Les sirènes du bateau-loup, dormez… Comme un monde en partance mais qui dans la tempête du wokisme ne reviendra jamais au port.

Il y a quelques années, les couples sans enfants étaient regardés avec une sorte de compassion pincée ; nous présumions que s’ils n’avaient pas procréé, c’était dû à une déficience organique qui les en empêchait. Nous traitions ces couples sans enfants avec cette espèce de funeste obséquiosité que nous affectons avec les parents d’un défunt pour présenter nos condoléances lorsque l’on se rend à la veillée de prière ou à son enterrement.

Aujourd’hui - et malgré les constats des analystes économiques et les lamentations des politiques qui s’inquiètent de la  vertigineuse chute démographique occidentale - il semble que ce soit le contraire que traduisent  les regards : les couples de familles nombreuses (qui le deviennent à partir de deux enfants…) sont regardés avec une espèce d’appréhension et de méfiance voire de pitié, comme s’ils avaient été trompés par le pharmacien du quartier qui leur aurait vendu des boites de capotes anglaises périmées ; les couples sans enfant , en revanche, sont contemplés avec une curiosité fascinée voire avec envie. Ils se sont convertis en un modèle social digne d’émulation, en « créateurs de tendances » ; on leur a même attribué une désignation qui pourrait faire rire : « dinkis » (dérivée de l’acronyme DINK : « Double Income, no Kids »). Ce sont des couples qui ont renoncé volontairement à la procréation, enfermés dans la capsule d’un amour sans prolongation, sans transmission, comme des Narcisses happés dans l’eau claire de leur source. Ils n’ont plus besoin de justifier les raisons de leur choix ; mais, avant même qu’ un salopard de réac leur pose cette question, ils auront vite décoché  la flèche imbibée de cigüe et trempée de dédain: ils souhaitent prolonger leur jeunesse (adulescence) ; mais au fond d’eux-mêmes, ils savent bien que ce sont de jeunes crétins, et qu’il n’y a pas d’autre moyen plus infaillible d’accélérer l’avènement de la vieillesse que la compulsive manie de la dissimuler avec des artifices et de chimériques chirurgies esthétiques qui ne décabosseront jamais leur âme. Autre argument, le désir d’atteindre la stabilité professionnelle, mais une fois atteint cet objectif, l’ambition et la cupidité - source des maux les plus tragiques- les précipiteront dans une ascension sociale abyssale des plus stériles. Autre motif, celui de vouloir profiter de leurs moments de loisirs, de leurs vacances et surtout de leur argent avec une boulimie telle que la fondation d’une famille les en empêcherait. 

Nous ne nierons pas qu’il existe des raisons sociales, économiques, psychologiques et surtout idéologiques pour lesquelles, chez les européens, s’est étendu un modèle de coexistence aussi narcissique et replié sur soi dont l’unique horizon en position fœtale est la consommation hic et nunc d’un bien être purement matériel. Mais au-delà de ces raisons conjoncturelles (qui demeurent nonobstant de pitoyables alibis), il existe une raison beaucoup plus profonde qui est celle d’un véritable dégoût existentiel. L’amour qui ne se prolonge pas dans les veines d’un autre être, finit par succomber à la nausée de sa propre stérilité ; ces « dinkis » qui s’accouplent pour inventer une forme de fausse transmission, de conjugalité mensongère, d’écologie mutilée par une idéologie castratrice, (l’idéologie vit sur le mensonge et par la force, Soljenytsine), mais qui est en réalité une forme d’égoïsme réciproque, incarnent peut-être sans le savoir, l’emblème de la fin d’une époque. Quelque chose de gravissime se produit que la déconstruction linguistique irrigue et légitime. Et quelque chose de suicidaire se produit quand un continent qui traverse la période la plus prospère de son histoire, qui dispose de moyens pour combattre la maladie et prolonger la vie, qui semblait après la chute du mur de Berlin avoir secouer la menace de guerres entre puissances de même culture et racines, de plaies et catastrophes naturelles ou programmées qui en d’autres temps décimèrent sa population, présente un taux de natalité (rectifiée seulement par le flux mortifère des migrants) qui tombe au-dessous du niveau de substitution. Quelque chose de très grave est en train de se produire quand de plus en plus d’européens, de jeunes européens refusent de créer une nouvelle génération.

