Source [Claude Meunier Berthelot] L’indigence des commentaires relatifs au prétendu projet de loi pour une « Ecole de la confiance » (sic) de Blanquer a de quoi nous laisser perplexes sur la capacité des journalistes à saisir l’essence même du sujet et à éclairer le public, en dehors de quelques-uns qui, ayant bien compris le système, usent de toute la mauvaise foi dont ils sont coutumiers pour masquer la réalité de la situation et « servir la soupe » au Pouvoir en place. Ceux qui n’ont pas compris le film feraient bien de le re-bobiner, ne serait-ce qu’à partir de la réforme de Claude Allègre; bien que la dégradation du système éducatif lui soit bien antérieure, ce retour en arrière leur permettrait au moins de comprendre la logique du système.
Une réforme qui n’en est pas une…
Considérant l’action de Monsieur Blanquer, il est tout d’abord à noter que ce projet n’est absolument pas une réforme de fond, bien au contraire !
Il ne s’agit que de la poursuite de la politique de ses prédécesseurs sur la base de la « Charte pour bâtir l’école du XXIème siècle » de Claude Allègre publiée en 1999 qui consiste à révolutionner le système scolaire en lieu de vie pour nos enfants – ce qu’avait souligné Jack Lang alors ministre de l’éducation « l’école doit être un lieu de vie » ! - révolution caractérisée par la disparition des savoirs dispensés par des cours et leur remplacement par des activités au cours desquelles les élèves sont censés construire leur savoir, autrement dit, l’Ecole n’est plus une Ecole.
Les besoins n’étant évidemment pas les mêmes pour une école-lieu d’instruction que pour une école-lieu de vie, il en résulte que les institutions doivent être modifiées, de même que l’organisation et le recrutement du personnel : c’est l’objet des différentes mesures prises.
Blanquer ne fait donc qu’inscrire son action dans la mise en œuvre de cette charte qui se met en place depuis lors, progressivement, par étapes, par les différents ministres qui se sont succédé à la tête du ministère de l’éducation, « de façon méthodique et progressive sans heurter » comme l’avait recommandé Jack Lang, alors ministre de l’éducation, à la suite de Claude Allègre au début des années 2000.
Un langage trompeur
Comme cette révolution scolaire est en opposition complète avec la volonté des parents et l’intérêt de la nation française, les activités (exemple : jouer au ballon, faire du patin à roulettes, aller à la piscine…) ne sont jamais présentées telles quelles mais maquillées sous un langage ampoulé, ésotérique et très diversifié, incompréhensible pour le profane et laissant à penser au contraire, que les décisions prises sont destinées à améliorer la qualité du système éducatif ; or, tout est fait pour sa destruction.
Ainsi, au niveau des principes, il est question de « pluridiscipinarité » ( JM Blanquer a bien précisé que l’approche pédagogique devait être résolument pluridisciplinaire), d’ « interdisciplinarité », de « transversalité », de « transdisciplinarité », d’ « enseignement pratique interdisciplinaire dérogatoire », afin de ne pas employer le simple mot « activité », et en ce qui concerne les activités elles-mêmes, il est question de « pédagogie de projet », de « TPE » (travaux personnels encadrés), « travaux croisés », « itinéraires de découverte » « éducation artistique et culturelle », « accompagnement personnalisé », « projet personnel de réussite éducative », « tutorat » et même « aide aux devoirs », etc… tous ces qualificatifs sont des maquillages outranciers de simples activités.
Tout est fait pour tromper le public et paraître, non seulement crédible, mais à l’œuvre pour restaurer le système éducatif alors qu’il n’en est rigoureusement rien !
Des institutions recyclées sous des appellations différentes
Blanquer prétend créer les Instituts Nationaux Supérieurs du Professorat (INSP). C’est à mourir de rire pour ne pas avoir à en pleurer quand on examine la loi s’y rapportant et dans laquelle il est stipulé : « les mots ‘écoles supérieures du professorat et de l’éducation’ sont remplacés par les mots ‘instituts supérieurs du professorat’ » ( …) et rien n’est modifié dans le texte !
Les INSP ne sont donc en réalité que les Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education (ESPE), écoles n’ayant été elles-mêmes que les IUFM (Instituts Universitaires de Formation des Maîtres) tellement décriés et pour cette raison prétendument supprimés en 2005 mais toujours actifs au sein des Universités et recyclés sous l’appellation – ESPE – Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education) en 2013 par Vincent Peillon.
