bir Zeit. C'était au contraire le moment et il eut fallu qu'on l'écoutât... mais sur le moment la " gaffe " en étonnera plus d'un, car Jospin a toujours été plus pro-arabe que pro-israélien, et vaudra à son auteur le châtiment de la femme adultère : la lapidation ainsi que le sort du président américain : être brûlé en effigie.
Kosovo, Afghanistan. La participation de cet ancien pacifiste et ce chef d'une coalition de gauche à la guerre du Kosovo sera souvent une épreuve. Les présidents de groupe sont réunis trois fois par semaine (cf. p. 225). Seul Chevènement protestera en distribuant à l'Assemblée un texte de Hans-Magnus Enzenberger qui proteste contre les fantasmes d'une " morale omnipotente ". Heureux que cette guerre là se soit arrêtée avant une intervention au sol, Jospin craint qu'il n'en soit pas de même dans la guerre d'Afghanistan et reste sur une prudente réserve. Il affirme pourtant : " Je ne suis pas pacifiste, mais pacifique. "
L'Europe. Il dit aussi volontiers : " Je ne suis pas européiste, mais européen. " En juin 2000, Chirac propose à Berlin une refonte institutionnelle de l'Union. Lionel s'agace : fédéralisme, ils n'ont que ce mot-là à la bouche, mais savent-ils ce que fédéralisme veut dire ? souhaitent-ils que le France devienne la Californie, le Texas ?
Le livre se termine sur un évaluation des chances du candidat Jospin à la présidentielle dont on ne retiendra qu'une phrase : " Il a aussi prouvé sa capacité à forcer le destin et à renverser une situation compromise " (p. 269).
II- PLAIDOYER DYTHIRAMBIQUE POUR " LIONEL "
Lionel, le livre de Claude Askolovitch, paru chez Grasset en août 2001 n'est en revanche qu'un long plaidoyer hagiographique pour le candidat socialiste.
Malgré une entrée en matière humoristique empruntée à Cioran : " Je n'ai jamais compris pourquoi le risque d'avoir un biographe n'a jamais dissuadé personne d'avoir une vie ", Claude Askolovitch, reporter au Nouvel Obs n'évite pas les pièges de l'hagiographie. En réalité, on le comprend dès la première phrase : " Il ne faut pas en vouloir à Lionel Jospin de nous avoir menti ", il s'agit bien d'une plaidoirie qui a pour but, sinon d'innocenter Lionel du moins de lui faire accorder les " circonstances atténuantes ". Mieux, de demander au lecteur qui se trouve être aussi un électeur potentiel d'" oublier l'espionnage, de chasser le policier qui sommeille en nous ".
Le livre peut être lu en deux temps : la première partie couvre la période qui va de la naissance de Lionel (1937) à la période de 1989 où son ascension rapide au sein du PS se trouve soudain comme stoppée par l'hostilité de François Mitterrand tandis que les soucis personnels s'accumulent : séparation d'avec sa première femme, maladie de son père.
La seconde partie part des malheurs des années 90 pour relater la " renaissance " de Lionel dans sa vie privée et publique, à partir de 1993.
1/ 1937-1990
Lionel, fils de Robert le " mal conscient ". Sur le passé sulfureux du père de Lionel, Askolovitch écrit benoîtement : " Robert Jospin a raté des marches. Il a fait quelques bêtises... "
Plus loin cependant (p. 55) les " bêtises " sont nommées. Militant SFIO, candidat malheureux à la députation en 1936 dans l'Indre à La Châtre, Robert Jospin " sera figé dans l'horreur de 14 " le " plus jamais ça "... " Il en oubliera plus tard de voir le fascisme dans toute son horreur, il sera myope, imprudent, léger, aveuglé... Il sera également, liberté oblige, solidement anticommuniste. " En 39 " les pacifistes n'ont plus de boussole : l'ennemi n'est pas le nazisme mais la guerre elle-même ". L'" armistice, plus de guerre, la collaboration, certains verseront dans l'infâme à vouloir n'être fidèle qu'à la paix "... " Ceux-là détesteront plus les fauteurs de guerre que les nazis. Ils détesteront De Gaulle et la Résistance d'entretenir la flamme. Ils haïront les juifs d'être un obstacle à l'harmonie. Certains pacifistes deviennent fous à force d'être logiques. On en trouve au RNP, le Rassemblement national populaire de Marcel Déat : Déat, un normalien, jadis grand espoir du Parti socialiste qui crée sous la botte une sorte de parti nazi à la française... "
Conclusion logique (p. 61) : Robert " ne sera pas un salaud. À peine un mal conscient " ! " Il a la tête perdue dans une grande histoire à laquelle il ne comprend rien, idéologue d'une impossible amitié entre occupant et occupé... " On le verra à la Ligue pour une pensée française, un mouvement pétainiste " de gauche "... Et pas seulement au début de la guerre. En 1944... il est sollicité par Claude Jamet, un ancien des Ligues pacifistes et de la SFIO pour collaborer à Germinal, émanation du NRP qui " soutient l'occupant nazi tout en se réclamant de la pureté jauressienne " (p. 61). La même année, il est de plus nommé, par l'État français au conseil municipal de Meudon. Askolovitch plaide encore : " Il s'agissait d'aider les gens, de s'occuper de ravitaillement, c'était à peine politique... "
Robert a tout de même de la chance. Il ne sera " épuré "... que de la SFIO. Sa carrière politique seule est brisée. La professionnelle pourtant n'est pas loin de l'être. Il est muté à la campagne comme directeur d'une maison de correction rebaptisée " Éducation surveillée ".
