Le discours de François sur l’immigration passe mal auprès de nombreux Français, catholiques ou non, de droite et même de gauche (Kouchner, Attali).
Il n’était déjà pas très sympathique qu’il préfère dire qu’il venait à Marseille et pas en France. Les fidèles de Marseille ont dû lui forcer la main pour qu’il accepte d’y célébrer une messe.
Comment comprendre ses reproches répétés aux pays européens, et singulièrement la France pour ne pas être assez ouverts et généreux pour les immigrants, alors que l’Europe est, de loin, le continent le plus accueillant du monde et, au sein de l’Europe, la France ? A vrai dire aucun pays hors d’Europe n’accueille qui que ce soit. On l’a vu à la manière féroce dont les pays du Maghreb renvoient les immigrants de couleur. Mais François ne le leur dira pas.
Au vu de propos si injustes, comment certains de ses « fils » n’auraient-ils pas le sentiment de ne pas être aimés par leur père ?
Identité et christianisme
Sa théorie de l’accueil inconditionnel fait injure à la souffrance que ressentent beaucoup de Français face au fait migratoire. Non pas par égoïsme matériel ou « indifférence », comme il feint de le croire, mais par souci de sécurité et surtout crainte de perdre leur identité. Identité : François n’a-t-il pas dit une fois qu’il y avait de l’idolâtrie à s’en soucier trop ? Doctrine intéressante mais qu’on jamais entendue en vingt siècles de christianisme. Ignore-t-il que l’Europe s’est construite à partir d’identités nationales étroitement liées à la christianisation des différentes nations : la France avec le baptême de Clovis, la Hongrie avec celui de saint Etienne, la Pologne avec saint Stanislas, l’Ukraine avec saint Vladimir ? Ces hommes ont participé à la construction d’une Europe plurielle. Les différents peuples qui se la sont partagée ont permis, après un l’Empire romain prédateur et lointain, la constitution d’unités plus petites, sans doute belliqueuses mais plus près des populations. On peut prendre ses distances avec le sentiment identitaire, mais au moins mérite-t-il un minimum de respect.
François dit que la Méditerranée doit redevenir un espace de paix. Elle l’était sous l’Empire romain ; elle a cessé de l’être au VIIe siècle quand la conquête arable l’a coupée en deux. Par-delà les politesses diplomatiques, rien ne dit que cela changera.
Le fait migratoire
Ignorance aussi du fait migratoire lui-même. Comme beaucoup de nos compatriotes, François feint de croire qu’il exprime le débordement d’une Afrique surpeuplée miséreuse: non, il y a encore beaucoup de place en Afrique ; l’attirance qu’exerce l’Europe est moins celle de sa richesse intrinsèque que celle des systèmes sociaux qui apparaissent aux Africains comme un Eldorado : ils semblent promettre aux émigrés de vivre sans travailler bien mieux que ceux leurs frères qui son restés cultiver les champs au Sud du Sahara. Est-ce là la justice ? Ces avantages sont d’ailleurs préemptés par les passeurs qui se remboursent dessus. Ce n’est pas non plus la guerre qui chasse la plupart de ces réfugiés : les pays vraiment en guerre : Soudan, Sud-Soudan, Somalie ne nous envoient personne.
Ils partent parce que des filières organisées tentent de les attirer chez nous. Elles leur font payer cher le voyage : un billet d’avion Dakar Paris coûte environ 300 € ; les passeurs leur demandent 5000 €; la majorité des migrants perdront leur vie ou seront vendus comme esclaves. Il n’en arriverait qu’environ 40 %. Les premiers responsables de ces drames sont les passeurs : le trafic d’êtres humains rapporterait presque autant que celui de la drogue ; c’est pourquoi les organisations humanitaires qui aident les passages en Europe, souvent en cheville avec les passeurs, ont un rôle très discutable puisqu’ elles encouragent des départs qui pour beaucoup se terminent dans la tragédie. Qui croit qu’un Soros qui finance beaucoup de ces ONG le fasse par amour de l’humanité ? Une personnalité de la « globalsphère » , décédé en 2018, l’Irlandais Peter Sutherland, catholique, commissaire européen, directeur de l’OMC, secrétaire général adjoint des Nations unies, président de Goldman Sachs International et de British Petroleum , ayant des responsabilités dans la Trilatérale et le Bilderberg, avait déclaré à la chambre des pairs en 2012 que « L’Union européenne doit faire de son mieux pour détruire l’homogénéité interne des nations européennes » , l’afflux d’ immigrés devant contribuer à cette dissolution des entités nationales pour mieux construire des entités supranationales ; François a fait de cet homme venu des « marges » son conseiller pour les migrations.
Pourquoi tant de noyades ?
Le même accuse avec véhémence les Européens de tolérer les noyades en Méditerranée ; il a raison mais c’est par leur lâcheté et leur humanitarisme mal placé qu’ils sont coupables. Il leur suffirait d’obtenir du gouvernement libyen actuel, fantoche mais officiel, un droit de contrôler ses ports pour bloquer les départs, et peu à peu les décourager en amont puis d’éliminer les méfias de passeurs. C’est très faisable, mais à Bruxelles qui participe largement à l’idéologie du remplacement et du métissage, personne ne le souhaite. On y préfère les noyades.
François a cependant raison de dire que ces passages ne sont pas une invasion au sens premier du terme : ce ne sont pas des guerriers qui viennent prendre le contrôle du pays où ils accostent comme les Germains du Ve siècle et les Arabes du VIIe. Mais comment empêcher les Européens traumatisés, de le voir ainsi. Et à moyen terme, cela ne revient-il pas au même ?
Qui sont les vrais pauvres ?
La dénonciation par le pape de l’égoïsme des Européens recouvre une autre maldonne. Ce ne sont généralement pas les riches Européens qui ne veulent pas de migrants. Comme l’a justement rappelé Charlotte d’Ornellas, ce sont les petits. Les riches auront une main d’œuvre à bas prix, domestique ou professionnelle. Tout en vivant dans des quartiers préservés, ils pourront, s’ils sont dans les médias, déverser leur mépris sans mesure pour le peuple « raciste », « identitaire » , enclin au « populisme ». Et encore mieux avec l’aval du pape. Les pauvres, tenus de cohabiter au quotidien avec les immigrés, concurrencés dans l’emploi, ceux que Christophe Guilluy appelle la « France périphérique », souvent moins bien lotis que les migrants installés, c’est d’abord eux que François humilie par ses algarades. Les évêques de France, le nonce, ne le lui-ils pas dit ?
Ethique de conviction et éthique de responsabilité
Presque tout a été dit sur la distinction entre l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité. La première s’applique aux relations interpersonnelles, la seconde aux décisions politiques. François, contrairement à ses prédécesseurs et même en rupture avec certaines de ses déclarations passées, semble aujourd’hui confondre les deux .En les culpabilisant, il ne fait que faire souffrir un peu ses fils d’Europe
Il est vrai que François, c’est à mettre à son crédit, n’a pas calé sur les sujets sensibles comme l’avortement ou l’euthanasie, mais pas en présence de Macron, le champion des « avancées sociétales » qui, avec son manque de tact habituel, s’était invité à Marseille. Ses positions sur l’immigration et l’écologie sont-elles pour François des gages donnés aux maîtres du monde pour qu’ils acceptent ses positions sociétales ? On aimerait le croire. Mais le prix est bien lourd, notamment pour le crédit de l’Eglise.
Roland HUREAUX