L’Encyclique Caritas in Veritate, propose un chemin de conversion et d‘évangélisation de nos comportements pour un « véritable développement ».
Pour Benoît XVI, le « développement durable » ne sera un véritable développement, que si l’écologie naturelle s’inscrit dans une « écologie humaine » fondée sur le respect de la vie et « l’économie du don », dont la source ultime est Dieu Amour et Vérité. Cette exigence appelle les chrétiens à être à la pointe de l’engagement pour un « vrai développement ». Elle leur demande d’apporter là où ils sont le témoignage d’une bonne pratique de l’Evangile. Elle passe inévitablement par une remise en cause de nos comportements à la lumière des conseils évangéliques. C’est pourquoi nous nous demanderons dans une première partie I) Quelles sont les valeurs susceptibles de favoriser un « véritable développement ». Puis nous examinerons quelques pistes très concrètes, pour souligner la relation qui existe entre une exigence spirituelle et sa mise en œuvre pratique (Partie II et III).
Les valeurs partagées par les Français aujourd’hui.
Une enquête du Monde d’Avril 2009, confirmée par ailleurs, donne un éclairage intéressant sur les es valeurs partagées par les Français.
L’attente d’un progrès permanent
Le bonheur est largement pour eux dans l’anticipation d’une progression continue du niveau de vie personnel (Enquête Cepremap L’Express 19 06 2008). Or en 30 ans le pouvoir d’achat a doublé, les Français ne sont pas deux fois plus heureux. Si l’on en croit les enquêtes d’opinion, ils sont moins heureux que les chinois ou les indiens qui, eux, ont une vision positive de l’avenir.
Des valeurs morales de plus en plus relativisées
L’enquête du Monde nous livre le palmarès des valeurs auxquelles ils adhèrent par ordre décroissant : famille, travail, amis, loisirs, religion, politique. La famille arrive en tête. Les français ont comme une nostalgie de la famille. Ce constat réconfortant au premier degré, doit être hélas relativisé quand on constate que derrière le mot « famille » se cache un contenu pour le moins éclaté. Constat malheureusement confirmé par cette même enquête qui révèle une banalisation accélérée des mœurs au travers d’un classement de 1 à 10 (du moins au plus justifié) de comportements dont une majorité concerne la vie : voler une voiture (1,33), consommer de la drogue (1,98), homosexualité (5,51), avortement (5,66), divorce (6,46), euthanasie (6,55).
Le travail reste un fondement social
Bonne nouvelle, le travail garde la cote. Travailler plus est pour les Français une nécessité : nos capacités sont développées par le travail (78%), travailler est un devoir vis-à-vis de la société (73%), ne pas travailler rend paresseux (59%). (même enquête)
Pérennisation de la société de consommation
Les pratiques de consommation évoluent. . On achète des pâtes et des produits premier prix pour s’offrir un whisky de 30 ans d’âge. On réduit les dépenses alimentaires pour acquérir le dernier portable à la mode, conserver ses vacances ou acheter des produits « hightechs ». On multiplie les comparaisons de prix sur internet pour rapprocher « vouloir d’achat » de « pouvoir d’achat ». Se dessine un retour vers les valeurs sûres et vers une vraie prise de distance par rapport à la consommation jetable. Le « toujours plus » semble terminé. La conjugaison de la crise du pouvoir d’achat et de l’urgence écologique aboutit à un vrai changement à long terme. Avec, pour conséquence, la préférence pour le « hard discount » et pour le « small is beautiful » (petites voitures,…)
C’est la fin de l’hyperconsommation (Robert Rochefort., DG du Credoc inLe Journal du Dimanche. 15 02 09) mais ce n’est pas la mort de la société de consommation : « Ils ne consommeront pas moins, mais plus « juste ». La simplicité, le beau, l’utile, le bon sont de retour. Le durable, le pratique (non sophistiqué), les loisirs. Cela se traduit par une segmentation des comportements d’achat entre le « low-cost » et le « haut de gamme ».