Avec d'autres parias de la gauche pétainiste, il rejoint le Parti socialiste démocratique et réintègre la SFIO en 1955. Il sera aux côtés de Guy Mollet lors de la guerre d'Algérie. Lionel contestera le choix paternel, au nom même du vieux drapeau pacifiste reconverti dans l'anticolonialisme puis l'anti-américanisme de la fin des années 60. Il a 19 ans. La brouille politique est définitive. Robert, de son côté, refuse toujours un PS qui se compromet avec les communistes. Il passera au Parti socialiste démocrate qui finira au sein... de l'UDF (p. 64).
On comprend bien que " Lionel, longtemps, ait eu du mal à parler de son père " (p. 65) ! On comprend aussi qu'il ait salué l'itinéraire politique enfin révélé de François Mitterrand, en 1994, d'un discret : " On aurait rêvé d'un itinéraire plus simple et plus clair ", phrase qu'il avait dû souvent appliquée à son propre père. Askolovitch souligne que ce n'est pas une droite toujours inapte — et c'est à son honneur, d'une certaine manière —, à faire feu de tout bois contre ses adversaires, mais un homme soi disant de gauche, Roland Dumas, qui soulèvera le " lièvre Robert ". Fin 2000 dans le Courrier Picard, il affirme que Lionel Jospin " a du mérite à vouloir moralité et transparence parce qu'il pourrait bien lui arriver la même mésaventure qu'au Premier ministre danois qui a découvert que son père était collabo " (p. 67 ). Le Point relève l'information. Jospin attaque et rappelle à Dumas qu'il a lui même décoré son père de la Légion d'honneur quand il était ministre des Affaires étrangères... Sans doute Dumas, qui défendit en son temps une femme de mauvaise vie qui dénonçait les résistants à la Gestapo n'était il pas le mieux placé pour lancer ce genre d'attaque. Quoiqu'il en soit, comme par hasard, parait opportunément dans le Monde un article relatant l'affaire Elf qui a dû clore le bec opportunément au trop bavard président du Conseil constitutionnel.
Lionel, le " révolutionnaire masqué ". " Un homme droit et pourtant secret... " " Le mensonge d'un homme auquel le mensonge ne ressemble pas... " " L'orgueil d'un homme qui sait sa vérité quand tous les autres l'ignorent. " " Il connut deux écoles... l'ÉNA... et le trotskysme [...], Jospin est passé au moule de ces deux élites... " " Cette double identité le fait plus dur que les autres, mieux formé, imbattable. " Ces extraits dithyrambiques tiennent sur deux pages (14 et 15). Faut il continuer ? Citons encore p. 27 : " Lionel était un grand jeune homme bouclé qu'une transcendance habitait... " ou encore, sur son départ du Quai d'Orsay : " Il avait rompu avec les faux-semblants du corps diplomatique avant que celui-ci ne le piège ", ou " il s'écorchait l'âme à se dissimuler " (p. 27 ) !
Non content de blanchir Lionel pour ses activités de " sous-marin " trotskyste au sein du PS, Askolovitch s'obstine à nous montrer Jospin autrement. Ainsi affirme-t-il p. 74 : " Jospin a du Gaulois en lui. " Réaliste cependant, il admet que " ce n'est pas facile à croire que Jospin est drôle "... Les pages 84 et suivantes du livre nous apprennent aussi qu'il aime l'art, qu'il a un " cousin " Jospin aux USA dont la famille est originellement " juive d'Europe de l'Est "..., qu'il voulait être acteur, et pas n'importe lequel : Tarzan !
Dans le désir sans doute de le faire paraître toujours plus humain, l'auteur rapporte qu'Hélène, la grande demi-sœur, née du premier mariage de Robert Jospin, ayant peur que le militantisme de gauche nuise à Lionel pour l'établissement du rang de sortie qui décide de la carrière à l'ÉNA, car à l'époque l'école était " gaulliste ", a été en 1965 " tirer les sonnettes dans les milieux protestants " en particulier celle de Maurice Couve de Murville. Y a-t-il un lien à faire entre cette démarche et le rang de sortie de Lionel qui entre... aux Affaires étrangères, le fief de Couve ? L'auteur, lui, tranche : " Lionel était compétent, tout simplement ! " (p. 96.)
Quelques informations précieuses tout de même dans cette guimauve adulatrice. Notamment sur l'enchaînement des rencontres qui conduisent Lionel au trotskysme. Le premier responsable de l'engagement de Lionel à l'extrême-gauche serait un professeur de philosophie du très bourgeois Janson-de-Sailly " qui donne à Lionel et autre élève de terminale " des cours particuliers de marxisme " (p. 98). Pourtant Lionel n'adhèrera pas au PC. Héritage paternel ou suite des évènements de Hongrie... ? C'est la " Nouvelle Gauche " de Gilles Martinet qui l'attire tout d'abord. Elle se fondra, en 1957, dans l'UGS-Union de la gauche socialiste qui elle même, en 1960, fusionnera avec le PSA, Parti socialiste automne, dissident de la SFIO, qui refuse le ralliement des molletistes à de Gaulle.
Quand au trotskisme, Lionel l'a déjà rencontré parmi les animateurs de la maison de correction de Robert Jospin à Chamigny. L'un d'eux, Michel Lautrec, s'engage au nom du trotskisme, dans la lutte pour l'Algérie indépendante aux côtés du FLN. C'est lui qui entraîne Lionel au " groupe Lambert " du pseudo de son leader, Pierre Boussel dit Lambert (p. 109).
