Nos coups de coeur
L’ouvrage original, en langue anglaise, a quelques années déjà, mais la traduction française vient d’être publiée. Elle permet au lecteur français de découvrir la brillante analyse de la pensée de gauche présentée par le britannique Roger Scruton, l’un des penseurs du conservatisme les plus fins et les plus pertinents d’aujourd’hui.
Dans cet essai foisonnant, Roger Scruton revient sur les dernières décennies de la pensée de la gauche occidentale. Il décrypte le fond anthropologique et philosophique de ces « grands noms » qui ont permis au corpus confus du progressisme mâtiné de marxisme de s’imposer comme la référence intellectuelle ultime, ou comme la norme de la police de la pensée contemporaine. Il n’a pas peur d’appeler les choses par leur nom, de révéler l’essentialisme de la gauche, d’oser dire que ces penseurs portées aux nues par notre intelligentsia, Sartre, Foucault, Derrida, pour ne nommer que les Français, mentent, manipulent, se trompent, et mènent nos sociétés dans l’impasse.
La chute de l’Union soviétique a bien évidemment considérablement rebattu les cartes. Le discours de la gauche s’est orienté vers la défense des minorités, portée à son paroxysme dans une entreprise systématique de dissolution sociale, ou encore vers le mondialisme effréné qu’est le mythe de la régénération par l’immigration. Ce qui reste de la gauche aujourd’hui, c’est cet immense orgueil, la capacité sans cesse renouvelée de ses penseurs à asséner avec une bonne conscience totale des jugements moraux de condamnation de l’ennemi, avec un absolutisme et une rigueur qui auraient en d’autres temps fait passer les juges du Saint-Office pour des libertaires.
Après s’être interrogé sur ce qu’est la gauche, la porte est ouverte par Scruton sur cet autre questionnement fondamental : « qu’est-ce que la droite ? » Il rappelle à quel point, avec la malhonnêteté qui les caractérise, les penseurs dits « de gauche », ont rassemblé sous une étiquette commode, la droite, , des gens qui n’ont a priori pas grand-chose à voir entre eux, dans l’unique objectif de les soumettre à l’opprobre publique : nationaux-socialistes, fascistes ou économistes libéraux. Ils ont moralement discrédité d’avance toute prise de parole de leurs adversaires politiques, qui aujourd’hui encore se soumettent un peu trop complaisamment à leur dictature. Pour rebondir, Scruton ne se contente pas de se livrer au jeu facile du mépris ou de la critique, mais nous livre des clefs : placer sa confiance dans la société civile, dans les institutions, dans la personnalité, lieu d’exercice de la responsabilité individuelle et collective.
À la lecture de ses pages, on ne peut que regretter l’insuffisance connaissance qu’ont de Scruton les rares esprits qui, en France, tentent de redonner ses lettres de noblesse au conservatisme.