[Source : Le Salon Beige]
Extrait d'un article passionnant de Mediapart sur l'irrégularité de la nomination du président du conseil de surveillance de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), qui est un festival de n'importe quoi, d'amateurisme juridique, et de mépris pour l'opinion publique… Pour mémoire, la CDC gère la bagatelle de 146 milliards d'euros :
"[...] la désignation, le 19 juillet dernier, du député (LREM) Gilles Le Gendre au poste de président de la commission de surveillance de la CDC serait, selon nos informations recueillies auprès de services parlementaires, frappée d’illégalité ; et, du même coup, tous les actes et décisions pris depuis par cette même commission seraient frappés de nullité.
C’est de manière fortuite que cette illégalité a été découverte, à la suite des très nombreuses enquêtes de Mediapart sur les indemnités illégales perçues par les parlementaires siégeant dans de nombreux établissements publics, dont la CDC. À l’occasion de ces enquêtes, nous avions en effet fréquemment rappelé que l’article LO 145 du code électoral édictait une règle très stricte au terme de laquelle « un député désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur ne peut percevoir à ce titre aucune rémunération, gratification ou indemnité » – règle qui durcit une ordonnance organique de 1958 ayant le même objet qui, comme nous l’avions révélé, a été allègrement violée à la CDC comme dans de nombreux autres établissements publics.
Sous la pression de nos enquêtes, les services du Parlement ont toutefois eu des sueurs froides en se replongeant dans la législation en vigueur, et en découvrant que le même article LO 145 du code électoral ne disait pas que cela. Pour quiconque prend la peine de le lire, on peut aussi découvrir cette autre interdiction, qui a été introduite par une réforme législative de 2013 : « Sont incompatibles avec le mandat de député les fonctions de président ainsi que celles de directeur général et de directeur général adjoint exercées dans les entreprises nationales et établissements publics nationaux ; il en est de même de toute fonction exercée de façon permanente en qualité de conseil auprès de ces entreprises ou établissements.» Et le site public Légifrance qui tient à jour toutes les évolutions législatives ajoute en nota bene : « Conformément à la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013, article 2 : ces dispositions entrent en vigueur à compter, s'agissant des députés, du prochain renouvellement général de l'Assemblée nationale et, s'agissant des sénateurs, du prochain renouvellement de la série à laquelle appartient le sénateur. » En clair, cette interdiction issue de la loi de 2013 est entrée en vigueur le 19 juin 2017, au lendemain du second tour des dernières élections législatives, marquant la fin de la précédente législature.
Autrement dit, au lendemain de cette date du 19 juin 2017, aucun député ne pouvait devenir président du conseil de surveillance de la CDC, sauf à violer la loi. Or, c’est pourtant ce qui est advenu puisque moins d’un mois plus tard, le député pro-Macron Gilles Le Gendre a été porté illégalement dans ces fonctions. Et visiblement, même si l’affaire n’a pas été ébruitée, cela n’a pas échappé aux services de l’Assemblée, puisque dans le cadre du récent projet de loi organique « de confiance dans la vie publique » tout juste adopté par le Parlement, il a été discrètement inséré à l’article 13 cette précision que nul n’a relevé : cette interdiction « n’est pas applicable aux fonctions de président ou de membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations ».
Seulement voilà ! Ce projet fait l’objet actuellement d’un recours devant le Conseil constitutionnel et n’a donc pas encore force de loi. CQFD ! Pour l’heure, c’est donc la loi de 2013 qui s’applique : la promotion de Gilles Le Gendre est donc bel et bien frappée d’illégalité. Il semble en être de même pour l’élection des trois députés, dont Gilles Le Gendre, à la commission de surveillance par la commission des finances de l’Assemblée nationale puisque la loi organique de confiance dans la vie publique a aussi prévu d’exonérer les parlementaires membres de la Commission de surveillance de l’interdiction posée par la réforme de 2013 de l’article LO 145 du code électoral. [...]
Il ne faut pourtant pas se méprendre sur les raisons profondes de ces graves dysfonctionnements dans le dossier de la CDC. Car derrière un amateurisme apparent, il y a en fait une obsession doctrinale : si le pouvoir maltraite ainsi la Caisse des dépôts, c’est que les missions d’intérêt général dont elle a la charge insupportent les néolibéraux doctrinaires qui ont pris le pouvoir. Sans doute est-ce cela la raison principale des atermoiements d’Emmanuel Macron pour la nomination du successeur de Pierre-René Lemas : de très nombreux indices suggèrent que le chef de l’État a un projet secret pour la Caisse des dépôts, qui passe par un démembrement de l’institution au profit de puissants intérêts financiers, mais qu’il n’a pas encore trouvé la personne idoine pour porter ce sulfureux projet. Depuis des lustres, l’institution puissante que constitue la CDC et le rôle de régulation et de stabilité qu’elle joue, sous la protection du Parlement, insupporte ces courants les plus libéraux, qui périodiquement rêvent de son démantèlement. Toujours très proche des milieux de la haute finance, la direction du Trésor est, de longue date, aux avant-postes de ce combat. [...]"
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