" Intransigeance doctrinale et pragmatisme de comportement ", tous les biographes sont d'accord sur cette définition du lambertisme. Il a infiltré FO et les socialistes, son but : contribuer à " casser le PCF représentant français d'un stalinisme honni ". Les trotskistes pondent leurs œufs dans tous les nids de la gauche officielle... Ils sont à la fois sincères et dissimulateurs. Le but est si grand, que sont les moyens ? " commente Claude Askolovitch.
En 1965 le " groupe Lambert " prend le sigle d'OCI. C'est là que Lionel, jeune adhérent, rencontre Boris Fraenkel, le " maître ", un trotskiste libertaire (p. 131). C'est avec lui que Lionel animera un GER (groupe d'études révolutionnaires) et c'est lui qui le présente à Lambert comme un militant précieux. Tous deux décident de ne pas l'utiliser pour " tracter " mais de le garder en réserve, de l'utiliser comme clandestin — comme " agent dormant " ou " bombe à retardement " (p. 134) pour infiltrer le PS et l'État. La fameuse carte postale de masque africain qui a été popularisée dans tous les supports médiatiques dès que son " lambertisme " a été connu a été adressée à ce même Boris et sa femme.
On apprend encore comment Lionel rencontre le préfet Érignac et Claude Allègre à la Cité U d'Antony (p. 118), ses deux rencontres avec Josselin de Rohan, à Janson d'abord, puis à Trêves où il fait son service militaire dans la cavalerie blindée (p. 129) ainsi que celle de Jean-Louis Dabadie et Guy Roux. Ou comment, à l'ÉNA, il sympathise avec Jean-Pierre Chevènement qui anime un club de gauche contestataire, le CERES (Centre d'études, de recherches et d'éducation socialistes) et écrira L'ÉNA ou les Mandarins de la société bourgeoise tout en se liant avec Gomez futur président de Thomson, tendance Algérie française !
Ou comment lui, Lionel, le protestant, non pratiquant il est vrai, épouse Élisabeth Dannenmuller, la fille d'un catholique pratiquant qu'il a rencontré Georges Bidault (p. 139) avec lequel il restera lié même lorsque ce dernier rejoint l'OAS... Élisabeth, bien qu'en rupture avec sa famille sur le plan idéologique, n'est pas conquise par ceux qu'elle appelle les " trop tristes " et peu fascinée par les Jospin.
Askolovitch s'évertue sur trois pages (p. 143 à 146) à justifier le départ de Lionel du Quai, en 69, par un mal-être intérieur. Peut-être... Mais il y a surtout eu Mai 68, et l'OCI s'est réveillée. Est-ce un hasard si Jospin, mis en disponibilité, enseigne à Grenoble aux côtés de Pierre Broué, spécialiste de Trotsky et membre de l'OCI ? Un hasard si, professeur à l'IUT de Sceaux où il enseigne l'année suivante (il est rentré en région parisienne pour retrouver à Paris sa femme dont il s'était séparé), il dirige une " amicale " trotskiste dans le XXe arrondissement, recueille les cotisations, et vend le journal Informations ouvrières " ou il écrit à l'occasion ? Un hasard s'il est envoyé en Pologne pour entrer clandestinement au Valka Clav, journal de dissidents anti-staliniens ayant trouvé refuge en France et militant de l'OCI (p. 158-59) ?
Le sous-marin. Dans son langage fleuri, Askolovitch explique l'intérêt pour le PS d'" avoir " Jospin : " Prof de fac, énarque, anticolonialiste, Jospin semble un portrait-robot du nouvel adhérent tel que peuvent en rêver les socialistes " (p. 166). " Lambert est un génie malgré lui. En amenant Lionel Jospin au Parti socialiste, il a inventé le mariage idéal (id.). "
La réalité est sans doute plus terre à terre : Poperen a voté contre Mitterrand au congrès d'Épinay. Il veut renforcer sa tendance. Jacques Martinais, l'un des animateurs de son courant, rencontre Lambert qui lui " refile " Michel, alias Jospin. Le PS doit s'étoffer, pour être un parti de présidentiable. Il doit se diversifier, il doit se " gauchiser " pour pouvoir s'allier avec le PC. Il y a bien une aile gauche pro PC, le CERES de Chevènement. Une aile gauche opposée au PC (les trotskystes) peut y faire contrepoids. Plus tard Martinais introduira aussi au PS Julien Dray, transfuge de la LCR et Jean-Claude Cambadélis, lambertiste, dans la section du XIXe arrondissement de Paris. Au PS Lionel retrouve Pierre Joxe, détaché de la Cour des comptes au Quai quand Lionel s'y trouvait. Lionel fera partie du groupe des experts du PS, chargé de l'international. Là aussi, du reste, il aura un pseudo : Daniel Marin.
En 73, Jospin devient secrétaire national à la formation du Parti socialiste. Il ne peut plus fréquenter les cellules, même clandestines, de l'OCI. Il garde des contacts avec l'organisation via son frère Olivier et un " contact " qui lui est attaché, " M ".
L'OCI a mauvaise réputation. L'AJS, son émanation universitaire est réputée pour son sectarisme et sa violence. Sa tactique d'entrisme fait qu'on s'en méfie. En 75, il serait difficile à un observateur extérieur de " deviner " Lionel. Installé dans un immeuble qui appartient à sa belle famille, rue Servandoni, il promène ses enfants au Luxembourg, se rend à pied au siège du PS place du Palais-Bourbon tandis que sa femme suit des cours boulevard Raspail à l'école des Hautes Études (p. 176).
