Source [Le Figaro] Au-delà des différences culturelles et politiques, les mêmes critiques semblent émerger sur la nécessité de repenser la globalisation et le capitalisme.
Quand notre quotidien devient une question de vie ou de mort, comme c’est le cas aujourd’hui, en pleine crise du coronavirus, la politique politicienne s’efface… partiellement. Occupés à survivre, vivant dans la peur de «l’ennemi invisible» et les difficultés du quotidien, les peuples attendent des hommes d’État, pas des leaders partisans. Cela donne «l’union sacrée». Clairement, elle prévalait lundi soir, au Royaume-Uni, après l’annonce dramatique de l’hospitalisation en soins intensifs de Boris Johnson, dont l’état s’est brutalement aggravé en 48 heures. Jusqu’ici, le bouillonnant premier ministre avait été très critiqué dans la crise sanitaire qui touche les Britanniques de plein fouet, pour avoir tardé à prendre la mesure de sa gravité. Mais malgré la division politique profonde qui traverse le pays depuis le Brexit, malgré les haines et sarcasmes violents que «Bojo» a suscités dans le camp du «remain», les Anglais serrent aujourd’hui les rangs autour de leur dirigeant frappé par le Covid-19. «Nouvelles terriblement tristes, toutes les pensées du pays sont avec le premier ministre et sa famille», a réagi le chef de l’opposition travailliste Keir Starmer.
En réalité, si les situations politiques sont différentes selon les pays, l’union sacrée semble souvent précaire dans nos «pays archipels». Aux États-Unis par exemple, elle n’a jamais existé depuis le début de cette crise, le facteur Trump - «pour» ou «contre» - prenant le pas sur le facteur coronavirus, en tout cas au sein de la classe politique et médiatique. Donald Trump et Joe Biden se sont certes entretenus pendant une quinzaine de minutes lundi, malgré leurs échanges antérieurs de critiques par réseaux sociaux interposés. Une conversation que le président a présentée comme «très amicale».
Mais si Trump ne cesse de louer l’esprit de solidarité du peuple américain, de l’industrie et de l’ensemble de la société, la guerre politique brutale qui oppose les démocrates et les républicains ne connaît pas de trêve. Pour ses adversaires du parti de l’âne, le président est LE grand responsable du désastre sanitaire qui frappe l’Amérique. Une représentante de l’état de l’Ohio, Tavia Galonski veut carrément le faire comparaître devant la Cour pénale internationale de justice. «C’est le pire président que nous ayons jamais eu», titre franchement le Washington Post.
En Pologne, une terre politique tout aussi divisée, où des élections parlementaires devaient se tenir en mai, les critiques de l’opposition pleuvent aussi sans retenue sur le gouvernement, accusé de mal gérer la crise, malgré des chiffres de contamination encore limités. Le fait que le parti Droit et Justice au pouvoir, ait décidé d’organiser le scrutin législatif à l’aide d’un vote postal, une véritable gageure technique et politique en pleine épidémie, a déclenché un véritable tollé, l’opposition dénonçant un «coup d’État».
En France, le débat est plus retenu, les partis traditionnels comme Les Républicains ayant choisi de soutenir le combat du gouvernement contre l’épidémie, tout en émettant certaines propositions et critiques. On égratigne, mais en passant, pour se réjouir par exemple, comme Bruno Retailleau, que les blocages administratifs qui empêchaient les laboratoires régionaux de procéder à des tests, aient «enfin» été levés. Sur les flancs de l’extrême droite et de l’extrême gauche, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon tentent bien de s’engouffrer avec plus de fracas dans les brèches des erreurs gouvernementales. Mais ils ne sont pas complètement audibles, car la population sait gré au gouvernement de faire de son mieux, et constate qu’ailleurs, ce n’est pas beaucoup mieux. Mais certains fossés s’approfondissent à la faveur de la crise. Ainsi de la polémique sur l’utilisation de la chloroquine, qui, hors des partis, semble fédérer tout un pays profond comme si une sorte de coalition «gilets jaunes» s’était rassemblée derrière le Pr Raoult, exprimant ainsi la persistance de la défiance massive d’une partie de la France face au pouvoir, note le chercheur Jérôme Fourquet dans Le Figaro .
Rien à voir avec l’Allemagne, note Daniel Cohn-Bendit dans Le Point. Outre-Rhin, la situation est beaucoup plus consensuelle et moins partisane, sans doute parce que tous les partis, à l’exception de l’AfD, participent à des coalitions au niveau régional et se sentent donc complètement partie prenante à la gestion.
Au-delà de ces différences culturelles et politiques, les mêmes critiques semblent émerger partout sur la nécessité de repenser la globalisation et le capitalisme. Pour l’instant, chacun voit midi à sa porte. Les nationalistes et les souverainistes pointent l’importance du grand retour de la nation comme cadre protecteur majeur. Les étatistes et la gauche veulent ressusciter l’État sauveur, qui va reprendre le contrôle d’un capitalisme ayant sacrifié la protection de la santé des peuples à la notion de profit. Les européistes veulent construire l’Europe car les «virus n’ont pas de frontières».
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