Les peuples qui démissionnent ou désertent la procréation sont des peuples qui ont perdu la foi en l’avenir. Le suicide démographique, ce « ravissement de l’automutilation » qui mine la vitalité européenne, trahit la crise d’une forme de civilisation. Il manque une espérance qui donne sens à notre vie et à notre histoire. L’affaiblissement du concept de famille, le nombrilisme existentiel, l’égoïsme parasitaire des nouvelles générations qui remettent à plus tard ou déclinent l’opportunité de transmettre la vie en se reproduisant sont un signe véritable de cette crise. L’Europe non seulement manque de recours pour maintenir sa civilisation mais ne possède même pas d’arguments pour pérenniser son existence. Ce dégoût vital qui tue l’imagination, entrave le désir et nie l’avenir humain est cependant considéré comme une tendance digne d’être imitée voire modélisée. Le moment est venu de fermer le kiosque et d’attendre l’arrivée des barbares.

Ils sont là !

Sans doute qu’aliénés par la transmission de la pensée unique actualisée par l’Agenda 2030 de l’ONU sont-ils les dindons de cette farce du totalitarisme de la déconstruction. (Ah l’ONU : « Il y a un quart de siècle, naissait l'Organisation des nations unies, qui portait les espoirs de l'humanité. Hélas ! dans un monde immoral, elle est devenue immorale. Ce n'est pas une organisation de nations unies, mais une organisation de gouvernements unis, où tous les gouvernements sont égaux : ceux qui ont été élus librement, ceux qui ont été imposés par la force et ceux qui se sont emparé du pouvoir par les armes » Soljenitsyne).

Le wokisme s’en prend à tout ce qui peut ressembler à ce que la nature est - et particulièrement l’écologie intégrale-, pour finir par criminaliser la transmission de la vie et désigner à la vindicte « boboaire » le couple homme/femme, la famille, comme l’ennemi source de tous les maux, le nouveau « brigand » qui produit par sa descendance trop de CO2 au détriment de la planète.

Pendant ce temps-là, nos cohortes de ministres de « l’Education Nationale » ( laboratoire de la grande déconstruction nationale) et le dernier Dalton de la bande, le wokiste-racialiste Pap Ndiaye, s’escriment à faire  que l’Ecole ne transmette comme modèles du génie français que Robespierre, ce géniteur des grandes idéologies terroristes du XXème siècle- nazisme et communisme- relayées par l’Islamisme (« La grande et durable hérésie de Mahomet »*) et ces théoriciens de « l’abolition de l’homme », géniteurs du wokisme  et du droits-de- l’hommisme, nouvelles religions séculières, que sont quelques désespérés fossoyeurs de la pensée, de la controverse, de la beauté, de la pureté ,de la joie que sont ces tristes personnages qui ont pour nom  Foucault, Derrida, Deleuze , Blanchot…  Les « préceptes » de cette nouvelle gnose ne sont pas sans nous rappeler l’hérésie albigeoise si bien analysée par Hillaire Belloc*. « Compte-tenu de leur attitude devant la chair et l’univers matériel, la procréation – et donc la propagation de l’espèce humaine- se trouvait formellement condamnée, de même que le mariage ».

 Sans oublier que la quintessence du type de pornographie qui s’est convertie aujourd’hui en clé de l’éducation affective et sexuelle dans nos établissements scolaires est la chosification d’autrui. Cette chosification néantise l’homme ou la femme, les deux sont ses victimes ; mais dans le traitement d’une « chose » ou d’une autre « chose », au bout du compte, c’est la chose la plus faible qui finira par perdre et pas seulement à cause d’une force physique naturellement moins performante mais à cause en général d’une plus grande exigence et d’une plus grande maturité amoureuse.

 La grande question est quand même de se demander comment a-t-on pu associer idéologiquement cet immense commerce de la pornographie avec la liberté sexuelle que l’occident a converti en centre de son style de vie. Le pourquoi, on le connait : cette arme se révèle être la plus redoutable parce que la plus efficace des armes d’une guerre totale programmant l’anesthésie générale de toute une civilisation par l’addiction. Ceci suffirait-il à la rendre inattaquable ?

 On apprend l’apparition aux USA des GINKS (jeunes adultes qui renoncent à avoir des enfants par conscience écologique…) mais on tait les effets dévastateurs sur l’environnement de la pilule contraceptive etc. Il suffit d’entendre quelques morceaux choisis de la litanie des bouffonneries de Sandrine Rousseau qui préfère « des femmes qui jettent des sorts plutôt que des hommes qui construisent des EPR ».

