Vertigineux défi de l’expansion de l’islamisme en Afrique

Source [Atlantico] Bien plus qu’un problème sécuritaire, ce qui se passe en Afrique subsaharienne relève d’un véritable enjeu de civilisation aux profondes ramifications.

Atlantico : Après le coup d’État du 25 mai 2021, la France a décidé de suspendre ses opérations avec les forces maliennes. Cette décision est-elle vraiment la bonne ? Quelle conduite tenir maintenant que le régime malien n’est plus considéré comme légitime ?

Bertrand Cavallier : Dans le communiqué adressé par le ministre des Armées à l’AFP, il est précisé comme le rapporte Le Point que « des exigences et des lignes rouges ont été posées par la Cedeao et l’Union africaine pour clarifier le cadre de la transition politique au Mali » et que « dans l’attente de ces garanties, la France (…) a décidé de suspendre à titre conservatoire et temporaire, les opérations militaires conjointes avec les forces maliennes ainsi que les missions nationales de conseil à leur profit ».

Le fait de lier ces mesures suspensives à la position de la Cedeao et de l’Union africaine est intéressant à deux titres interagissants :

  •  la volonté de la France - au demeurant constante - de promouvoir une gestion des crises africaines par les Africains ;
  • une réfutation de l’isolement de la France et du syndrome néo-colonialiste qui imprègne de plus en plus les esprits des jeunesses africaines, dans un nouveau contexte marqué par la manipulation très aisée des réseaux sociaux.

Le positionnement de la France sur la situation au Mali est à replacer plus largement à l’échelle du continent africain et sur la politique étrangère française à ce sujet. L’entretien du Président de la République, Emmanuel Macron accordé au JDD le 30 mai dernier éclaircit bien le coeur de la problématique africaine au-delà de la situation malienne : le développement d’un panislamisme de l’Irak au golfe de Guinée en passant par la corne africaine. Car si l’armée française peut rester aux côtés d’un pays où la légitimité démocratique n’est pas pleine, c’est essentiellement la crainte d’un glissement vers l’islam radical qui est pointée du doigt.

C’est cette ligne rouge qu’il faut retenir et qui est exprimée en ces termes : "Au Président malien Bah N’Daw, qui était très rigoureux sur l’étanchéité entre le pouvoir et les djihadistes, j’avais dit : “L’islamisme radical au Mali avec nos soldats sur place ? Jamais de la vie ! Il y a aujourd’hui cette tentation au Mali. Mais si cela va dans ce sens, je me retirerai“. » 

Car c’est bien la diffusion de l’islam radical en Afrique plus que celle de la nature des régimes en place qui est la question centrale, laquelle doit relever d’un traitement pragmatique dépassant des ressentis superficiels et faussement moralisateurs sur les pratiques politiques.

Or, s’agissant du Mali, l’expansion de l’islam radical, soit d’un islam d’inspiration wahhabite est désormais un phénomène majeur dont la figure de proue est l'imam Mahmoud Dicko, formé à l’université islamique de Médine. Dicko a été président du Haut Conseil islamique du Mali (2008-2019). Même s’il n’exerce pas de fonction politique directe, il exerce une influence prépondérante sur l’évolution politique et sociétale du Mali en s’appuyant sur une organisation qui lui est toute dévouée et qui quadrille en profondeur le territoire : la Coordination des Mouvements, Associations et Sympathisants (CMAS). Rappelons son combat contre le Code de la famille entre 2009 et 2011, son implication dans la résolution de la crise depuis 2012 et dans l’élection présidentielle de 2013, son opposition à l'éducation sexuelle en 2019, l’organisation le 19 juin 2020 d’ une manifestation de plusieurs dizaines de milliers de fidèles et supporters pour demander au président Ibrahim Boubacar Keïta de démissionner, le soutien de la CMAS au Conseil de transition… Evoquons également son interview donnée le 12 février 2021 à France 24 dans laquelle il prône le dialogue avec les chefs djihadistes Amadou Koufa, chef de la Katiba Macina, et lyad Ag Ghali, fondateur du groupe salafiste djihadiste Ansar Dine, leader du GSIM (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans) qui a fait allégeance à AQMI et al-Qaïda, mais où également il confesse sa proximité avec l’Arabie Saoudite.

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