À l'occasion de la Journée Internationale des Droits de l'Enfant, le 20 novembre dernier, Mme Dominique Versini (photo), défenseur des droits de l'enfant, a proposé un aménagement de la délégation de l'autorité parentale par la création d'un statut pour un tiers .

Femina Europa, soucieuse de l'intérêt supérieur de l'enfant et désirant accompagner les évolutions de notre société, reconnaît la nécessité de la prise en compte de la place du beau-parent dans le droit de la famille mais émet des réserves quant aux solutions proposées.

La famille recomposée cache avant tout une famille décomposée. Si cette recomposition peut, dans certains cas, permettre aux enfants de retrouver une stabilité, cela n'exclut pas, pour l'enfant, le droit et généralement le désir de garder un lien avec ses deux parents. Un enfant n'a qu'un père et qu'une mère. Son inscription dans une lignée généalogique est fondamentale pour la construction de son identité et de sa personnalité.

Suite à la séparation de ses parents, l'enfant subit la perte d'un lien quotidien avec l'un de ses deux parents et l'éventuelle arrivée d'un nouveau partenaire de son père ou de sa mère. Ces unions et désunions sont souvent source de conflits d'autorité entre les adultes, l'enfant en est la première victime.

De l'avis de l'ensemble des personnes auditionnées par la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances (rapport activité 2005/2006) l'institution d'un statut rigide et uniforme du beau-parent ne serait pas satisfaisante .

L'importance de l'exercice en commun de l'autorité parentale au nom du principe de la co-parentalité (loi de mars 2002) des parents biologiques est reconnue comme essentielle dans l'éducation des enfants et amplement soulignée comme facteur protecteur par rapport aux comportements à risque. Créer un nouveau statut juridique du beau-parent se ferait au détriment du parent biologique non-gardien de l'enfant.

Nous ne pouvons pas approuver les propositions de Mme Versini car elles sont confuses, inutiles et risquées.

 

Confuses, car on ignore de quel tiers on parle : s'agit-il d'un membre de la famille ou d'un beau-parent d'addition après une séparation, d'un beau-parent dans un couple homosexuel ou dans un foyer mono-parental ? La liste des beaux-parents pourrait s'allonger au fur et à mesure des ruptures...et des recompositions.

Inutiles, car depuis la loi du 4 mars 2002, la délégation et le partage de l'autorité parentale au bénéfice d'un tiers est possible. En cas de décès d'un parent, le conseil de famille ou le juge des tutelles peuvent, pour le bien de l'enfant, désigner le tiers qui le prend en charge (article 373-3 du Code civil). En outre, il est toujours possible aux parents de délivrer un mandat pour un tiers en certaines occasions (voyages de classe, séjours hors de la famille...).

Risquées, car la création d'un statut d'un tiers conduirait à effacer progressivement la place du parent biologique et à augmenter les conflits entre les détenteurs de cette autorité parentale, au mépris du bien de l'enfant.

Pourtant, les conventions Internationales nous rappellent, de manière constante, la responsabilité parentale des parents biologiques à l'égard de l'enfant, sans qu'il soit nécessaire de créer un nouveau statut : Les États parties s'emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement. La responsabilité d'élever l'enfant et d'assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l'intérêt supérieur de l'enfant.

(Article 18 de la Convention internationale des Droits de l'Enfant, ONU 1989.)

Déresponsabiliser les parents, installer l'enfant dans une situation fluctuante, créer une multiparentalité à géométrie variable fragiliseraient la famille reconnue, aujourd'hui, comme pilier fondamental du développement stable et harmonieux de la société.

*Elizabeth Montfort, ancien député européen, administrateur de la Fondation de service politique, est présidente de Femina Europa.

Références

L'article 7 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant (ONU 1989), reconnaît à l'enfant dans la mesure du possible le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux .

Dans son article 9, elle rappelle : L'enfant a le droit de vivre avec ses parents à moins que cela ne soit jugé incompatible avec son intérêt supérieur; il a également le droit de maintenir des contacts avec ses deux parents s'il est séparé de l'un d'entre eux ou des deux. Enfin, l'article 18 affirme dans son alinéa premier : Les États parties s'emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement. La responsabilité d'élever l'enfant et d'assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l'intérêt supérieur de l'enfant. En cas de séparation : Les États parties respectent le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette position reprend celle de la Déclaration des Droits de l'Enfant de 1959 : L'intérêt supérieur de l'enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation; cette responsabilité incombe en priorité à ses parents.

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