Mitterrand vient de rater de peu la présidentielle, Joxe de peu un poste de ministre, Jospin de peu un poste de directeur de cabinet. Mais il est promis à une promotion rapide. Il est membre dès 1973 du comité directeur, du bureau exécutif et du secrétariat... En huit ans il grimpe les échelons jusqu'à devenir en 1981 premier secrétaire du parti.
Mitterrand connaît sans aucun doute sa double appartenance. Est-il sans doute heureux, comme toujours, de promouvoir quelqu'un qu'il " tient " parce qu'il a un secret ? De plus, il suit une stratégie subtile. Il s'est d'abord appuyé sur le CERES et Chevènement, puis sur le PSU et son chef Rocard qui intègre le PS en 74. En choisissant Lionel en 81, il choisit — et il le sait — une ligne crypto-trotskiste, qui le protègera d'une progression de l'extrême gauche officielle et hostile : la LCR et LO.
Il connaît surtout, très probablement, le parcours politique de Robert Jospin pendant la guerre. Sans doute, de son côté, Jospin savait-il avant les autres par son père le passé sulfureux de Mitterrand. Le promouvoir était alors aussi pour Mitterrand se protéger... En 93, quand Mitterrand lui préfère Fabius, les langues se sont déjà déliées. Le livre de Péan est sur le point de paraître. La version de Lionel Jospin, rapportée par Askolovitch : " Nous n'avons pas parlé de mon passé avec François Mitterrand. Il était comme moi ; il s'intéressait à ce que faisaient les gens... ", est tout aussi peu crédible que cette affirmation : " Les révélations sur le passé Vichyste de Mitterrand cueilleront Lionel de plein fouet. "
C'est le Monde Dimanche qui, en 1982, a vendu la mèche de l'appartenance trotskyste de Jospin. Le premier secrétaire a démenti. Mais certains au PS s'émeuvent de cette double appartenance. " Lionel parle avec ses amis de l'OCI des débats du PS. Ce ne sont pas de si grands secrets... rien de criminel en somme ", écrit Askolovitch. Ce n'est pas l'avis de Laurent Fabius qui émet des doutes : " Jospin un bon dirigeant ? alors qu'il rendait des comptes à l'OCI pendant des années ? " Cependant, ce sont des propos privés. En public, au PS, même quand à Rennes en 1990 la guerre des " courants " fait rage, on ne se sert pas de l'information : " Expliquer devant des militants que le premier des socialistes qui a dirigé le parti pendant sept ans était un traître reviendrait à détruire le parti... " Comme pour Mitterrand en 94, l'affaire n'éclate vraiment que quand Jospin est " hors d'eau ", chef incontesté du PS et candidat unique à la présidentielle (p. 213).
Quelle gauche ? En 36, la SFIO s'est scindée donnant naissance au PSOP (Parti socialiste, ouvrier et paysan) hostile à Léon Blum. En 58, les minoritaires de la SFIO ont créé le PSA. Lionel ferait volontiers sécession, dans ce début de deuxième mandat mitterrandien ou la " tontomanie " marche à plein dans un décor libéralo-libertaro-humanitaro-antiraciste version Coluche, Renaud, Goldmann, Attali, Pilhan, Bianco, Dray et la LCR qui ne plaît pas à sa conception de la gauche (p. 243). " Les badges "touche pas à mon pote" voilà la Légion d'honneur d'une génération qui se découvre morale — le droit de l'hommisme et le consensualisme centriste ne lui conviennent pas " (p. 266). C'est pourquoi il n'aime pas Blair (p. 288) ni Fabius (p. 289) lui qui veut " dissoudre le PS dans un rassemblement plus large ". Jospin, lui " vit la fracture droite-gauche comme un axiome indispensable ". Il sait que rien n'est pire que cette juxtaposition des droites et des gauches, " cette impression que le politique est désormais la proie du consensus " (p. 346).
Il n'apprécie guère non plus les transfuges comme Régis Debray, " intellectuel gauchiste reconverti en courtisan mitterrandien puis en misanthrope néo-gaulliste " ; il récuse la dichotomie démocrate/républicain défendue tant par un Debray que par un Seguin et " vit la transparence des frontières politiques comme un péché contre l'esprit " (p. 346). Il apparente aussi la tentative de Chirac d'élargir son champ idéologique à l'aide d'un Tillinac dans Phares et Balises, d'un Seguin (qui " siège à droite et parle à gauche ") ou d'un Emmanuel Todd, à une " tricherie " (p. 347).
2/ 1989-2001
1989-1995. Les années 89 -93 sont les plus noires pour Lionel Jospin, et paradoxalement, comme il arrive parfois, les plus fructueuses. Il se sépare de sa femme en 1989. Son père meurt en 1990. Ministre de l'Éducation nationale, il est bafoué par une alliance contre lui de François Mitterrand, Julien Dray, et la FIDL, mouvement lycéen dont le leader, Isabelle Thomas, devient la coqueluche du vieux Président. " Le spectacle des lycéens appuyés sur le sommet de l'État lui a été une obcénité " écrit Askolovitch p. 320. En 1992, il sera remplacé par Lang. De plus, les " affaires " battent leur plein et Jospin, bien que " sept ans premier secrétaire du Ps, quatre ans ministre, mais blanchi de toute complicité, non coupable ", quitte ses fonctions au PS (p. 333).
