Réforme des lycées : il était temps. Autonomie des universités : il faudra combien de temps ? En attendant, voici quelques pistes pour agir sans tarder.
LE CONSTAT est unanime : donné à tous (ou presque tous), le baccalauréat ne veut plus dire grand chose.
La mention n'y change rien : "N'en tenez aucun compte, elle n'a pas de signification" recommandait naguère un recteur d'académie, toujours en place aujourd'hui. On se préoccupait alors de chercher un remède pour éviter l'échec du bachelier à l'université. À l'issue de la première année, en effet, l'échec était aussi massif que le succès l'était douze mois plus tôt.
Comment expliquer le désastre ? Devenu étudiant, le bachelier semblait perdu dans le monde universitaire, comme un enfant sans boussole et sans équipement dans une forêt qui n'en finit pas.
Fondateur et dirigeant d'un Institut de communication (IRCOM) (cf. encadré ci-dessous), je fus moi-même intrigué par le problème. Comment faciliter la communication entre le lycée et l'université ? Faute de pouvoir rien changer au profil du bachelier, peut-être pouvait-on du moins essayer de donner à celui-ci quelques moyens pour s'en tirer sans trop de dommage et ne pas perdre son temps. Ainsi naquit l'idée des "Sessions préparatoires à l'enseignement supérieur" (SPES : le sigle était un programme !). Tentative modeste, étalée sur une semaine, pour découvrir le monde universitaire, s'exercer à prendre des notes et à les gérer, rappeler les secrets de la dissertation, de la synthèse ou du commentaire de texte, se préparer à l'indépendance. L'IRCOM n'est pas resté seul et des Facultés ont aussi approché le problème, si bien que les différents points de vue ont pu être confrontés au cours d'un colloque à Jussieu.
Mais après trois ans, faute de pouvoir mener tout de front, l'IRCOM a pris un autre parti, la fondation de l'Institut Albert-le-Grand (cf. encadré). Un projet plus ambitieux intégrant les préoccupations précédentes. Il a été construit avec l'aide précieuse du regretté recteur Yves Durand [1]. Le but ? Prendre les bacheliers, tels qu'ils étaient, pour les conduire à une licence de lettres en trois ans, incluant une année dans une université d'un autre pays d'Europe. On comptait beaucoup alors sur les perspectives d'ouverture que promettait la Communauté. C'est peu de dire que ce fut alors une déception pour les promoteurs. Comme souvent, la France s'est crispée sur le principe désuet et insolite du diplôme prétendument national.
Néanmoins, certains obstacles franchis par l'obstination des responsables, l'expérience se poursuit et s'est même élargie depuis aux sciences politiques. Mais elle n'est pas facilitée...
Revenons plutôt aux bacheliers. Leur état ne s'est pas amélioré et, en attendant que la réforme des lycées heureusement initiée par Xavier Darcos ait porté ses fruits, le problème demeure : il faut assurer l'interface entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur. Et c'est à ce dernier qu'en incombe la responsabilité. Le pourra-t-il ? C'est à lui de répondre. Tout juste peut-on, modestement, faire part des constats et des remèdes élaborés dans le cadre d'initiatives privées, qui sans forfanterie peuvent afficher quelques réussites. Après cinquante ans d'activité dans le cadre de l'enseignement supérieur, je pense pouvoir suggérer quelques pistes d'action.
Quelques pistes d'action
Sans doute faut-il d'abord tester la motivation des candidat(e)s qui se présentent : veulent-ils travailler ? C'est leur détermination qui les distingue. Car, quel que soit leur niveau scolaire, attesté par les notes des trois dernières années, les carences sont les mêmes. L'inventaire serait long et peut-être injuste. Que remarque-t-on toutefois toujours et partout ?
D'abord un déficit dans l'expression, qui part de la difficulté à écrire lisiblement à la main, passe par l'orthographe (méprisée et aggravée par les SMS !), par la pauvreté du vocabulaire, par l'ignorance des principes de la grammaire élémentaire et le manque de pratique de la composition.
Ensuite un déficit de culture et donc un déficit d'enracinement. "Du passé faisons table rase", mises à part bien sûr, les repentances à la mode, arrachées à leur contexte.
Enfin déficit de rigueur, "zapping-manie" conjuguée au nomadisme des parents et des enseignants eux-mêmes, style de vie difficilement compatible avec les exigences d'un authentique apprentissage de l'effort intellectuel, et peut-être même de l'effort tout court.
Les facultés sont-elles en mesure de se réformer pour proposer les remises en ordre nécessaires ? On peut en douter. Ce qui devrait faire la part belle à de nouveaux établissements privés. Encore faudrait-il que l'administration ne les paralyse pas dans le piège de conventions avec ses propres établissements. Ne devrait-elle pas les favoriser au contraire, voire les copier ?
