Les pages, en l’occurrence ‘‘saumon très sauvage’’, du Figaro du jour de l’Immaculée Conception de l’an dernier, nous gratifiait de ces lignes. Un haut fonctionnaire du ministère de l’Economie et des Finances, un certain Ramon F.[…] y était décrit en ces termes : «il est le fils de l’académicien homosexuel Dominique F.[…] et de la romancière Diane de Margerie et porte le même prénom que son grand-père, le célèbre écrivain collaborationniste.» On avait envie de tirer les oreilles de la rédactrice, une certaine Marie Visot, et de lui dire ‘‘de quoi je me mêle !’’, qui plus est dans les pages consacrées au domaine économique d’un grand quotidien officiellement conservateur. Censurons donc ces lignes que nous ne saurions lire dans leur intégralité, biffons ce qui en elles eut pu permettre d’identifier les diffamés et heurter les chastes yeux de nos internautes.
Quelques remarques à l’attention de notre époque qui n’a même plus la pudeur d’essayer de masquer certaines de ses névroses obsessionnelles :
- notre époque, donc, pour revenir à elle, confond identité constitutive et identité attributive. Les mœurs de tout un chacun font partie de la seconde, non de la première. Autrement dit, ils ne sont qu’accessoires. ‘‘Homosexuel’’ devrait demeuré un adjectif, n’être qu’exceptionnellement utilisé comme substantif ;
- il serait plus exact de parler d’‘‘homosensibilité’’. C’est l’attrait, l’attirance pour le même, ce qui était qualifié par Louis XIV et Voltaire dans les termes que l’on sait qui est en cause, non l’amour, que notre temps, naïf et curieusement fleur bleue dans ce domaine, met à toute les sauces. Si ‘‘j’aime’’ une statue, un livre, un style ou, platoniquement, une grande figure historique, il n’y aura alors pas de quoi fouetter un chat ;
- hormis quelques parodies de «mariage», par exemple sous l’empereur Héliogabale, il n’a jamais existé d’institutionnalisation juridique de mariage entre individus de même sexe ;
- dans l’Antiquité, grecque ou latine (et, dans certaines aires arabo-musulmane, de manière alors extrêmement discrète), pouvait être pratiqué l’éphèbophilie. (Ajoutons, pour parler entre les mots comme on dit lire entre les lignes, que, n’en déplaise à certains, la consommation la plupart du temps n’était pas complète.) L’adulte inverti était très mal vu. Aristophane les raille ;
- au reste, comme l’a relevé un spécialiste de la question, Tony Anatrella, il est impropre de parler en la matière de ‘‘couple’’, avec tout ce que comporte par nature la notion. Il s’agira plutôt de duos ;
- toute exquise soit-elle, on n’a pas attendu la venue de Damoiselle Belkacem, ministre des dames, damoiselles et autres jouvencelles pour se douter que, s’il y avait eu scène de ménage avec tir de coup de feu entre Verlaine et Rimbaud, c’est qu’il y avait eu un temps ‘‘ménage’’. On savait aussi pourquoi Henri III lisait très vite. Le doute subsiste autour de Louis XIII ;
- comme à l’accoutumée, on oublie l’adage de Machiavel : «Gouverner, c’est prévoir.» Et prévoir que l’on va à coup sûr donner un coup de pied dans la fourmilière sans pouvoir prévoir les directions que prendront les milliers de fournis ;
- simple exemple : sait-on que les circonstances de l’arrestation de Jean Moulin furent étrangement liées à ses mœurs ?
Mais, pour en revenir aux pages économiques et parfois si peu diplomatiques du Figaro, souhaitons qu’il en revienne au saumon d’élevage.
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