Jean-Michel Blanquer Blanquer pérennise donc les IUFM sous une autre appellation : les INSP.
Il ne crée absolument rien ! et c’est dire s’il poursuit bien la même politique que ses prédécesseurs.
Modification de la formation du personnel enseignant ?
De la même façon, il est prétendu que Blanquer prévoit notamment de modifier la formation des enseignants. Or, cette modification est déjà opérante avec les « emplois-avenir-professeur » (60 000) créés par Vincent Peillon* qu’il recycle sous l’appellation « assistants d’éducation » et pour lesquels le recrutement se fait sur la base de personnels sans qualification, sans conditions de nationalité et sur critères sociaux. La formation universitaire disparaît, le formatage se faisant par la suite entièrement dans les IUFM-INSP et ce, pour tous les personnels, de la maternelle à l’université incluse.
Belkacem avait bien dit que cela devenait la « voie naturelle de recrutement » du personnel enseignant-qui-n’enseigne-plus.
Pour une école-lieu de vie, plus besoin de personnel qualifié, diplômé, ce qui explique aussi en grande partie, l’instauration du dispositif « parcoursup » à l’entrée dans les universités pour faire « barrage ».
Monsieur Blanquer poursuit donc cette politique sous une appellation autre, tout en prétendant innover.
Création d’ établissements publics des savoirs fondamentaux ?
C’était dans les cartons depuis longtemps ! à partir du moment où il n’y a plus de cours, où il n’y a plus de savoirs dispensés ni de formation intellectuelle, où il n’y a plus de niveau à atteindre mais seulement à faire réaliser des activités, les classes ne se justifient plus et il n’y a plus à faire de distinction entre école primaire et école secondaire et la création de ces établissements regroupant école primaire et collège et bientôt lycée – que JM Blanquer appelle également l’ « Ecole inclusive » - est logique.
Par contre, en ce qui concerne les savoirs fondamentaux, on pourra toujours « repasser » pour leur acquisition !
Les professeurs mécontents mais…ce n’est pas d’hier !
Les professeurs sont mécontents certes , et ils le sont depuis un moment ! 20% de personnel démissionnaire ces dernières années : du jamais vu ! mais chut ! les cerbères du système - ces chiens à trois têtes qui gardent la porte des enfers -autrement dit les syndicats - ont veillé, n’ont pas bougé, alors qu’ils sont parfaitement au courant de ce qui se trame depuis des lustres mais comme toujours, ils poussent à manifester quand il est trop tard, et les professeurs ont été réduits au silence malgré les remous suscités par ce qu’ils considèrent à juste titre comme les aberrations du système – dans la mesure où ils considèrent – à tort - que c’est toujours une Ecole car beaucoup n’ont pas encore compris où l’on voulait les mener et mener nos enfants.
Le mot d’ordre de Blanquer : « taisez-vous » !
Blanquer y a ajouté un « devoir d’exemplarité et de réserve » !! ce n’est pas un hasard ! les enseignants n’en peuvent plus, exaspérés par la situation qu’ils doivent gérer au quotidien et il sait parfaitement que l’explosion n’est pas loin, raison pour laquelle il leur impose le silence.
Silence ! on tue l’intelligence de vos enfants ! c’est l’ « Ecole de la confiance », silence !
Nous savons donc pourquoi les professeurs sont en colère : abusés par le Pouvoir qui prétend travailler à la restauration du système éducatif, ils sont bien placés pour savoir qu’il n’en est rien et qu’au contraire, leur situation et celle des enfants qui leur sont confiés ne fait et ne fera que s’aggraver.
Les grèves ? des coups d’épée dans l’eau…
Les grèves suscitées par les syndicats ne sont là que pour endiguer les mécontentements mais il est évident qu’elles ne seront que de maigres lots de consolation, sans incidence sur la politique de JM Blanquer car il est bien trop tard : tout est organisé en amont pour qu’il poursuive sa politique.
Venant à contre temps et ne mettant pas forcément le doigt là où çà fait mal, elles ne seront, comme à l’accoutumés, que de simples coups d’épée dans l’eau !
*loi du 26/06/12, décret en CE n°2013-50 du 15/01/13
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