Mais dès 1993, il rebondit. Sa " traversée du bac à sable " comme disent ses amis ne durera guère que de la défaite de mars 93... à avril où il commence à réunir régulièrement son " courant " au Bistrot de Paris (p. 334). Il entretient des liens avec Chevènement qui vient de quitter le PS pour créer le MDC, Bertrand Delanoë et Daniel Vaillant ainsi qu'avec Jean-Claude Cambadélis, ancien de l'OCI — avec laquelle il a rompu en 86 — et président de l'UNEF-ID qui plaide le plus en faveur d'une majorité " plurielle, des Verts aux cocos " (instrumentalisée par Cambadélis, Dominique Voynet impose la " ligne rose " au congrès des Verts de 1993).
Avec Claude Allègre, Lionel Jospin élaborera la " motion de Liévin " de l'automne 1994 (p. 352), qui, quoique mal accueillie sur le moment, apparaît aujourd'hui comme la première pierre de son renouveau politique après 95.
Le renouveau touche aussi sa vie privée. L'indiscret biographe nous apprend qu'il revoit Christiane Agacinsky, son nouvel amour, professeur de philosophie, rencontrée en 1989 à Eygalières. Il s'installera alors avec elle et son fils — qui est le fils naturel non reconnu du philosophe Derrida — avant de l'épouser.
Le PS lui ne va pas aussi bien. La guerre des chefs, qui est aussi une guerre de succession, fait rage. Mais Mitterrand travaille pour Lionel. En 1994 il " invente " Tapie qui damera le pion à Rocard, aux européennes, puis le laissera appréhender par les juges... Fabius, lui, est atteint par le scandale du sang contaminé... Les deux principaux rivaux de Jospin sont hors jeu.
1995-2001. Le " Yo-yo " des Guignols a l'air idiot du " ravi " et personne ne se méfie. Mais au débat qui l'oppose à Jacques Chirac pendant la campagne des élections présidentielles, il apparaît calme, détendu, crédible dans son désir exprimé de " faire de la politique autrement ". Ce n'est pas le combat de grands fauves que le public attendait et beaucoup lâchent avant la fin d'un échange trop courtois et trop technique, mais le message est passé.
Lionel ne sera pas élu, mais il se prépare. Son souci est de ramener le ligne idéologique du PS de la galaxie Act up, AC !, Ras-le-front, Droits devant !, le cartel des sans papier, etc. vers un horizon de gauche plus classique et plus sérieux.
Pourtant il est obligé, pour se démarquer de Chevènement, de lâcher du lest sur la " République ". Askolovitch plaide : " Le protestant Jospin et le juif Schrameck ont pour la République l'attachement viscéral des minorités. " Peut-être, mais sur le voile islamique, la Calédonie, la Corse, la régionalisation, les différences tonales sont très sensibles de Chevènement au couple Jospin-Schrameck, ouvrant à Chevènement la voie d'une dissidence dont il a su profiter pour les présidentielles à venir.
Lionel ne quittera par Matignon pour être candidat. " Ce sont des conneries de communicant " dit-il. En revanche il se constitue un socle culturo-médiatique, en partie grâce à Sylviane, qui est son ouverture sur le monde artistique et intellectuel : Arditi, les couples Bacri-Jaoui, Sollers-Christeva, Pierre Perret, Jean-Pierre Vernant... La palette est large. Et le paradoxe est là. Ce milieu est celui des " bo-bos " parisiens qu'il ne se prive pas par ailleurs de critiquer.
Être à la fois Premier ministre, candidat à la présidentielle, et le mari d'une femme à la pensée libre ne va pas du reste sans écueils. Lorsque Sylviane Agacinsky écrit dans le Monde au printemps 2000 un article intitulé : " Pour le droit de mal penser ", défendant l'écrivain Renaud Camus contre la meute bien pensante déchaînée contre son " antisémitisme ", Lionel doit avoir quelques frayeurs qu'on ne ressorte la sympathie de son père pour le " négationniste " Rassinier (cf. Serge Raffy p. 291).
Pense-t-il à cela en disant, après avoir été contraint de reconnaître son passé trotskyste : " En démocratie il n'y a pas de délit d'opinion " ? En tout cas sa défense : " c'est un itinéraire personnel, intellectuel et politique dont je n'ai en rien, c'est le mot qui, convient, à rougir... ", a, au moins, le mérite de l'humour .
III- SOUS LE MASQUE DU CANDIDAT, " JOSPIN, SECRETS DE FAMILLE "
Quant à l'ouvrage de Serge Raffy, ex-rédacteur en chef de Elle et du Nouvel Obs, poète a ses heures (Lignes de fuite, Pauvert, 1999), paru chez Fayard en septembre, très axé sur la famille Jospin, il cherche à découvrir à travers elle la réalité du personnage de Lionel, l'homme réel derrière le candidat.
Le pari du livre, annoncé dans l'avant-propos, est de " lire derrière les masques ", de voir ce qui se cache derrière l'homme politique puisque " tout homme politique est un leurre ", le tout sans " brandir le glaive de l'Inquisition " ni " agiter l'encensoir ".
On est tenté, bien sûr, de commencer par les photos qui se trouvent au centre de l'ouvrage et qui viennent en complément d'une première partie consacrée aux parents et grands-parents de Lionel Jospin. Les deux autres parties sont consacrées au " candidat-premier ministre ", selon un plan déjà rencontré ; la période 1971-1992, puis 1993-2001.
1/ L'album de famille
Dans la famille Jospin... il y a d'abord Raoul Dandieu, le grand père maternel, le père de Mireille ; une belle tête de Provençal à la barbe blanche et au regard doux. Mireille, la mère, semble tout droit sortie du Temps des collines de Pagnol : petite, mince, brune, le regard droit. Quand à Robert, le père, c'est Lionel, ou plutôt Lionel c'est son père. Le regard, le menton, la silhouette sont identiques. Un peu plus de morgue et un peu moins de sérieux chez le père sans doute.
