Les 14 et 21 mars prochains les électeurs sont invités à désigner leurs représentants aux conseils régionaux. D'après les sondages — et pour ce qu'ils valent — les Français auraient du mal à s'intéresser à cette élection. C'est un tort : la manière dont sont dirigées nos régions révèle une certaine conception de la vie, de l'homme et de la famille sur un territoire. Les orientations des listes en présence sont assez clairement identifiées et cohérentes pour appréhender les politiques qui s'inscrivent en perspective. Si les Français se désintéressent de ces élections, c'est sans doute en raison du peu de visibilité des actions que conduisent les régions.

Il est vrai qu'au-delà des compétences propres (lycées, formation, développement économique, aménagement du territoire, transport régionaux) les régions disposent aussi de la compétence générale, si bien qu'elles ont multiplié les interventions dans tous les domaines, interventions qui, soit ressemblent plus à du saupoudrage d'aides publiques qu'à des soutiens réellement efficaces, soit leur permettent de marquer leur pouvoir et d'accroître leur influence politique.
Explosion des dépenses
En matière d'impôts, la fiscalité régionale a explosé : + 34% pour la taxe sur le foncier bâti, + 33% pour la taxe sur les cartes grises, et + 54% pour la taxe professionnelle [1]. Soit plus de 140% en cinq ans pour tout le territoire. Ainsi contribuables et entreprises sont concernés.
L'augmentation des impôts régionaux n'a pas permis de réduire l'encours de la dette, bien au contraire, puisqu'il a augmenté dans toutes les régions. En Auvergne, il est passé de 333 millions d'euros en 2004 à 500 millions d'euros en 2010.
Les dépenses de fonctionnement ont explosé, tandis que les investissements ont fortement baissé.
De très nombreux emplois ont été créés au sein de l'administration régionale. Les frais de communication ont fortement augmenté, comme en Pays-de-Loire avec une hausse de 157% en six ans. Des subventions ont été versées aux associations, soit pour des raisons idéologiques (en Auvergne, le Conseil régional a voté en mai 2008 une subvention à l'APGL-Association des parents gays et lesbiens pour venir en aide aux jeunes lycéens victimes de critiques en raison de leur homosexualité ), soit par clientélisme en saupoudrant d'aides publiques les d'associations amies.
Dans le même temps, les aides aux investissements, en particulier pour les entreprises qui créent des emplois, ont diminué. Or ce sont les investissements qui créent des emplois pérennes.
Régions de droite, régions de gauche
L'orientation politique de l'administration régionale n'est pas sans incidence.
La plupart des régions ont fait le choix de privilégier les structures collectives (économie sociale et solidaire, comités régionaux pour la culture ou pour le tourisme...) au détriment des organismes qui s'appuient sur des initiatives privées (PME, artisanat, commerce..). La mise en place de contrats territoriaux qui verrouillent les communes aboutit à priver les plus petites et les plus fragiles d'entre elles de projets indispensables au maintien d'une population active et d'une vie dynamique.
Le saupoudrage de subventions à des études ou des projets sans vocation régionale représente un gaspillage qui alourdit le fonctionnement sans aucun avantage en matière de développement. C'est le cas de l'Ile-de-France où des études à l'objet très étrange ont été financées par le conseil régional : 12.000 € pour la caravane de formation au journalisme participatif , 7.500 € pour une thèse sur la transformation des formes d'autorité chez les Inuits du Nunavik ou encore 25.000 € pour étudier le déclin du moineau domestique ...
Enfin, le sectarisme en matière d'éducation est un frein aux investissements des lycées privés et à l'accueil des élèves dans des conditions équivalentes à celles des lycées publics. De nombreuses régions ont suspendu leurs aides alors que des normes de sécurité ou d'accessibilité pour les élèves handicapés sont devenues obligatoires.
Pire, certaines régions ont suspendu les subventions obligatoires destinées aux lycées privés selon le nombre d'élèves. Seule, la crainte de perdre un procès devant le tribunal administratif a eu raison des demandes de réparations et de justice, en vertu de l'application de la loi.
Le retour des grands féodaux
Propagande par la communication, clientélisme par le saupoudrage de subventions aux associations amies, injustice à l'égard des lycées privés, inversion des missions des conseils régionaux en matière de développement économique... toutes ces dérives ont fait des régions des principautés autonomes insensibles aux missions d'infrastructures au service de la population en matière d'éducation des jeunes, de formation à un métier et d'accession à un emploi, dans un espace géographique, historique et culturel nécessaire à l'épanouissement et l'enracinement des familles.
En fin de compte, et c'est probablement là que se situe le véritable enjeu de cette élection, le pouvoir régional se révèle, après quelques décennies d'hésitation et de rodage, être au cœur de la maîtrise politique du territoire. À la différence du département désormais focalisé sur les aides sociales de toute nature qui mangent l'essentiel de son budget et lui laissent peu de marge de manœuvre, à la différence de la commune dont la proximité avec l'électeur constitue, en général, le meilleur garde-fou, la région est à la fois riche, dégagée des contraintes quotidiennes, peu contrôlée, mais très visible sur le plan politique.
C'est au niveau régional que sont en train de se reconstituer les grandes féodalités personnelles contre lesquelles la France s'était constituée au fil des siècles. Le comportement de certains présidents sortants et la course à ce mandat qui s'est déroulée de tous côtés ne s'expliquent pas autrement. Voilà pourquoi, malgré les apparences, ce scrutin est politiquement aussi sensible.
Comment voter ?
Alors, comment voter ? Avant chaque élection, on peut être tenté de déposer son bulletin dans l'urne avec humeur, ou à l'inverse, de rechercher l'efficacité technique ou morale absolue. L'absolu n'existe pas en politique, et la passion n'est pas bonne conseillère. Il ne s'agit pas de se donner bonne conscience, ou de délivrer un message, mais de participer au bien de tous. L'attitude chrétienne commande la modestie, c'est-à-dire le respect de la contingence des faits, et sa morale n'est pas moraliste : l'électeur devra se déterminer selon les priorités qu'il estime justes et possibles, selon les principes fondateurs de la vie commune, pour le bien commun de sa région. Nous pensons en particulier à la liberté d'éducation (les lycées de l'enseignement libre), à la santé et à la politique culturelle, domaines où l'orientation idéologique de l'administration locale est décisive.
Voter est un acte politique : c'est donc un moyen pratique, éclairé par la conscience morale, de coopérer avec prudence au bien commun par le choix des hommes et des femmes ayant pouvoir de décision. Les 14 et 21 mars prochains, le vote est ordonné à la finalité du scrutin : l'administration régionale, et par conséquent, à l'élection des candidats qui seront en mesure de mettre en œuvre ou de défendre les moyens d'agir en vue du bien de chacune de nos régions.
[1] Source : Bulletin des élus locaux, février 2010.
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