L'excellent hors-série La Vie meilleure, mode d'emploi , de Courrier international (octobre-décembre 2009) vient de regrouper ses meilleurs articles sous le thème Changer de modèles face à la crise . Dans un maelström d'idées pour préserver la planète, réinventer la vie avec zoom inattendu sur des valeurs paradoxales de solidarité, de gentillesse et de lenteur, il nous plaît de nous attarder sur un article traduit du Zeit (Hambourg) intitulé Pas question de bosser le dimanche de Suzanne Gaschke.
Pour bien comprendre, un petit détour auparavant par un autre article du même hors-série, Libérons-nous de l'hyperconsommation , d'un sociologue américain offrant d'en finir avec l'obsession d'achats pour se consacrer à la promotion du bien commun.
Il commence par un rappel salutaire en ces temps de banalisation du dimanche, de la hiérarchie des besoins humains qui passe d'abord par les besoins physiologiques (l'eau, la nourriture) et au-dessus la sécurité et la protection :
Une fois ces besoins satisfaits, l'être humain tire satisfaction des sentiments de reconnaissance et d'affections (amitiés), d'estime de soi (réussite, respect par autrui) et enfin d'accomplissement (créativité, sens moral). Tant que la consommation est destinée à satisfaire les besoins les plus basiques elle est parfaitement distincte de l'hyperconsommation. Mais lorsque l'acquisition de biens et de services se substitue à l'objet spirituel, transcendant, des besoins supérieurs, la consommation devient hyperconsommation et l'hyperconsommation se transforme en maladie sociale.
L'article de Suzanne Gaschke s'inscrit dans cette prise de conscience d'une hiérarchie, de motifs supérieurs. La journaliste allemande met l'accent sur l'engrenage que représente désormais le travail le dimanche pour des achats de confort et doute comme de plus en plus de personnes du gain de liberté qui a assurément un prix .
Réfléchissant sur la façon dont la structure du temps de notre société est en train de se modifier, comment la solide Loi fondamentale de l'Allemagne (qui protège le dimanche comme jour de l'élévation ) commence elle aussi à fléchir face à la pression consumériste et hédoniste, elle met le doigt sur l'incohérence de vouloir du prêt à consommer vingt-quatre heures sur vingt-quatre quand soi-même on ne veut pas travailler le dimanche.
Malgré la particularité spécifique de l'Allemagne qui défend également le samedi chômé, malmené aujourd'hui, les arguments sont dans tous les pays les mêmes : la volonté des citoyens, la flexibilité, la dérégulation obligée.
Commence à être admis cependant que le travail du dimanche n'a pas que des vertus puisque selon une enquête de l'Union européenne, absentéisme, et manque de motivation sont au rang des effets pas si secondaires d'un travail vu comme atypique . Pire, en découle une perception décalée du temps social très préjudiciable. Bafouée, la protection du salarié, victime de la tendance des employeurs à exiger une mise sa disposition permanente ; abandonnée, la culture collective que permettait le dimanche... Tout cela annonce bien des fruits amers.
Autre grief mais pas des moindres : la désynchronisation d'une société qui mettra en péril l'engagement politique et social des citoyens.
Bel article en définitive qui ose affronter la culture de la continuité permanente, du 24/7 , d'une société qui veut toujours plus sans jamais trouver le point de satisfaction. Dépêchons-nous en effet de bouger , pour enrayer la mécanique du travail dominical amorcée partout en Europe, et notamment en France. Un défi de charité et de vérité. H.B.
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