Maintenant voici Lionel. Il est déjà sérieux petit, à huit ans, la raie bien nette, un livre sur les genoux, ou à dix ans, droit dans son col de chemise soigneusement fermé. Même déguisé en indien il ne rit pas. L'ailier droit de l'équipe de basket de La Ferté-sous-Jouarre est plus souriant. Mais sous l'uniforme, en Allemagne, il retrouve presque le masque renfrogné de son enfance. Au bras d'Élisabeth, sa première femme, ravissante et élégante blonde, il apparaît heureux, mince, souriant, jeune malgré les cheveux blancs. Il est premier secrétaire, et tout lui sourit. Les photos de 1997, ou il connaît à nouveau la gloire, le montrent vieilli, les traits creusés. Pourtant au bras d'une Sylviane fine, belle, élégante elle aussi, tout de rose fuchsia vêtue, au 93e festival de Cannes en 2000,il rayonne à nouveau.
2/ Les parents
Mireille, la mère de Lionel, a été sage-femme. À 86 ans, elle est encore très active. Elle part en mission en Afrique à l'appel du GAMS-Groupe africain contre les mutilations sexuelles. Originale aussi : lorsqu'elle couche à Matignon, elle apporte son sac de couchage...
Robert, le père, a lui un peu erré, comme on l'a vu avec Askolovitch. Mais c'est parce qu'il est " pacifiste, viscéralement " qu'il suit Déat dans la collaboration. Et puis la Gestapo fait une descente chez lui en 1942 et il ne " donne " pas le concierge, pourtant communiste. Alors... " on ne sait pas très bien ou le situer " dit Raffy . " Il n'est ni résistant ni collabo. Il est ailleurs " ajoute-t-il. Un doute vient pourtant au lecteur : est-ce vraiment être " ailleurs " que d'être " pour la paix désarmée en face d'Hitler " ?
C'est après la guerre de 14 ou il s'est retrouvé à 16 ans déporté en Allemagne, que jeune étudiant il assiste place de la Bastille à un discours de Roger Moncla. Il entre dans son groupe de pacifistes et écrit dans la Patrie humaine, leur journal. Il suit des cours de théologie protestante, est présent avec sa première femme, Marie-Louise, dans la communauté protestante de Paris.
En 1932, après la mort de son second fils, Nils, et son divorce, il est rejeté par cette même communauté à laquelle son grand père, Jules, l'enfant naturel de Marie-Josèphe Jospin s'était intégrée en se mariant à Dora Poulain à laquelle il avait eu vingt-et-un enfants, dont Georges, le père de Robert (p. 30). Pacifiste, anarchiste, libertaire ET divorcé, ça ne passe pas. En 1934, il épouse Mireille. Lionel naîtra en 1937. En 1939 ils partent pour le Sud-Ouest. En 1942 ils reviennent à Meudon. Robert est instituteur dans le VIIe arrondissement.
Il lit " l'œuvre "de Marcel Déat. Pour contrebalancer cette information, Raffy affirme que Robert est franc-maçon et fait figurer la photo d'une carte sensée illustrer son adhésion à la loge Babeuf-et-Condorcet de Saint-Quentin en 1938. Il semble pourtant, à la lecture, qu'il ne s'agisse que du programme d'une journée de conférences à cette même loge où Robert intervient sur le thème de l'Europe, cher à ces curieux " pacifistes " qui virent en Hitler l'artisan d'une " grande et pacifique Europe ". Si jamais il a été franc-maçon, il doit, en fonctionnaire de l'État français et aux termes de l'article 5 de la loi du 13 août 40, la quitter. " Pétain, rappelle Serge Raffy aimait à dire qu'on n'est pas responsable d'être né juif alors qu'on l'est pleinement d'être franc-maçon. "
Car Robert Jospin non seulement est professeur mais conseiller municipal de Meudon nommé par Vichy. C'est ce que Raffy note, ajoutant quelques remarques sur le thème connu : " Robert n'a pas intérêt a se faire remarquer... Il faut bien vivre. "
Néanmoins il y a dans les choix de Robert un peu plus qu'un choix de nécessité. Comme le note Raffy, " l'arrivée de Laval au pouvoir change la donne. Les pacifistes relèvent la tête. Enfin un leader qui les comprend. Désormais ils sont persuadés qu'une vraie collaboration de gauche, antisoviétique peut voir le jour " (p. 38). René Dumont en est. Le père de l'écologie française est à cette époque pro-germaniste et antisémite (p. 40). Le 16 avril 1944, Robert est nommé conseiller municipal de Meudon tandis que Marcel Déat est ministre du travail (cf. p. 288)...
Après la guerre, Robert est exclu de la SFIO, et la famille se réinstalle à Paris. En 1948, Lionel entre au lycée Charlemagne et quitte les Éclaireurs (provisoirement car il y retournera à 15 ans avec " Hamster érudit, alias Michel Rocard qui n'aurait certes pas pu échanger son surnom contre celui de Lionel : Langue agile ! " p. 69) ; il redouble sa quatrième, est " tête en l'air, renfrogné, bagarreur "... Il préféra de beaucoup Chamigny où Robert dirigera un autre centre pour délinquants, et le lycée de Meaux où il sera interne... et basketteur.
3/ Le fils I : trajectoire ascensionnelle et activités secrètes
L'OCI. En 54 Lionel est interne à Janson en terminale. En 56, il est à Sciences Po. C'est la guerre d'Algérie et, dans le Jura où il est moniteur, il rencontre Sid Ahmed Ghozali dont une " bourse " du FLN finance les études en France. C'est l'époque ou Lionel réside à la résidence Jean-Zay d'Anthony, celle ou il adhère à l'UNEF, dont il devient secrétaire de la section sport et qu'il s'engage dans le combat algérien aux côtés du syndicat étudiant algérien l'UGEMA.
