Source [Valeurs actuelles] Benoît Sévillia, avocat au barreau de Paris, estime dans cette tribune que le passe vaccinal et son cortège de restrictions injustifiées au regard de l'état de la pandémie ne peut qu'être retoqué par le Conseil constitutionnel.
« C’est le fait qui fait le droit », ne cessait de répéter Tiennot Grumbach, qui fut l’un des plus brillants avocats du syndicalisme en France, jugeant que la norme de droit ne pouvait tomber du ciel mais qu’elle devait comme le blé, « pousser par le bas ».
Alors qu’il est désormais établi que la vaccination n’empêche pas d’être contaminé et de transmettre la maladie (le ministre, triple dosé, Olivier Véran en étant l’exemple le plus récent), qu’il est encore acquis qu’elle n’a une efficacité médicale certaine que pour une part ciblée de la population, fragile ou âgée de plus de soixante ans, le dispositif juridique d’exception conditionnant pour tous l’accès aux moyens de transport et aux restaurants, l’exercice d’activités de loisirs et sportives à la détention obligatoire d’un passe vaccinal élargi aux mineurs ne semble répondre à aucune nécessité, si l’on en croit les faits.
Il devrait en conséquence être censuré par le Conseil constitutionnel.
Probablement soumis à la pression orchestrée habilement par le gouvernement, il apparaît de toute évidence que le législateur n’a pas su assumer son rôle, consistant à assurer la conciliation entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis.
Ainsi que l’avait rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021, « parmi ces droits et libertés figurent la liberté d’aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, le droit au respect de la vie privée garanti par cet article 2 ».
Si la remise en cause de la liberté d’aller et de venir ne touchera que les personnes ne disposant pas d’un schéma vaccinal complet nécessaire pour obtenir un passe vaccinal, c’est bien la vie privée de l’intégralité de la population qui sera mise à nue et soumise à un droit de contrôle permanent.
Une voix éminente de la communauté scientifique, le professeur Éric Caumes, chef de service en maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière, n’y a pas été par quatre chemins en affirmant sur Europe 1 que « d’un point de vue épidémiologie, santé publique, médical », le passe vaccinal « c’est clairement une erreur ».
Partant de ce premier postulat selon lequel le passe vaccinal ne serait pas un outil destiné à la protection de la santé, rien ne peut justifier qu’il puisse entraîner de lourdes restrictions sur des droits et libertés constitutionnellement garantis.
Si l’on devait objecter que la vaccination répond en partie à une nécessité de protection de la santé publique en ce qu’elle préserve les personnes dites à risque de développer une forme grave de la maladie, l’instauration du passe vaccinal reste une mesure disproportionnée en ce qu’elle ne semble pas poursuivre un but légitime.
Dès lors que le passe vaccinal est en effet désormais assumé comme une mesure strictement politique et non médicale, le président Macron ayant même avoué qu’il permettait d’« emmerder jusqu’au bout les non-vaccinés », on ne voit pas bien en quoi ce motif semblant peu légitime obligerait désormais l’intégralité de la population à se justifier en tous lieux devant le premier venu de son schéma vaccinal complet, et même de son identité, contrôle jusqu’alors réservé aux agents de police.
Sachant que les chiffres implacables de l’épidémie (plus de 300 000 contaminations par jour depuis deux semaines malgré un taux de couverture vaccinal record) attestent que la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal n’empêchera en rien la propagation de la maladie.
Le 5 août 2021, le Conseil constitutionnel avait validé le passe sanitaire malgré ses multiples atteintes aux libertés fondamentales en jugeant qu’il poursuivait un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé car il remplissait trois critères : « En l’état des connaissances scientifiques dont il disposait, les risques de circulation du virus de la covid-19 sont fortement réduits entre des personnes vaccinées, rétablies ou venant de réaliser un test de dépistage dont le résultat est négatif », qu’il n’instaurait pas « une obligation vaccinale », et qu’enfin il ne nécessitait pas « la présentation de documents d’identité que lorsque ceux-ci sont exigés par des agents des forces de l’ordre ».
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