Sur quels principes ces nouvelles facultés s'appuient-elles ? Le premier sans doute, qu'il n'y a pas de discipline de travail sans discipline de vie. Ou si l'on préfère, que l'une est liée à l'autre. L'étudiant doit comprendre que la réussite dépend de l'effort personnel. Or, puisqu'il n'en a pas pris l'habitude, s'impose une période transitoire pendant laquelle ces efforts sont programmés et contrôlés.
Deuxième principe : l'information chasse la formation. On ne résout rien en multipliant les heures de cours. L'alimentation est inutile sans digestion. De même, toute connaissance nouvelle doit entraîner une re-naissance, comme on prend appui sur un tremplin pour mieux sauter.
Troisième principe : Fit fabricando faber, c'est en forgeant qu'on devient forgeron. On n'apprend jamais si bien qu'en faisant soi-même.
Quatrième principe : mettre de l'ordre dans ses connaissances en situant chacune d'elle par la chronologie, l'étymologie ou l'histoire des idées.
Enfin multiplier les occasions d'exprimer sa pensée, par écrit, par oral, en français et dans une ou deux langues étrangères. Tout cela constitue évidemment un gros investissement de la part de l'encadrement, un investissement qui devrait être reconnu, non pour une charge nouvelle mais pour une économie qui évite les dépenses de redoublement et le traumatisme de l'échec. Au contraire, la jeunesse y retrouvera confiance en l'avenir et goût d'entreprendre.
*Hyacinthe-Marie Houard est prêtre fondateur de l'IRCOM et de l'Institut Albert-le-grand, ancien secrétaire général de l'Université catholique de l'Ouest.
IRCOM – Institut des Relations Publiques et de la Communication
Depuis 25 ans, l'IRCOM forme des professionnels de la communication pour tous types d'organisations. Recrutés à Bac+3 ou 5 ans d'expérience professionnelle, les candidats peuvent suivre le cursus en 9 mois à temps plein ou en 13 mois en alternance (contrat de professionnalisation) pour l'obtention d'un titre certifié de niveau II (NSP) ou le cursus en deux ans pour l'obtention d'un master 2 en partenariat avec une université étrangère (Espagne ou Angleterre).
www.ircom-asso.com
Institut Albert-le-Grand
Prépare des bacheliers en trois ans (dont un à l'étranger : Europe, Afrique du sud, Asie ou Inde) à une licence de lettres ou de sciences politiques. Recrutés sur dossier, les candidats bénéficient d'un programme original et complet où les matières magistrales sont complétées par des engagements personnels (théâtre, solidarité nationale ou internationale). L'institut existe depuis 1994.
www.albertlegrand.com
Master humanitaire
Depuis la rentrée 2006, l'IRCOM propose à des titulaires d'un master 1 (Bac+4), une formation en management du développement mention action humanitaire et sociale en 16 mois dont 6 mois de stage à l'étranger dans une ONG ou une OSI (organisation de solidarité internationale). L'objectif est de former des chefs de projets à même de gérer une action de développement (sanitaire, humanitaire, alimentaire, logistique, financière...).
www.ircom-humanitaire.com
UNFL – Union des nouvelles facultés libres
L'ircom a créé avec l'IPC (Institut de philosophie comparée – Paris, www.flpc-asso.com), l'ICR (Institut catholique de Rennes – www.icrennes.com), la FACO (Faculté libre de droit, d'économie et de gestion – Paris, www.facultefaco.com), l'ICES (Institut catholique d'enseignement supérieur – La Roche-sur-Yon, www.ices.fr) et le CEPHI (Centre d'études philosophiques – Paris, www.cephi.com), l'Union des nouvelles facultés libres en octobre 2004.
Les six établissements mentionnés ci-dessus ont décidé de s'unir pour travailler ensemble les questions relatives à l'avenir de l'enseignement universitaire libre et présenter ainsi aux pouvoirs publics, notamment le ministère de l'Éducation nationale, des demandes communes.
www.unfl.fr
[1] Yves Durand, professeur des universités, ancien recteur des académies de Rouen puis d'Aix-Marseille, conseiller pour l'éducation à Matignon.
■ D'accord, pas d'accord ? Envoyez votre avis à l'auteur
■
- L'homme et la religion : tragique ignorance
- Valeurs : la bourse ou la vie ?
- De bac en fac, racines et discipline
- Que manque-t-il aux bacheliers ? Retour en prop...
- Loi Debré : triste jubilé !
- Pandémie de l'ignorance : urgence
- Enseignement supérieur libre : "Dans quel État ?"
- Réforme des lycées : et l'université ?
- L'enseignement supérieur libre sera-t-il victim...