Il défile contre la répression de la manifestation du 17 octobre 61, et il faut sans doute voir là l'origine de la plaque commémorative que son ami Delanoë a fait poser récemment sur les quais de la Seine. Il a failli être soldat en Algérie, mais le 18 mars 62, l'indépendance est proclamée.
Il reste que son engagement n'est pas seulement social, syndical, partisan. Le chapitre 4 de l'ouvrage campe un Jospin libertaire qui éclaire d'un jour nouveau son engagement trotskyste. En effet, pour Trotsky lui-même, comme le raconte Edwy Plenel dans Secrets de jeunesse (Stock, 2001), cet aspect libertaire sur le plan sexuel était primordial. Les preuves ? À 10 ans Lionel fait à ses camarades un cours sur la procréation et l'acte sexuel — maman sage-femme oblige — et se fait exclure de l'école. À 14 ans il lit les Mémoires de Casanova... Il est recruté à l'OCI par Boris Fraenkel (" Maurice ") qui " prône la liberté sexuelle comme arme fatale du grand soir ", et revendique une bisexualité sans complexes (p. 99) — ce qui préfigure peut-être l'outing d'un autre ami plus récent de Lionel Jospin : Bertrand Delanoë —, et recrute à la même époque Daniel Cohn-Bendit dont les idées libertaires jusques et y compris sur le légitime éveil par les adultes de la sexualité enfantine sont aujourd'hui bien connues.
Par la même occasion, Serge Raffy nous en apprend un peu plus sur l'OCI. Boris Fraenkel a adhéré à l'OCI . Créée en en 1958, c'est au départ un groupuscule d'instituteurs qui fonctionne selon les principes de la Résistance : secret, clandestinité, pas d'adhésion, pas de carte de membre, financement en liquide, pseudos... Il se réclame de la scission de la IVe internationale favorable à Trotsky contre Staline. Il recrute des jeunes et les forme au sein des GER (p. 103). L'OCI " ratera le train de 68 " (p. 119), Lionel aussi. Comme du reste Chevènement. Pourtant l'OCI sera dissoute en 68 comme les autres mouvements trotskistes. Elle se reconstitue en 69. Lionel reste en contact à travers son frère Olivier (p 129). L'OCI crée l'AJS — service d'ordre musclé — où se retrouveront les comédiens Pierre Arditi et Didier Sandre et qui, en mars 71, obtiendra le contrôle de l'UNEF rue Soufflot (p. 140).
En 1970, Lionel a quitté le Quai et enseigne à l'IUT de Sceaux ; il est secrétaire de la section locale du SNESUP mais reste à l'OCI (à l'" amic " de la rue St-Blaise dans le XXe). Il verse comme les autres 10 % de son salaire (p. 137). L'OCI, note Raffy est antisoviétique et pro-arabe (p. 155) : elle demande même la suppression de l'État d'Israël. Pourtant Lambert, Fraenkel et d'autres personnalités importantes du mouvement, nous apprend Serge Raffy, sont juifs.
Le PS. 1971 est une date clé, à la fois pour la gauche française et pour Lionel Jospin. C'est le moment où Mitterrand dans Ma part de vérité (Fayard) raconte sa conversion au marxisme (p. 138) et fusionne sa Convention des institutions républicaines, à laquelle appartient Joxe, avec la SFIO. Le 11 juin 71 a lieu le congrès d'Épinay. En septembre, Lionel Jospin demande à adhérer au PS. Sa demande sera acceptée en janvier. Adhérent à la même période Cot et Le Pensec. Joxe est alors chargé de l'idéologie au parti. Il participe activement à la mise au point de ce qui sera, le 25 juin 72, le " programme commun ". C'est à Joxe que Jospin devra en 1973 d'être désigné à la formation. Les deux " grands frisés " s'étaient connus au Quai. À cette époque, seuls Bérégovoy, Mitterrand et Poperen savent que Lionel est aussi à l'OCI.
Après l'euphorie de 81, les difficultés commencent pour Mitterrand dès 1984 : la " manif pour la défense de l'école libre " contre le projet de service public unifié de l'Éducation rassemble une foule hostile très nombreuse (p. 203). Mitterrand, obligé de changer de politique, cherche à renforcer ses partisans à l'intérieur même de son parti. C'est dans ce contexte qu'en 1986 une scission se profile à l'OCI . Jean-Claude Cambadélis (" Kosta " à l'OCI ) crée Convergence socialiste. Il avait été démarché par Mitterrand en 84. Dénoncé comme " traître " par Lambert (p. 218), il emmène avec lui 400 militants !
C'est aussi dans le cadre de la guerre interne des chefs au sein du Parti socialiste et le nécessaire soutien au président des fédérations socialistes de province que s'inscrit l'affaire Pezet. Le 5 mai 86 Pezet " tue " Deferre. Tonton " tue " ensuite Pezet (p. 251 et 267) : Edmonde Charles-Roux bien sûr, mais aussi Pierre Bergé ou BHL sont mobilisés par Tonton pour soutenir Vigouroux qui est " fabiusien ", donc dans la mouvance de Tonton. En 1988 Jospin croit qu'il va nommé Premier ministre, mais c'est l'heure de Rocard.
