La valse mélancolique de François Fillon

La France assiste à un triste phénomène : plusieurs de ses hommes politiques se trouvent pris d’un soudain vertige, celui de l’horizon de l’élection présidentielle, l’horizon, cette ligne qui recule à mesure qu’on avance…, et qui semble bien provoquer une ambition sans frein, même si elle est sans limite !

ET CERTAINS d’entre eux, aux différents coins du jeu d’échecs de la politique politicienne, se laissent entraîner dans une étrange valse. Une valse qui, par instants du moins, semble leur faire perdre non seulement le Nord, mais même les quatre points cardinaux… « Valse mélancolique et langoureux vertige », écrivait autrefois Charles Baudelaire à propos du soir, où il voyait toutefois encore une harmonie aujourd’hui absente de la vie politique.

Ancien Premier ministre du tournoyant et quelque peu exténuant Nicolas Sarkozy, François Fillon veut se rappeler au bon souvenir des électeurs français, en espérant pouvoir croiser le fer contre deux rivaux au sein de l’UMP : il y a en face de lui son ancien patron, ancien maire de Neuilly.

Mais il y a aussi l’actuel maire de Bordeaux Alain Juppé, lui aussi ancien Premier ministre, marqué quant à lui par les riches heures du « Chirakistan », cet avatar hybride du radical-socialisme revisité par l’esprit jacobin, bonapartiste et vaguement soviétoïde de l’ENA… C’est-à-dire l’école de la nomenklatura administrative fondée en 1945 sous le signe de l’arrogance d’un Tout-État touche à tout, et aujourd’hui plus bon à grand-chose, à en croire l’opinion du peuple français.

Absent des Manifs pour tous

Et donc, au sein de la grande famille de l’UMP, outre d’autres ambitieux tout aussi pathétiques, François Fillon essaie de se frayer un chemin, tantôt à coups de sécateur, tantôt à coups de machette, en se risquant à critiquer le bilan de ce Sarkozy dont il aura été le malheureux mais fidèle second…

Rusé, Sarko son ancien mentor, s’est bien gardé de riposter et de l’accabler en débarquant sur les côtes normandes lors d’un raid à Caen : il n’a même pas prononcé le nom de Fillon. Comme pour mieux l’enterrer sous les brumes d’une indifférence automnale…

« Valse mélancolique et langoureux vertige », disait le poète, évoquant un violon qui « frémit comme un cœur qu’on afflige, / Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir ».

C’est dur de disparaître à l’horizon, en particulier quand on a été absent, tellement absent des Manifs pour tous, à l’heure des grands rendez-vous historiques où l’on attendait les énergies nécessaires pour des combats vitaux d’intérêt général.

Et non pas pour des appétits individuels, qui ne suscitent guère d’enthousiasme…

D .L.

 

 

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