Les députés ont voté pour une France à 13 régions, mais le sort des régions et des départements est loin d’être fixé. Que se passera-t-il quand les élections départementales des 22-29 mars 2015, puis les régionales reportées à décembre 2015 excluront le Parti socialiste de la carte des territoires [1] ?
ILE SEMBLE que, malgré sa longueur, le débat parlementaire sur le projet de réforme régionale n'ait rien appris au ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, qui répète en boucle la formule rituelle selon laquelle il faut donner à nos régions la « taille critique nécessaire pour faire face aux autres régions européennes ».
Concept ressassé depuis 25 ans par une poignée d'idéologues socialistes, plus soucieux de faire du vent que de résoudre les vrais problèmes de la France. Les régions d'Europe sont-elles en concurrence en fonction de leur taille ? Bien sûr que non puisque, à nos portes, la Sarre, plus petite que presque toutes les régions françaises est tout à fait heureuse de son sort et que les cantons suisses, encore plus petits, se débrouillent très bien comme ils sont.
Rarement on aura vu un gouvernement engagé dans une réforme autant dépourvue de rime et de raison.
Le mythe de la taille
Répétons-le : nos régions ne sont pas plus petites que celles du reste de l'Europe. Leur taille moyenne (2,9 millions d'habitants pour l'hexagone) est égale à celles de l'Italie, supérieure à celles de l'Espagne. Huit Länder allemands sur 15, et 20 États américains sur 50 sont au-dessous de la moyenne française.
« Il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois ; mais le cas est rare ; et lorsqu'il arrive, il n'y faut toucher que d'une main tremblante » disait Montesquieu. À plus forte raison quand on touche à un repère aussi fondamental que l'organisation territoriale.
Une réforme coûteuse
En opposant un découpage à 15 régions à un découpage à 13 régions, le Sénat aura perdu une occasion de montrer à quoi il servait : il n'était pourtant pas difficile pour cette assemblée récemment passée à droite de s'opposer à un projet aussi indéfendable.
D'autant que cette réforme inutile va coûter cher : contrairement à ce que trop de gens croient, en effet, les opérations de fusion et de regroupement dans la sphère publique génèrent toujours, nous disons bien toujours, de coûts supplémentaires : on en avait eu l'exemple avec l'intercommunalité qui avait généré près de 200 000 emplois publics. Mais il y en a bien d'autres. C'est la méconnaissance de ce fait basique, qui explique largement que, malgré 25 ans de "réforme de l'Etat", les dépenses publiques ne soient toujours pas maîtrisées.
Une réforme méprisante
On ne pouvait par ailleurs imaginer de réforme plus méprisante pour la France rurale. Songeons qu'il n'y aura plus aucune métropole régionale entre la Loire, la Garonne et le Rhône, soit sur un tiers de notre territoire, celui qui, selon les très intéressantes études de Christophe Guilluy[2] est aujourd'hui le plus déshérité. Même chose entre Paris et Strasbourg.
Il y avait bien des raisons morales ou religieuses pour manifester contre la loi Taubira mais la meilleure était sans doute de faire barrage à cette irruption de la déraison qui consiste à vouloir marier un homme et un homme, une femme et une femme — alors que la récente réforme des conseils généraux concoctée par le même gouvernement rend obligatoire aux candidats de se présenter en tickets homme-femme ! On croit rêver.
Mais l'exemple de la réforme régionale montre que la déraison est une maladie contagieuse. N'en doutons pas, ce n'est pas seulement en matière sociétale qu'elle s'exprime : toute l'action publique en est désormais contaminée.
R. H.
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[1] Selon des projections Odoxa pour l’Express, le PS ne pourrait conserver que 15 départements sur 61 (14 décembre) (Ndlr).
[2] Christophe Guilluy, La France périphérique , 2014.***
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