Le document Pour une réforme du système financier et monétaire international dans la perspective d'une autorité publique à compétence universelle du Conseil Pontifical Justice et paix publié le mois dernier continue de faire des vagues. Nous avons donné ici nos premiers commentaires. Jean Yves Naudet et Pierre de Lauzun l'ont présenté et commenté.
Il n'est pas d'usage qu'un texte d'un dicastère romain, même non approuvé par le pape, prenne parti dans des débats techniques tout particulièrement dans le domaine politique économique et social. Lorsque le magistère traite de questions qui relèvent de la prudence du gouvernement son évaluation est toujours éthique.
Le respect de l'autonomie des décisions temporelles est absolu dans tous les documents du Magistère. Son enseignement est destiné à éclairer les consciences non à prendre parti dans la gestion des affaires humaines. Décider s'il faut ou non taxer les transactions financières et comment (Taxe Tobin), n'est pas de son ressort. En revanche, il ne cesse de rappeler que ce ne sont pas les impératifs des marchés financiers qui doivent dicter leurs lois aux politiques. Pour l'Eglise, la finance n'est pas le but ultime de l'économie et celle-ci doit être au service de l'homme. Le discours de l'Eglise se situe au niveau des fins et de la conformité des moyens à ces fins. Si le Magistère commente telle ou telle décision économique ou politique, s'il donne son avis sur le fonctionnement de telle ou telle institution, ce sera toujours au regard de finalités éthiques et spirituelles.
Le document du Conseil Pontifical franchissait cette ligne jaune. Immanquablement, il a suscité un débat d'experts et des critiques. Dans la presse, les réactions ont été très diverses. Lors de la présentation à la presse du document le 24 octobre, l'intervention, non prévue initialement du professeur Leonardo Beccheti, professeur d'économie à l'Université de Rome Tor Vergata et spécialiste du microcrédit et du commerce équitable et solidaire, considéré comme le principal rédacteur du document, a suscité de nombreuses critiques.
En particulier, le Professeur Beccheti évoquait, à la suite du texte dont il était l'inspirateur, la nécessité d'un gouvernement mondial. Une prise de position qui dépassait très largement les orientations de la dernière encyclique de Benoit XVI Caritas in Veritate sur la gouvernance mondiale ; pour ne pas dire qu'elle était contradictoire avec l'encyclique. Celle-ci parle de la nécessité d'une gouvernance et de respect du principe de subsidiarité sans proposer de modèles et non de gouvernement .
L'analyse économique des causes de la crise et de ses conséquences était elle-même sujet à débat. Nombreux sont ceux qui se sont étonnés qu'un document de cette autorité prenne des positions à ce point tranchées dans un domaine aussi contingent.
Ces réactions émanant notamment d'économistes proches de l'Eglise ou d'associations comme la nôtre ont suscité un certain émoi à Rome. Une source bien informée parle même de tremblement de terre au Vatican .
Le vaticaniste Sandro Magister révèle que le 4 novembre, le Cardinal Tarcisio Bertone, Secrétaire d'Etat et numéro deux du Vatican, a convoqué une réunion pour examiner l'affaire. Le Cardinal aurait regretté n'avoir rien su de ce texte avant sa parution. Selon Sandro Magister, il aurait été décidé à l'issue de cette réunion que Désormais tout nouveau texte du Vatican devra obtenir l'autorisation du cardinal avant d'être publié .
Comme le remarque aussi le vaticaniste Sandro magister, le document était en rupture avec les analyses publiés par "L'Osservatore Romano", notamment celles de son commentateur économique, Ettore Gotti Tedeschi, président de l'Institut pour les Œuvres de Religion [IOR], la banque du Vatican.
Celui-ci a d'ailleurs dans l'organe de Presse officiel du Vatican publié le 4 novembre dernier une mise au point très critique. Il déplore que le document fasse une analyse partielle des causes de la crise et déplore que le facteur démographique ait été passé sous silence. Voici ce que le Professeur Ettore Gotti Tedeschi écrit au sujet de la crise Ses véritables origines, c'est-à-dire la baisse de la natalité, et ses conséquences qui ont conduit à augmenter les impôts portant sur le PIB pour absorber les coûts du vieillissement de la population, ont été mal interprétées. Et les effets des décisions prises pour compenser ces phénomènes ont été sous-évalués, en particulier la délocalisation de la production et la consommation fondée sur l'endettement. Ensuite l'urgence d'une intervention et les critères à respecter pour dégonfler l'endettement provoqué n'ont pas été correctement pris en considération. On n'a donc pas prévu la forte perte de confiance qui a conduit au redimensionnement des valeurs boursières et à la crise de la dette.
Du côté des solutions, à la différence du document du Conseil Pontifical Justice et paix, il évoque divers scénarios. Et termine par une mise au point sur la question très controversée d'un gouvernement mondial. Pour lui, les gouvernements doivent redonner confiance aux individus et aux marchés en adoptant une "gouvernance" qui corresponde à la situation et qui, tout en assurant une adaptation technique, soit aussi un modèle de leadership. C'est-à-dire un outil pour atteindre cet objectif qu'est le bien commun. Un point de vue bien différent de celui soutenu dans le document.
Une mise au point qui va dans le sens de nos propres analyses que nous allons poursuivre comme nous y encourage l'Eglise.
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