L’heure n’est plus au débat ou à la confrontation des points de vue : aujourd’hui, ce sont désormais des visions du monde qui s’affrontent et ne parviennent plus à s’articuler dans un débat argumenté. Les outrances guettent à chaque pas, minant la confiance en son « camp » pourtant indispensable pour combattre et survivre. Dans ces conditions, comment exercer son jugement et poursuivre la quête de l’indispensable vérité ?
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Comment discerner le vrai du faux ? Certains vous répondront qu’il suffit de lire le Décodex du Monde ou d’écouter France Culture. D’autres se référeront plus volontiers à Radio Courtoisie, Jeanne Smits ou Égalité & Réconciliation. Les uns appellent fake news ou « infox » ce que les autres considèrent comme de la réinformation. Les uns dénoncent le complotisme là où les autres voient de la naïveté. Qui a raison ? Deux camps s’affrontent. Il ne s’agit plus d’opposer des interprétations contraires relatives à un même fait. Le désaccord commence déjà sur les faits eux-mêmes. On ne dira pas seulement : « chacun sa vision des choses ». Il faudrait presque dire : « chacun son monde ». Les controverses exigeraient enquête et contre-enquête que nous n’avons pas le temps de mener. Si bien qu’en fait, a priori, nous avons toujours déjà choisi notre monde. Vous avez globalement le même que moi.
Néanmoins, face aux certitudes des autres, face à la bruyante rumeur du prêt-à-penser, il faudrait avoir des arguments plus étayés, des certitudes mieux défendues. Et ne pas se discréditer en allant défendre des théories que le réel et nos adversaires finiront par récuser en ricanant. Ajoutons qu’il nous arrive aussi de douter de certaines thèses bien qu’elles soient défendues par ceux qui partagent nos valeurs et nos combats. Je ne vous dis pas qu’on a raison d’en douter, mais qu’on peut hésiter. Vous évitez Pfitzer. Soit. Rejetez-vous aussi le principe de la vaccination et la figure tutélaire du bon Pasteur ? Seriez-vous prêt à utiliser les phagothérapies à base de macrophages, plutôt que des antibiotiques ? Préférerez-vous des tisanes d’artémisia au Lariam Méfloquine – médicament pourtant officiel ? Il vous arrive d’aller sur le site Égalité et Réconciliation . Irez-vous jusqu’à partager les thèses de Faurisson ? Pas facile. Et que redoutons-nous ? Avons-nous peur d’aller jusqu’au bout dans la lutte contre les mensonges du Système ? Manque de courage. Ou bien craignons-nous de dire n’importe quoi en relayant des bizarreries ? Ce qui est prudent. Comment discerner ? Par quelle méthode former son jugement ? Voici cinq principes.
Distinguer faits et interprétations
En 1964, Hannah Arendt affrontait ce problème. « Est-ce qu’il existe aucun fait qui soit indépendant de l’opinion et de l’interprétation ? Des générations d’historiens et de philosophes de l’histoire n’ont-elles pas démontré l’impossibilité de constater des faits sans les interpréter, puisque ceux-ci doivent d’abord être extraits d’un chaos de purs événements (et les principes du choix ne sont assurément pas des données de fait), puis être arrangés en une histoire qui ne peut être racontée que dans une certaine perspective, qui n’a rien à voir avec ce qui a eu lieu à l’origine ? »
Néanmoins, poursuivit-elle, l’interprétation inhérente au travail de l’historien – et nous rajouterons : du journaliste – ne peut pas supprimer l’objectivité des faits : « ces difficultés (…) ne constituent pas une preuve contre l’existence de la matière factuelle ». Et elle concluait sur cette anecdote : « Clemenceau, peu avant sa mort, se trouvait engagé dans une conversation amicale avec un représentant de la République de Weimar au sujet des responsabilités quant au déclenchement de la Première Guerre mondiale. On demanda à Clemenceau : « À votre avis, qu’est-ce que les historiens futurs penseront de ce problème embarrassant et controversé ? » Il répondit : « Ça, je n’en sais rien, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’ils ne diront pas que la Belgique a envahi l’Allemagne ».
Même si l’interprétation des faits peut susciter de légitimes controverses, il lui semblait évident que les faits, quant à eux, ne pouvait être niés. Le problème est qu’il n’est pas toujours facile de différencier les deux. Exemple : « La vaccination produit une immunité collective », fait ou interprétation ? Jeudi 12 août, Le Figaro affronte la question afin de contrer un bruit qui se répand sur Internet : « Dernier exemple en date avec l'Islande, dont l'épidémiologiste en chef, Þórólfur Guðnason, a tiré la sonnette d'alarme en déclarant dimanche 8 août : « Obtenir l'immunité collective par la vaccination générale est hors d'atteinte. » De là à y voir un échec de la vaccination contre le Covid-19, il n'y a qu'un pas, largement franchi par de nombreux vaccino-sceptiques, qui évoquent également les cas d'Israël ou de Malte, pays là encore très vaccinés où le variant Delta décolle. Mais peut-on réellement franchir ce pas ? »
Aussitôt, Le Figaro va s’empresser de déjouer cette infâme rumeur. Alors ici, quel est le fait objectif ? En Islande, comme en Israël, en Angleterre et à Malte, des populations très majoritairement vaccinées ont pourtant subi une nouvelle vague de contamination. Ce fait est-il irrécusable ? Malheureusement non. Que signifie « majoritairement vaccinés » ? À 70 % 80 % ? 95 % ? Dans les deux derniers cas, aucun de ces pays ne sera considéré comme suffisamment vacciné. C’est bien cette question qui conduit notre Gouvernement à vouloir imposer une vaccination à tout le monde, enfants compris. Logique implacable : tous ces pays ont eu une vaccination importante mais pas suffisante, cela prouve qu’il faut vacciner de façon encore plus systématique. Pourtant une autre interprétation est possible : celle de l’épidémiologiste islandais. La campagne vaccinale a été énorme. Si elle ne suffit pas, cela prouve que le vaccin ne fonctionne pas. Qui a raison ?
Autre biais interprétatif : ces pays sont vaccinés, mais peut-être pas avec les « bons vaccins ». Autre piste : qu’entendons-nous par « nouvelle vague » ? Combien de morts, ou de lits occupés faut-il pour en juger ?
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