Tout raser dans les quartiers Nord de Marseille ?

Source [Atlantico] Pour Manuel Valls il faut "tout raser" dans certains quartiers de Marseille et "tout reconstruire" après. Cette solution a-t-elle vraiment marché un jour ?

Atlantico : Manuel Valls a déclaré sur RMC qu'à Marseille il fallait « tout raser » et « repeupler autrement ». Est-ce vraiment une stratégie envisageable ? Serait-elle efficace ?

Très sincèrement non. D’abord, si l’on considère la configuration marseillaise on parle de plusieurs milliers de logements. Où les reloger sachant que l’on imagine mal les villes voisines participer à un accueil de cette envergure ?  Deuxièmement, l’Etat ne dispose plus des finances suffisantes pour accomplir une telle entreprise. J’en veux pour preuve la manière dont on finance la rénovation urbaine aujourd’hui. Elle est financée en partie par les bailleurs sociaux et nombre d’entre eux sont complètement à genoux. L’Union sociale pour le logement va tenir son congrès dans quelques jours à Bordeaux et la question financière est plutôt inquiétante car l’Etat fait payer les bailleurs pour une partie des rénovations. Donc tout détruire pose techniquement un problème financier. 

Il y a également un problème social. On a déjà beaucoup de difficulté dans les politiques de relogement à intégrer les populations plus modestes aux quartiers. J’ai dirigé une journée d’étude sur les 20 ans après le vote de la loi SRU, on voit bien qu’il y existe encore des blocages sociaux. Beaucoup de villes se montrent encore rétives à une véritable mixité sociale.

Troisième élément, et c’est ce qui est intéressant dans la posture le propos de Manuel Valls, c’est que jusqu’à une certaine période, la gauche avait surtout misé sur le développement social pour tenter de résoudre le problème de la dégradation de certains quartiers construits durant la période des Trente Glorieuses (grand ensembles). Le recours à la démolition massive Cette thèse du « on détruit, on reconstruit » apparaît véritablement dans les années 1990, avec les premiers « grands projets urbains » (GPU) portée par la gauche. Jean-Louis Borloo en a ensuite systématisé l’usage avec sa loi sur la rénovation urbaine. n’est pas celui qui a inventé la rénovation urbaine. Pour en revenir au propos de Manuel Valls, il me semble qu’elle traduit une forme c’est qu’il y a un constat d’impuissance de la puissance publique dans cette proposition. Ça ne s’est jamais fait à cette échelle sur le mode « on a tout essayé, il ne reste plus que la destruction massive ». La politique de la ville a été au contraire, jusqu’au début des années 2000 du moins (les émeutes de 2005 sont de ce point de vue un marqueur) un laboratoire d’expérimentation pour des politiques publiques innovantes, inventives. 

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