Source [Le Figaro étudiant] Ces dernières années, de nombreux intervenants ont subi la loi d’une minorité d’étudiants ou de militants déterminés à ne pas les laisser s’exprimer.
Une conférence sur Napoléon? Déprogrammée. Une pièce de théâtre grecque antique? Reportée. Un cours de «prévention de la radicalisation»? Ajourné. Ces derniers mois, dans les grandes écoles et universités françaises, de nombreux événements ont été annulés à la suite de menaces proférées par certains étudiants ou militants aux chefs d’établissements. Faut-il s’inquiéter de la disparition de la liberté d’expression dans les universités françaises? Au sein de la communauté universitaire, de multiples voix commencent à s’élever pour dénoncer une censure de plus en plus importante.
Le collectif «Vigilance Universités», fondé en 2016 pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme dans les universités françaises a alerté à plusieurs reprises sur ces inquiétantes entraves à la liberté d’expression. Gilles Denis, maître de conférences à l’université de Lille et membre de ce collectif, a observé, il y a quelques années, l’éclosion de ce nouveau phénomène importé des États-Unis. «L’influence des universités américaines est de plus en plus forte dans les établissements français. Cela a commencé tout doucement il y a environ cinq ans, avec de premières entraves à la liberté d’expression, notamment sur les questions de laïcité. Ensuite, ça n’a fait que se multiplier. La presse a médiatisé certains de ces abus, mais en réalité, il y en a beaucoup d’autres dont on ne parle pas», affirme le maître de conférences.
Ces derniers mois, les polémiques se sont multipliées dans les universités françaises. L’année 2019 a commencé par l’annulation de la pièce de théâtre «Les Suppliantes» d’Eschyle à Sorbonne Université, où les comédiens ont été empêchés de rentrer dans l’amphithéâtre par des activistes et des étudiants, à l’initiative du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran). Ces derniers reprochent à l’époque au metteur en scène de grimer ses comédiens en noir, l’accusant même de «propagande coloniale». L’événement aura finalement lieu quelques semaines plus tard, devant un parterre de personnalités, dont Franck Riester, alors ministre de la Culture, et Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur.
Puis, en octobre, l’intervention de la philosophe Sylviane Agacinski à l’université Bordeaux Montaigne est annulée. Cette dernière devait évoquer «L’être humain à l’époque de sa reproductibilité technique». Une conférence que l’université a décidé de déprogrammer face aux menaces de violences d’associations étudiantes locales comme Solidaires Étudiant.e.s, Riposte Trans (Collectif trans et non binaire) ou GRR (Collectif étudiant anti-patriarcat), reprochant à la philosophe d’être opposée à la PMA (procréation médicalement assistée) pour toutes.
Quelques semaines plus tard, en novembre 2019, c’est au tour de François Hollande de subir les foudres de quelques manifestants. L’ancien président de la République qui devait tenir une conférence à l’université de Lille, en est empêché par l’envahissement de l’amphithéâtre. Une centaine de personnes y dénoncent la précarité étudiante. Un agent de l’université est blessé pendant la manifestation, les exemplaires du livre de François Hollande sont déchirés.
Ces annulations ou reports, qui ont tous créé la polémique, ne sont que quelques infimes exemples de la censure que peut connaître l’université française. Ils ne sont en fait que la partie émergée de l’iceberg. Régulièrement, ces établissements font face à la pression de certains groupes d’étudiants ou de militants extérieurs à l’établissement. Carole Talon-Hugon, philosophe spécialiste de l’esthétique, en a récemment fait les frais. En janvier 2020, elle est invitée à la villa Arson, célèbre école d’art publique rattachée depuis peu à l’université de Côte d’Azur, afin de présenter dernier ouvrage, traitant de la censure dans le domaine de l’art. Lorsqu’elle arrive à l’établissement le jour de son intervention, un comité d’accueil très spécial lui est réservé. Partout, des affiches appelant au boycott de sa conférence sont placardées. «Il y avait écrit ‘Non à la haine!’. C’était invraisemblable», se souvient-elle.
Retrouvez l'intégralité de l'article en cliquant ici