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Pour un grand retournement politique

Pour un grand retournement politique
  • Auteur : Pierre de Lauzun
  • Editeur : Editions du Bien Commun
  • Année : 2019
  • Nombre de pages : 364
  • Prix : 20,00 €

Les jeunes Editions du Bien commun viennent de publier un passionnant ouvrage de Pierre de Lauzun. Ce dernier, professionnel de l’économie et surtout essayiste, mène une réflexion continue non seulement sur la crise que traverse notre civilisation, mais surtout sur les fondements d’une reconstruction.

L’important est déjà le diagnostic : pour lui, on sous-estime grandement l’ampleur du changement à opérer. Il ne s’agit pas de simples rapports de force entre des idées ou des équipes, ou de catalogues de mesures à défendre, mais de renverser les structures de pensée dominantes depuis plusieurs siècles, le paradigme selon lequel l’homme peut et doit se faire lui-même, car selon lui il n’y a pas de bien ou de vrai objectifs, autres que ce que l’homme se définit, individuellement ou collectivement. On pourrait penser qu’il débouche sur l’acceptation de principe de toute idée ou valeur, mais dans la réalité cela conduit vite à l’élimination ou à la marginalisation de tout ce qui contredit ce principe : tout ce qui affirme comme priorité la recherche du vrai et du bien objectifs. A chaque phase de l’histoire, les conséquences de ce cadre de pensée sont allées dans le sens d’une radicalité croissante, la postmodernité actuelle,relativiste, étant l’étape extrême.Ce paradigme empêche obstinément de rechercher les conditions d’une vie commune bonne, centrée sur le bien commun. C’est cette emprise qui explique les échecs des expressions divergentes comme la Manif pour tous.

 Par contraste, l’auteur propose de revenir aux enseignements de la pensée classique (tant antique que chrétienne) pour sortir des impasses où nous enferme le ‘système’. On est alors bien au-delà de ce qu’on appelle communément la ‘droite’, car celle-ci recouvre une multitude de positions hétérogènes. Et si le conservatisme’ est beaucoup plus proche de l’idée que propose l’auteur, selon lui il ne lève pas totalement l’ambiguïté. Parce qu’au fond le conservatisme est une forme de compromis entre la pensée classique et les réalités du moment. D’où l’intérêt de la pensée classique, celle d’Aristote ou de Thomas d’Aquin, que notre auteur analyse en détails en l’appliquant à notre temps. Cela commence avec l’objectivité du bien et du vrai, de la personne et de la communauté, et de l’éducation si elle est appropriée, humaniste. S’y ajoute ensuite l’idée que les sociétés sont des édifices complexes, construits au cours du temps et non à partir de théories abstraites. D’où le rappel de principes essentiels comme la tradition (qui est au fond l’expérience collective) ou l’autorité bien comprise (qui est le moyen pour ceux en état de le faire d’éclairer la voie des autres).Et une analyse critique de principes ambigus comme la démocratie et les droits de l’homme. Pas très politiquement correct, mais très fécond.

 Dans la pratique, il s’agit d’un véritable révolution culturelle, et donc d’une action de longue haleine, qui est d’abord capillaire, à la base ; la construction de la société de demain se joue en effet d’abord dans les familles, l’éducation, les associations et les entreprises.Mais qui est d’autant plus urgente que, à côté de la décomposition croissante de nos sociétés, la menace d’un renversement culturel majeur devient de plus en plus crédible, à travers l’immigration et l’Islam. Cela règlerait le problème du paradigme, mais pas vraiment dans le bon sens.

 Mais cela ne doit pas conduire à négliger le niveau politique. L’auteur souligne le rôle premier de la nation, seul cadre significatif pour la plupart des gens, et dit-il le seul facteur de solidarité politique agissante à l’époque actuelle.Mais outre qu’il fait face à des menaces considérables, notamment la sécession d’une partie des élites et le rêve fédéraliste européen, le fait national ne donne pas à lui seul la réponse.Et poursuit notre auteur,le populisme encore moins, même si on a de la sympathie pour la révolte populaire contre des élites discréditées. Car rien ne garantit qu’un tel mouvement aille dans le bon sens, ni a fortiori puisse gérer la situation.Bien sûr de nombreuses mesures urgentes sont à prendre : immigration, culture, économie, défense etc. Mais il faut pour cela dépasser le stade purement revendicatif, et acquérir une vraie compétence au service d’une vraie créativité. Le tout en jouant sur les circonstances, les organisations et les personnes, et en gardant présent à l’esprit que l’enjeu est un renversement séculaire de la pensée et des valeurs.

 Un vaste panorama donc, lucide, ennemi de l’impatience et de la précipitation,  mais stimulant et éclairant pour tous ceux qui cherchent à s’orienter dans le tourbillon que nous vivons. 


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