Pour bien comprendre que le nouvel « amas de cellules » transsexuel , queer, intersectionnel ou je ne sais quelle nouvelle construction linguistique des déconstructionnistes , il faut entendre ou lire l’égérie du quotidien d’extrême-gauche «  Libération », le pseudo philosophe woke ibère  Preciado qui, sans craindre de s’attirer un universel éclat de rire affirme « L’hétérosexualité est dangereuse », « pour rendre possible l’émancipation des femmes et des hommes, il faut se libérer de l’hétérosexualité », «   Mon existence en tant qu’homme trans au XXIe siècle constitue en même temps le point culminant de l’ancien régime sexuel et le début de son effondrement.» « La différence sexuelle entre homme et femme est une fiction sur le point de se dissoudre. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle révolution copernicienne ».

Vous me direz, nous n’en sommes pas encore là puisque Antoine Buéno qui publie « Le permis de procréer » nous laisse encore quelques illusions avant qu’un nouveau ministère de la braguette n’envoie ses juges et commissaires politiques mettre leur nez dans nos demeures pour distribuer corrections ou médailles.

En guise de conclusion, j’illustrerai mon propos en vous livrant quelques extraits du discours d’Alexandre Soljenitsyne à l’université de Harvard du 8 juin 1978, Le déclin du courage :

[...] La défense des droits individuels a pris de telles proportions que la société, en tant que telle, est désormais sans défense contre les initiatives de quelques-uns. Il est temps, à l’Ouest, de défendre, non pas tant les droits de l’homme, que ses devoirs. D’un autre côté, une liberté destructrice et irresponsable s’est vue accorder un espace sans limite. Il s’avère que la société n’a plus que des défenses infimes à opposer à l’abîme de la décadence humaine, par exemple en ce qui concerne le mauvais usage de la sa liberté en matière de violence morale faite aux enfants, par des films tout pleins de pornographie, de crime, d’horreur. On considère que tout cela fait partie de la liberté, et peut être contrebalancé, en théorie, par le droit qu’ont ces mêmes enfants de ne pas regarder et de refuser ces spectacles. L’organisation légaliste de la vie a prouvé ainsi son incapacité à se défendre contre la corrosion du mal [...].

[...] Le mode de vie occidental apparaît de moins en moins comme le modèle directeur. Il est des symptômes révélateurs par lesquels l’histoire lance des avertissements à une société menacée ou en péril. De tels avertissements sont, en l’occurrence, le déclin des arts ou le manque de grands hommes d’État. Et il arrive parfois que les signes soient particulièrement concrets et explicites. Le centre de votre démocratie et de votre culture est-il privé de courant pendant quelques heures, et voilà que, soudainement, des foules de citoyens américains se livrent au pillage et grabuge. C’est là que le vernis doit être bien fin, et le système social bien instable et mal en point. Mais le combat pour notre planète, physique et spirituel, un combat aux proportions cosmiques, n’est pas pour un futur lointain. Il a déjà commencé. Les forces du mal ont commencé leur offensive décisive. Vous sentez déjà la pression qu’elles exercent, et pourtant, vos écrivains et vos écrits sont pleins de sourires sur commande et de verres levés. Pourquoi toute cette joie ? [...]

[...] Je ne pense pas au cas d’une catastrophe amenée par une guerre mondiale ni aux changements qui pourraient en résulter pour la société. Aussi longtemps que nous nous réveillerons chaque matin, sous un soleil paisible, notre vie sera inévitablement tissée de banalités quotidiennes. Mais il est une catastrophe qui, pour beaucoup, est déjà présente pour nous. Je veux parler du désastre d’une conscience humaniste parfaitement autonome et irréligieuse. Elle a fait de l’homme la mesure de toutes choses sur terre, l’homme imparfait, qui n’est jamais dénué d’orgueil, d’égoïsme, de vanité et tant d’autres défauts. Nous payons aujourd’hui les erreurs qui n’étaient pas apparues comme telles au début de notre voyage. Sur la route qui nous a amenés de la Renaissance à nos jours, notre expérience s’est enrichie, mais nous avons perdu l’idée d’une entité supérieure qui, autrefois, réfrénait nos passions et notre irresponsabilité ». (Alexandre Soljenitsyne, Le déclin du courage, discours à l’université de Harvard du 8 juin 1978)

Thierry AILLET

Ancien Directeur Diocésain de l’Enseignement Catholique d’Avignon

 

*« Les grandes hérésies » l'Eglise dans la tourmente Hilaire BELLOC éditions ARTEGE 2022