Quel bilan tirer de la reprise des cultes ?

Jean-Marie Guénois est revenu, pour les lecteurs du Figaro, sur la décision du Conseil d’État, le 18 mai, qui a contraint le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, à autoriser synagogues, églises, temples et mosquées à accueillir des fidèles dès le samedi 23 mai. Voici, selon lui, les leçons de cette affaire :

 

  • Que rien, honnêtement, ne se serait produit sans la ténacité de onze associations catholiques traditionalistes et d’un parti politique, le parti chrétien démocrate. Individuellement ils ont déposé des requêtes au Conseil d’État, payés des avocats pour les défendre. La conférence des évêques dans son ensemble – pourtant parfaitement informée de la possibilité du succès d’un recours – n’a pas osé affronter juridiquement le gouvernement sur un terrain pourtant hautement légitime, la liberté de culte. Sujet sans risque polémique puisqu’il s’agissait d’un droit fondamental.
  • Que l’état de droit existe. Il a fonctionné. Face à un sujet politiquement difficile, sur un sujet sensible impliquant la santé publique et la laïcité, le juge du Conseil d’État a tranché en toute impartialité, sur un raisonnement imparable, fondé sur le droit de culte. Il a rappelé que ce droit ne concerne pas seulement le droit de croire ou de ne pas croire, mais qu’il comprend la liberté de se rendre au lieu de culte et celle d’y célébrer la foi. Soit trois dimensions intrinsèquement liées. Précisant, au passage, à l’actuel ministre de l’Intérieur que la liberté de culte ne se réduit pas à la liberté de se rassembler. Le culte est d’une autre nature. Moyennant quoi la décision de cette haute juridiction d’État a contraint un gouvernement à réécrire un décret politiquement et socialement très important puisqu’il portait sur les conditions du premier déconfinement.
  • Que la conférence des évêques a perdu une part de sa crédibilité chez de nombreux catholiques. Certains pensent qu’elle a vraiment bien fait de ne pas se confronter juridiquement avec le gouvernement car là n’était pas son rôle. Mais beaucoup considèrent – surtout depuis la mise en œuvre si spectaculaire de la décision du Conseil d’État – qu’elle a manqué de courage en ne prenant pas suffisamment la défense des simples fidèles dont les évêques sont pourtant les pasteurs quant à un droit religieux prévu par le Constitution. Ce n’était pas du corporatisme ! Quelques évêques ont élevé la voix mais le poids collectif épiscopal les a mis en sourdine. L’Église institution n’a donc pas été vraiment à la hauteur de l’enjeu. Mgr Dominique Lebrun nous a expliqué très honnêtement le « dilemme » des évêques dans cette affaire. Il compte parmi les évêques qui ont été les plus fermes. Enfin, inutile de commenter la récupération par la conférence des évêques, du résultat juridique quand il a été obtenu par des gens qu’elle reconnaît si peu. Il se serait agi d’une stratégie « parallèle » quasi concertée avec les groupuscules traditionalistes ! Soit un « résultat heureux » : c’est beau mais faux.
  • Que la Conférence des Responsables de Cultes en France (CRCF) est désormais l’interlocuteur autorisé et écouté de l’État. L’Église catholique, pourtant la plus puissante, y compris sur le plan historique et culturel – avant que l’islam ne la dépasse – se trouve désormais réduite à une religion parmi d’autres dans cette instance fondée en 2010.

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