ONU : parmi les “Objectifs du millénaire”, la légalisation universelle de l’avortement

Parmi les nombreux traités et engagements internationaux adoptés au sein des Nations-unies, les Objectifs du millénaire pour le développement et l’après-2015 (OMD) méritent actuellement une attention particulière. Ce programme d’actions adopté au sein de l’ONU en septembre 2000 par le plus grand rassemblement de chefs d’États au « Sommet du Millénaire »,  ne jouit pourtant que d’une faible notoriété.

CE PROGRAMME intitulé « Déclaration du Millénaire » détermine huit Objectifs du millénaire prioritaires en matière de développement que les États se sont engagés à atteindre d’ici 2015. Les huit objectifs sont :

1/ éliminer l’extrême pauvreté et la faim dans le monde,
2/ assurer l’éducation primaire pour tous,
3/ promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes,
4/ réduire la mortalité infantile,
5/ améliorer la santé maternelle,
6/ combattre le VIH/SIDA et le paludisme,
7/ préserver l’environnement
8/ mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

Fonds publics

Ces objectifs, négociés et adoptés par les 189 États membres des Nations-unies et les grandes institutions mondiales pour le développement, constituent une référence internationale majeure pour l’action politique des États et des institutions. Ils déterminent aussi largement l’affectation des fonds publics en matière d’aide au développement.

En septembre 2015 un nouveau sommet se tiendra à New-York, au siège de l’ONU, pour adopter un nouveau programme d’action couvrant la période postérieure à 2015. Ce programme post-2015 est actuellement l’objet d’intenses négociations. Au cœur des débats se trouve l’introduction d’un accès universel à l’avortement.

Déjà, le 23 septembre 2013 eut lieu un sommet à New-York pour proposer et définir les nouveaux Objectifs. Des consultations sont en cours, et l’ONU propose encore actuellement une plateforme « My World 2015 » invitant toute personne intéressée à voter pour les enjeux qui lui paraissent prioritaires.

L’amélioration de la santé maternelle

Parmi les « objectifs du Millénaire » figure depuis 2000 l’amélioration de la santé maternelle. Le programme d’action de 2000 s’est donné pour objectif de faire baisser de 75% le taux de mortalité maternelle. Il ne sera malheureusement pas atteint dans tous les pays car, selon l’Organisation mondiale de la santé [1] (OMS), les décès maternels ont seulement diminué de 47% entre 1990 et 2010 [2], ce qui reste honorable. Par conséquent ce problème sera à nouveau étudié par l’ONU pour le prochain programme d’action post 2015.

Jusqu’à présent, cet objectif était compris comme excluant la question de l’avortement et du contrôle des naissances. Cela ressort des objectifs détaillés de ce cinquième objectif où il n’est fait à aucun moment mention de l’accès à l’avortement, pas plus que dans les rapports de l’ONU à propos des objectifs du millénaire. De plus, ce programme n’aurait pas pu recevoir le soutien des États du monde car une grande proportion d’entre eux interdit l’avortement. Or, dans le cadre de la négociation des objectifs post 2015, des gouvernements occidentaux et des ONG souhaitent que l’avortement soit intégré à l’avenir parmi les objectifs post 2015 comme un moyen d’améliorer la santé maternelle.

Rupture de consensus

Dans un rapport de 2011 [3], le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations-unies appelait explicitement les États à légaliser l’avortement, affirmant que les avortements non-médicalisés sont responsables d’un décès maternel sur huit. Selon cette approche, la libéralisation de l’avortement devrait faire partie des objectifs du millénaire post-2015, alors même que l’avortement est interdit pénalement dans un grand nombre d’États, et qu’aucun traité de l’ONU ou texte contraignant n’impose à ce jour aux États de légaliser l’avortement [4].

Ces déclarations ont suscité de vives réactions, car elles rompent le consensus international en faveur de la protection de la vie, et la volonté de ne pas favoriser l’avortement. Le droit international ne contient aucun droit à l’avortement, il consacre au contraire le droit à la vie. La Conférence internationale sur la Population et le Développement (CIPD, appelée conférence du Caire) a rappelé que « [l]es gouvernements devraient prendre des mesures appropriées pour aider les femmes à éviter l'avortement, qui ne devrait en aucun cas être encouragé comme une méthode de planification  familiale [5] », ainsi que la nécessité de « réduire le recours à l’avortement » (8.25)  [6]

Chantages

Néanmoins, des pressions sont exercées sur certains pays par des organisations internationales souhaitant conditionner l’aide médicale à la légalisation de l’avortement. Le cardinal Juan Luis Cipriani Thorne, archevêque de Lima, a récemment dénoncé ce « chantage », affirmant que les Péruviens ne demandent pas l’avortement mais « de meilleurs soins de santé » [7].

