Nos coups de coeur
À l’heure où le dernier avatar du socialisme français, le Parti socialiste – Place publique, représenté par le philosophe Raphaël Glucksmann aux élections européennes de mai 2019, est sur le point de rendre son dernier souffle, il n’est pas inutile de se replonger dans la genèse du socialisme français : un mouvement méconnu qui, avant de vendre son âme au marxisme, a présenté de multiples variantes et de riches expérimentations qui ont irrigué bien des courants de pensée politique. L’histoire officielle a tendance à présenter le socialisme français comme une marche inéluctable vers le collectivisme inspiré par les rédacteurs du Manifeste du Parti communiste ; la réalité est infiniment plus complexe. Il y eut des socialistes défendant la propriété privée et la cellule familiale, une vision organique de la société, hostiles à un dirigisme étatique mortifère.
Dans un récit vivant et fourmillant, Jean-Pierre Deschodt nous retrace les évolutions idéologiques entre les différents courants, les choix, les renoncements et les compromis qui ont conduit le socialisme là où nous le voyons aujourd’hui. Il souligne l’importance de l’idéalisme chez les penseurs socialistes français, « toujours moins attaché[s] aux réalisations matérielles immédiates comme l’amélioration du sort des travailleurs qu’à certains grands objectifs idéaux comme l’émancipation intellectuelle du peuple et la fraternité universelle. » Notre auteur nous rappelle que l’histoire des idées n’est pas non plus un enchaînement implacable de théories froides et désincarnées, mais se nourrit de bien d’autres facteurs : « souvenirs, loyautés, amitiés, camaraderies, valeurs patrimoniales, passions de toutes sortes. » Depuis la chute du mur, l’horizon collectiviste s’est effondré et ne se présente plus comme l’idéal régulateur des tenants du socialisme, qui souffre aujourd’hui, à son tour, d’une profonde crise d’identité. Il n’est pas le seul.