Les pages 264 et suivantes sont riches d'enseignement sur le chemin de lys et de roses de la carrière politique : les duels opposent en permanence les présidentiables ou ministrables Fabius, Jospin, Charasse, Dray... Plus nauséabondes encore les pages qui évoquent les affaires Gaudino, Urba, Sormae, les fausses factures de la Nièvre et du circuit de Magnicourt, et le rôle d'Henri Nallet, ministre de la justice et ancien trésorier de la campagne de François Mitterrand... ou encore l'amnistie qui suit l'inculpation d'Henri Emmanuelli.
Instructives, les pages 273 et suivantes nous ouvrent les coulisses du congrès de Rennes et les magouilles du Président qui aboutissent à l'échec du putsch monté contre lui.
4/ Le fils II : de la chute à la renaissance
Comme Claude Askolovitcch, Serge Raffy insiste sur l'humiliation ressentie par Lionel Jospin dans ces année 90 où rien ne va plus dans sa vie privée et où François Mitterrand, aidé de Julien Dray et ses lycéens semble vouloir l'achever (p. 282).
La scène de réconciliation entre François Mitterrand et Lionel Jospin, en 1994, quand Jospin est malade — fragilisé par son hyper-thyroïdie, maladie sur laquelle le livre de Serge Raffy s'étend plus que les autres — est fidèlement rapportée aussi (p. 330). Cette réconciliation est-elle la cause de l'hécatombe de " prétendants au trône " qui suit : Rocard laminé par Bernard Tapie ; Bernard Tapie laminé par la justice dès le 29 juin 1994, juste après ses élections triomphales... ce qu'il imputera du reste à Jospin, Fabius déconsidéré par le sang contaminé, Delors qui renonce à se présenter a la présidentielle... (p. 334) ?
L'hallali a sonné en tout cas pour le vieux Président aussi. Jean-Edern Hallier, Pierre Péan, Edwy Plenel, Érik Orsenna, tous donnent du cor, et les " chiens " s'acharnent après les " suicides " de Bérégovoy ou de Grossouvre. Pourtant la réputation d'homme intègre de Jospin survit miraculeusement à ces épisodes sans gloire...
1994 est l'année de sa renaissance.
Privée d'abord. Il a rencontré Sylviane Agacinsky en 1983 ; il l'a revue en 1988, vit avec elle depuis 1992. C'est le 30 juin 94 qu'il l'épouse.
Publique ensuite. Même si, en septembre 1994, au congres de Liévin, il prononce son discours presque seul, tard le soir, devant une salle presque vide — au point même que Libération titre : " Jospin c'est fini ! "
Quand en décembre, devant Anne Sinclair, Jacques Delors lève le voile et interrompt l'insoutenable suspense sur sa possible candidature à l'Élysée, Lionel prend sa décision. Le 4 janvier, il déclare qu'il sera candidat (p. 361). Pourtant, Serge Raffy l'affirme p. 369, Mitterrand préfère Chirac ! Frédéric Mitterrand et Pierre Bergé le soutiendront. Roger Hanin, lui, se souviendra opportunément du communisme de sa jeunesse et soutiendra Robert Hue !
Dernier caprice du vieux chef avant sa mort, qui surviendra le 8 janvier 1996... ou service rendu à Jospin, qui certes n'obtiendra que 47,3 % des voix mais pourra ensuite demander un " droit s'inventaire " sur la succession du " père " sans être soupçonné d'avoir été le dauphin désigné ? Toujours est-il que Lionel Jospin sera élu avec 98 % des voix le 10 octobre 1995 premier secrétaire du Parti socialiste et pourra " bâtir le secrétariat national du PS comme il l'entend et placer ses amis rénovateurs à tous les postes clé " (p. 377).
Un an et demi après, une voie royale s'ouvre devant lui. Le Président dissout l'Assemblée nationale, et le premier juin 1997 la gauche y est largement majoritaire.
5/ Le candidat
Cette biographie-là tente, in fine, à la différence des autres, une problématique du succès ou de l'échec de Lionel Jospin à la présidentielle.
Certes le passif c'est dangereusement alourdi depuis l'apothéose de 95. Il y a d'abord les amis compromettants : Richard Moatti par exemple, l'homme des 7,5 millions versés au PS par l'intermédiaire de GEC Alsthom, l'homme qui a soutenu Jospin en 93-94 quand rien n'allait plus (p. 385). Et puis il y a la Corse. L'accident de Chevènement. Le fait que le préfet Bonnet choisi par Chevènement ait été sur le point de découvrir le fils Colonna, l'assassin du préfet Érignac, quand l'affaire des paillotes a éclaté... (p. 408) La rupture, en juillet 2000 entre Chevènement et le nouveau couple politique Jospin-Schrameck (p. 408 à 417).
Enfin il y a le passé trotskyste : le mensonge du Premier ministre qui nie le 11 avril 99 et qui, confondu par un article du Monde du 6 juin 2001, avoue enfin le 9 juin...
Surprise : une petite bombe est placée à la fin du livre (p. 421). " Alors pourquoi a-t-il tant attendu ? Pour cacher l'accord secret qui l'a lié à Mitterrand ? Pour ne pas décevoir les militants socialistes à qui il a tant parlé de transparence ? Pour protéger d'anciens "camarades" qui ont tout simplement envie qu'on les laisse en paix avec leur passé ? Ou bien encore pour éloigner les projecteurs de l'histoire de l'OCI et de ses liaisons dangereuses avec la CIA ? Ce dernier élément ne serait pas le bienvenu dans le CV d'un candidat à l'Élysée... "
Certes. D'autant qu'on sait depuis le 11 septembre ce que peut devenir un agent de la CIA " retourné " !
C. R