Preuve supplémentaire de cet état d’esprit : une délégation du gouvernement irlandais a tout aussi récemment dû répondre aux sévères critiques du Comité des droits de l’homme de l’ONU à Genève. Ce comité d’experts accuse l’Irlande de violer des « standards » en matière de droits de l’homme car il n’autorise pas l’avortement en cas de viol et de malformation et ne rembourse pas les frais de transports à l’étranger des femmes enceintes qui s’y rendent pour avorter [8]

Réduire la population

Les débats liés à l’avortement s’inscrivent dans un contexte historique et idéologique plus large. Les Nations-unies développent en fait depuis plusieurs décennies une conception malthusienne du développement économique et social fondé sur la réduction de la natalité dans le monde, et en particulier dans les pays en développement. En 1969 déjà fut créé par le secrétaire général de l’ONU le Fonds des Nations-unies pour les activités en matière de population (FNUAP), qui finance des programmes de contrôle démographique (contraception et avortement) mis en œuvre en collaboration directe avec des ONG telles que l’IPPF (Fédération internationale du planning familial) et MSI (Maria Stops International).

Cette volonté a été réaffirmée dans la Résolution du 27 juillet 2012 de l’Assemblée générale de l’ONU intitulée « L’avenir que nous voulons », qui recommande de mettre en œuvre « un accès universel à la médecine procréative, notamment aux services de planification familiale et d’hygiène sexuelle, et de faire une place à cette discipline dans les stratégies et programmes nationaux [9] ».

Cette volonté ne prend pas en compte le fait que l’avortement demeure fondamentalement mauvais pour la santé de la femme, et qu’il est aussi une cause de mortalité maternelle.

L’avortement est une cause de mortalité maternelle

Il apparait en effet au terme de nombreuses études qu’en réalité l’avortement, qu’il soit médicalisé et légal ou non, présente des risques pour les femmes, et que de nombreuses séquelles surviennent suite à de tels actes. Une femme sur dix qui avorte souffre de complications et dans un cas sur deux sa vie est en danger [10].

Ces femmes courent des risques à court terme d’hémorragies, d’infections, de complications [11] mais également à long terme, tant sur le plan psychologique [12] que physiologique avec l’augmentation du risque de déclencher un cancer du sein et/ou de ne plus pouvoir avoir d’enfants ultérieurement, d’avoir des naissances prématurées ainsi que des grossesses intra-utérines [13].

Le taux de mortalité maternelle est supérieur en cas d’avortement que de naissance [14]. C’est pourquoi ce sont en fait les pays développés qui interdisent ou restreignent fortement l’avortement qui ont le taux de mortalité maternelle le plus faible.

Les vrais progrès médicaux

La santé maternelle ne peut être améliorée en favorisant la légalisation de l’avortement. D’autres mesures efficaces sont possibles et nécessaires : favoriser une alimentation adéquate, assurer la présence de sages-femmes qualifiées, ainsi qu’un suivi médical avant, pendant et après l’accouchement.

On constate d’ailleurs que des pays développés interdisant l’avortement, comme l’Irlande et la Pologne, ont un taux de mortalité maternelle très faible [15]. Les Maldives ainsi que le Bhoutan, qui comptent parmi les rares pays ayant réussi à faire baisser le taux de mortalité maternelle de 75%, conformément aux Objectifs du millénaire, l’ont fait tout en interdisant l’avortement. Il n’y a donc pas de lien établi entre la légalisation de l’avortement et la réduction du nombre de décès des femmes enceintes, au contraire. Il y a en revanche une corrélation entre les progrès médicaux (meilleure hygiène, accès à des médecins, éducation, etc.) et la santé des femmes.

