Nos coups de coeur
C’est un regard à la croisée des sciences politiques et de la sociologie que propose Yann Raison du Cleuziou dans son dernier essai, Une Contre-révolution catholique, abondamment documenté. Il analyse les mutations du catholicisme contemporain qui, après la tourmente de Vatican II, choisit en France un chemin de fidélité à l’enseignement des papes Jean-Paul II puis Benoît XVI, dans une optique clairement conservatrice, sur fond de déclin des mirages progressistes de « l’esprit de Vatican II ».
Il analyse en détails les combats de ce catholicisme militant : au centre, la question du corps, du couple, de la sexualité et de la vie. On appréciera les solides et récurrentes références à Liberté politique, organe identifié pour son rôle pivot dans la structuration d’une nouvelle pensée catholique conservatrice. Bien sûr, La Manif pour tous occupe une place de choix dans cet essai, comme un moment d’une grande intensité qui a servi de révélateur pour nombre de catholiques jusque là plutôt « rangés », mais qui à cette occasion ont fait l’expérience de la duplicité et de la dangerosité d’un système qui jusque là les tolérait et dont ils n’avaient pas forcément appris à se méfier. A la faveur du mouvement anti-loi Taubira, les catholiques ont incontestablement perdu leur naïveté vis-à-vis d’un monde qui ne leur veut pas du bien. Mais pour autant, peut-on parler de victoire, de réveil, de renouveau, d’une nouvelle page qui s’écrit, ou n’est-ce pas plutôt une guérilla perdue d’avance, à l’image des contre-révolutions de la chouannerie bretonne ou vendéenne ?
Les analyses de l’auteur sur l’impossible combat catholique en politique obligent tout lecteur lucide à modérer son enthousiasme, au profit d’un dur réalisme sur le chemin qui reste à parcourir. La marginalisation continue de guetter les catholiques, en passe de devenir une communauté parmi d’autres, dont le bruit, parfois discordant par rapport au consensus politiquement correct, n’est toutefois pas assez puissant pour espérer déranger en profondeur l’ordre établi. Raison du Cleuziou parle de « rétrecissement social », et c’est bien là à notre sens l’un des dangers essentiels qui guette le catholicisme « actif » aujourd’hui : celui de devenir un passe-temps, un supplément d’âme pour bourgeois installés et habitants des beaux quartiers. Malgré l’évident sursaut des dernières années, les défis les plus lourds sont encore devant nous.