L’annonce de la nouvelle équipe gouvernementale en début de semaine a consacré un entre-soi ministériel. Entre maintien en poste pour certains et retour pour d’autres, l’attelage concocté par François Bayrou et Emmanuel Macron semble condamné d’avance.
Une petite dizaine de jours après la nomination de François Bayrou à Matignon, l’annonce de son gouvernement a révélé quelques petites surprises, mais a surtout fait la part belle à un personnel politique bien accroché. Deux anciens chefs de gouvernement font leur retour avec Manuel Valls, personnage honni de l’opinion et pétri d’ambitions insatisfaites, ainsi qu’Élisabeth Borne. Ces deux-là, transfuges du Parti socialiste, ont accepté le déclassement pour retrouver un maroquin : la décentralisation pour l’un, l’Éducation pour l’autre. Le temps n’est pas vraiment à l’honneur.
Le reste est, sans trop de surprise, un mélange de continuité avec le maintien des LR Bruno Retailleau et Catherine Vautrin et quelques retours pour satisfaire les lieutenants fidèles du macronisme. Aurore Bergé revient ainsi au ministère de « l’Égalité homme-femme », quand Gérald Darmanin, autre ambitieux pressé, rejoint le ministère de la Justice dans ce qui s’apparente à une nouvelle promotion pour l’ancien ministre de l’Intérieur, dont le binôme avec le ministre de l’Intérieur est censé faire de l’œil à la droite…
À l’Économie, l’arrivée d’un profil un peu moins politique mais néanmoins issu du sérail socialiste, avec Éric Lombard, ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, se veut rassurante alors que l’endettement abyssal du pays et le climat des affaires atone pourraient finir d’achever l’exécutif.
De manière générale, ce nouveau gouvernement n’est pas en rupture avec le précédent. Il donne la part belle aux figures maçonnes avec l’arrivée de l’ancien Grand Maître François Rebsamen ou le retour de Manuel Valls qui a certes quitté cet « engagement » en 2005 mais demeure imprégné de « valeurs » maçonniques. Ces réseaux seront utiles au nouveau Premier ministre, qui se dit par ailleurs catholique, au Sénat ou pour s’assurer la fidélité des « grands corps de l’État ». Ils pourraient néanmoins s’avérer un peu justes tant l’équilibre gouvernemental est aujourd’hui fragile.
Le nouvel exécutif devra en effet composer avec une droite LR moins docile. Elle a perdu « son » Premier ministre Barnier et garde une rancœur tenace vis-à-vis de Bayrou, qui a fait perdre le candidat Sarkozy en 2012. Les socialistes, un temps évoqués dans un « pacte de non-censure », ne céderont pas. Car si nombre de ministres sont issus de leurs rangs, ils demeurent dépendants de leur alliance dite du « Nouveau Front Populaire » et surtout dans l’expectative de leur congrès de l’été 2025.
Le Rassemblement national, de son côté, jouera les arbitres une nouvelle fois. Indispensable à gauche pour la censure, indispensable au centre pour le maintien du gouvernement. Chaque camp se renvoie l’accusation de « faire le jeu du RN ». La réalité est peut-être plus simple : le RN est le premier parti seul à l’Assemblée. Il demeure un peu en marge et entend se faire respecter.
Reste à savoir si le nouveau gouvernement pourra légiférer ? Le pire peut être craint avec une tentation de s’accorder sur du sociétal pour s’attirer les bonnes grâces de la gauche. La volonté de la très changeante Aurore Bergé d’imposer rapidement une « éducation sexuelle » dès la maternelle témoigne de ce risque. Incapable de réagir face à l’urgence sociale, économique et sécuritaire, le gouvernement Bayrou pourrait se cantonner à des réformes de ce type. À ce titre, et sous les auspices d’Élisabeth Borne, la liberté scolaire pourrait aussi être menacée.
L’ensemble ministériel promet en tout cas un beau chahut. L’aréopage d’ambitieux et de « gamellards » aux parcours tortueux ne devrait pas manquer de faire des étincelles. Quant au chef d’orchestre François Bayrou, certains le disent légèrement sénile, mais il semblerait surtout qu’il n’écoute personne comme il l’a toujours fait. Pas diplomate pour un sou et probablement dans le viseur d’une partie de la coalition centriste, notamment de l’entourage de Gabriel Attal, il pourrait bien connaître un destin à la Barnier. C’est probablement ce que tentera d’éviter Emmanuel Macron, qui ne peut pas se permettre de perdre un nouveau fusible tous les trois mois…
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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