Les véritables objectifs

Il est important de ne pas se méprendre sur les définitions vagues de « soin de santé en matière sexuelle et génésique » que les associations de planning familial promeuvent pour y inclure l’avortement. Car il est certain que la légalisation de l’avortement dans les pays en développement ne fera pas diminuer la mortalité maternelle. En revanche, la culture de ces pays sera profondément affectée par l’introduction de l’avortement.

Sous couvert de lutter contre la mortalité maternelle, le but de cette politique de santé sexuelle et reproductive est de changer en profondeur la société des pays en développement, en réduisant leur fécondité. Il s’agit ni plus ni moins que d’exporter dans les pays pauvres le prétendu « modèle social occidental », majoritairement contraceptif, et abortif.

 

Christophe Foltzenlogel est juriste au sein de l’European Centre for Law and Justice.

 

 

[1] L’OMS est l’autorité directrice et coordonnatrice, dans le domaine de la santé, des travaux ayant un caractère international au sein du système des Nations Unies. Site officiel : http://www.who.int/fr/
[2] Nations-Unies, Statement submitted by Minnesota Citizens Concerned for Life Education Fund, a non-govermental organization in consultative status with the Economic and Social Council, E/CN.9/2014/NGO/3, 21 janvier 2014, page 3.
[3] Nations-Unies, Assemblée générale, Pratiques pour l’adoption d’une approche de la lutte contre la mortalité et la morbidité maternelles évitables fondée sur les droits de l’homme, Rapport du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme, 18e session, A/HCR/18/27, 8 juillet 2011, page 10 : « la Haut-Commissaire a indiqué qu’il incombait aux États de lutter contre l’avortement non médicalisé. »
[4] « Article 5.  Il n’existe aucun droit à l’avortement au regard du droit international, que ce soit par voie d’obligation conventionnelle ou en vertu du droit international coutumier.  Aucun traité des Nations Unies ne peut précisément être cité comme établissant ou reconnaissant un droit à l’avortement. » Déclaration de San Jose, Costa Rica, 25 mars 2011. Site officiel : http://www.sanjosearticles.com/?lang=fr
[5] Nations-Unies, Rapport de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement, A/CONF.171/13/Rev. 1, Le Caire, 5 – 13 septembre 1994, §7.24.
[6] Id., §8.25.
[7] El cardenal Cipriani denuncia el chantaje de organismos internacionales a Perú para que legalice el aborto y el gaymonio, InfoCatolica.com, 15 juillet 2014.
[8] Fitzgerald told Ireland’s abortion law breaches human rights law, The Irish Times, 15 juillet 2014.
[9] Nations-Unies, Assemblée générale, L’avenir que nous voulons, A/RES/66/288, 27 juillet 2012, § 145.
[10] Frank, P. I. et al., (1985). “Induced abortion operations and their early sequelae.” Journal of the Royal College of General Practitioners, 35(73), 175-180.– Grimes, D. A. & Cates, W. “Abortion: Methods and complications.” In Hafez, E. S. E. (ed) Human Reproduction, Conception and Contraception. Hagerstown: Harper & Row.
[11] Ring-Cassidy E, Gentles I. Women’s health after abortion: the medical and psychological evidence. Toronto, The deVeber Institute, 2003; Strahan TW, ed. Detrimental effects of abortion: an annotated bibliography with commentary. Springfield, IL, Acorn Books, 2001.
[12] Coleman PK. Abortion and mental health: quantitative synthesis and analysis of research published 1995–2009. British Journal of Psychiatry, 2011, 199:180-186.
[13] Shah PS and Zao J. BJOG: An International Journal of Obstetrics and Gynaecology (2009).
[14] Gissler M et al. Pregnancy-associated mortality after birth, spontaneous abortion, or induced abortion in Finland, 1987-2000. American Journal of Obstetrics and Gynecology, 2004, 190:422-427; Gissler M et al. Pregnancy-associated deaths in Finland 1987-94—definition problems and benefits of record linkage. Acta Obstetricia et Gynecologica Scandanavica, 1997, 76:651-657.
[15] Trends in Maternal Mortality: 1990-2010. Estimates Developed by WHO, UNICEF, UNFPA and the World Bank, http://data.worldbank.org/indicator/SH.STA.MMRT (last visited 20th November 2012). - See more at: http://eclj.org/Releases/Read.aspx?GUID=82ef0f1d-4cf7-44d7-a9a7-fd50375fe3bd#sthash.4MN1CLF7.dpuf

 

 

***