...au Musée Marmottan Monet à Paris, jusqu’au 3 février 2013.
Misère d’un certain art contemporain, d’un âge encore dans les fers. Effrayant contraste naissant dès le lointain à la vue de cette peinture flamande entichée d’espagnolade de la première moitié du XVIIème principalement. Puis, avènement de cette paix qui naît de la beauté se sachant admirée.
On considérera la banalité de la beauté qui semblait alors régner, l’effervescence esthétique, son caractère collectif liés à l’atelier : son existence implique les notions de confiance, de quantité du travail à accomplir ainsi que la nécessité de transmettre des idées par l’éducation au geste. On coopérera à l’occasion à l’œuvre, même si ce n‘est parfois qu’au stade de la finition. Dans la Vue dite de Val-Duchesse, les bûcherons au premier plan sont de la main de David Teniers Le Jeune, pourtant cadet de trois ans du maître pinceau Jacques d’Arthois, considéré comme le principal paysagiste de sa génération. Œuvre de commande destinée pour une part comme on ne disait pas encore à mettre en valeur le potentiel économique des forêts entourant Bruxelles. Cette co-production, cette co-création, nous la retrouverons souvent, ainsi dans ce Portrait de l’archiduc Albert. Outre quelques anonymes, il est le fruit de Cornelis de Vos. Mais Rubens détenait le final cut. On en voit la trace par ces touches de rouge qui rehaussent lèvres et pommettes. Humilité des élèves, orchestration du maître, élan collectif vers l’édification de la beauté en majesté par le truchement de personnages un peu hiératique. Le Portrait d’une dame âgée de Jacques Jordans et de son atelier, vous le regarderez dans un deuxième temps de tout près. Âgée de soixante-six ans, à première vue, elle en impose, paraît régner sur sa maisonnée, mais contient mal un certain chagrin (un deuil ?) que trahissent ses yeux humides.
Imagine-t-on un instant quelle appréciation sur notre époque nos descendants porteraient-ils si la photographie n’existait pas encore ? Ils s’en remettraient aux descriptions de l’art actuel qui ne translateque le nihilisme maladif de ses auteurs plus qu’il ne reflète la terre de 2012. Mais, ce XVIIème, lui, nous est rendu à la perfection, avec fidélité et aux travers de règles qui, loin de le déformer, en souligne l’élégance, la bonhomie, la sacralité et la latinité. Parmi celles-ci, le dégradé dans les tableaux, du foncé-brun au premier plan jusqu’au bleu du lointain en passant par le vert que l’on détecte aussi bien dans une marine comme Le Port de Paul Bril que dans un paysage de l’anversois Lucas van Uden (Le Départ pour le marché) ou, encore, dans ce Paysage sablonneux de Lodewijk de Vadder. L’artiste en outre est en ce temps là un homme complet : son esthétique ne diminue en rien sa fine et parfois implacable psychologie. De pareils dons supposent aussi la possession de celui, nécessaire, de l’observation. Regardez tous ces regards. Par exemple, ceux de ces joueurs de cartes du Pèlerinage de l’infante Isabelle à Laeken en 1632 (ou 1623 ?), de ces villageois des Noces de village de ce même David Teniers le Jeune ; ne remarquez-vous pas la richesse de leur expressivité, si variée, traduisant au millimètre près une large palette d’affects ?
Et quelle liberté dans la description de la réalité par rapport à notre temps ! Une liberté qui jamais ne nie ni ne dénigre mais qui se rit et se réjouit d’elle-même dans sa joyeuseté teintée d’une toujours légère causticité : la peinture sociale, qui, de toute manière, ignorait la lutte des classes, excluait de ne jamais devenir un jour un genre en soi pour conserver en permanence – dominante de toutes ces toiles – une vitalité (parfois exubérante, comme dans cet étonnant tableau de Jacques Jordaens, Le roi boit où la reine torche le derrière de son marmot au premier plan), signe distinctif de ce siècle, semble-t-il.
En conclusion provisoire, nous déferons-nous ici de notre quant à soi pour nous souvenir du quatrième et dernier critère du Beau selon le philosophe homonyme. La nécessité du contentement universel conçue dans un jugement de goût, écrivait-il, est une nécessité subjective, représentée comme objective sous la supposition du sens commun. L’exubérant, élégant et fringant baroque flamand nous console, le cas échéant, de la vérité du critère. A titre subsidiaire, il nous démontre que, pour commun et par définition répandue qu’il soit, ce sens commun là, tel qu’il s’exprimait de ces habsbourgeois, devrait de nos jours donner bien du fil à retordre à qui de droit.
- catalogue de l’exposition Rubens, Van Dyck, Jordaens et les autres – Peintures baroques flamandes aux musées royaux des Beaux-arts de Belgique (jusqu’au 3 février 2013), Musée Marmottan Monet/éditions Hazan, 224 p., 29 €.
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Je de9couvre votre blog par hasard et je vois que le mien est en lien. Quel hounenr ! Et merci.Il y a une le9gende qui trimballe une fausse ve9rite9 : les Belges seraient (quasi tous) multilingues ! Oh que non ! Les Flamands, certes oui, mais pas les Wallons qui cultivent un peu la meame mentalite9 que les Frane7ais et voient avec un certain me9pris le ne9erlandais comme une sous-langue inutile e0 apprendre, d'autant que la plupart des Flamands parlent ou se de9brouillent en frane7ais. Des efforts sont ne9anmoinsre9alise9s parmi les jeunes qui ont enfin compris que le multilinguisme e9tait un fameux plus dans la vie.