La culture par les marques
Les marques sont sommées de ré-enchanter le monde. Elles ont envahi l’espace culturel, apportant repères, sécurité, valorisation de soi. Elles apportent du sens et des valeurs. Les marques sont une des pièces de la culture-monde en devenir (Le Monde. Décembre 2008)
S’agit-il de la poursuite d’un comportement consumériste et hédoniste avec une simple optimisation à la situation, ou d es prémices de comportements plus responsables ? Une des meilleures réponses est sans aucun doute d’anticiper l’évolution vertueuse de certains comportements pour les accompagner et contribuer à leur donner leur véritable sens.
Les valeurs chrétiennes qui ordonnent nos comportements
Les valeurs chrétiennes de leur côté nous invitent à remettre en cause ces valeurs du monde, à changer nos comportements à la lumière de l’enseignement du Christ et de l’Eglise. ,
Dans Caritas in Veritate, le texte le plus récent de la doctrine sociale de l’Eglise, Benoît XVI rappelle une fois encore que le but ultime de notre vie est Dieu, Vérité et Amour (CV). Comme le psaume le chante : quand nous vivons de la Vérité et de l’Amour, nous devenons des porteurs de la Justice et de la Paix.Nous ne pouvons pas vivre dans une forme d’apostasie pratique. La Doctrine Sociale de L’Eglise ne cesse de nous rappeler l’ardente obligation de la conversion et du témoignage, car toutes les activités humaines y compris économiques et sociales ressortent de la théologie moraleEt l’engagement politique est pour l’Eglise une forme éminente de la charité.
Les rappels et les invitations clés de Caritas in Veritate (Encyclique de Benoît XVI. 2009) (CV)
« Tout trouve sa source en Dieu le Père, le Christ en est le témoin »
Sans la perspective d’une vie éternelle, le progrès est en effet enfermé dans l’histoire et réduit à la seule croissance de l’avoir. Pas de développement intégral de l’homme sans une vision transcendante de la personne fondée sur sa relation à Dieu. C’est pourquoi depuis Rerum Novarum les papes ne cessent de rappeler que Dieu est le garant du véritable développement de l’homme. L’autre est à l’image de Dieu et le bien commun est à la fois le plus transcendant et le plus intime pour chacun.
« La justice précède la charité »
La préférence pour les pauvres est au cœur de la Doctrine Sociale de l’Eglise. La justice précède la charité. Je ne peux pas prétendre donner à l’autre du mien, si au préalable je ne lui ai pas donné ce qui est sien. La justice doit être intégrée à toutes les phases de l’activité économique, dans le respect de la destination universelle des biens. Elle est la première voie de la charité. Mais la charité dépasse la justice, elle est l’Amour donné, elle fonde cette économie du don, économie de communion qui seule peut donner son vrai sens à l’économie de marché. Il existe une complémentarité intrinsèque entre la justice commutative (donner pour avoir : la justice des échanges et du marché), la justice distributive (donner par devoir : les transferts sociaux) et le don réciproque gratuit (donner et recevoir).
La solidarité universelle est donc un devoir. Elle s’exerce entre personnes, entre territoires, entre générations. Les droits supposent des devoirs : les comportements économiques ne sont pas autonomes au regard de la morale, ils ne sont pas éthiquement neutres. Il existe des « structures de péché » pour reprendre une des propositions fortes de Jean-Paul II dans Sollicitudo Rei Socialis.
Un développement intégral
Ainsi, dans la perspective de l’enseignement de l’Eglise, il ne peut y avoir de « véritable développement », de développement intégral, sans le développement de tout l’homme et de tous les hommes, sans conversion personnelle et la perspective d’une vie éternelle. Quant au profit, il ne peut-être envisagé que comme un moyen,non une fin et la mondialisation ne peut-être regardée que comme le produit, bon ou mauvais, des actions des hommes et non comme un processus déterministe.
Pas de « véritable développement » sans respect de la vie
L’homme est créé à « l’image de Dieu » ce qui entraîne la dignité inviolable de la personne. . La famille, formée d’un homme et d’une femme, ouverts à la vie, est le fondement de la société. Ethique de la vie et éthique sociale sont liés. Il y a contradiction radicale entre promotion de la dignité de la personne, de la justice, de la paix, et la violation de la vie humaine dès la conception. Le respect de la vie est donc indissociable du développement. Il ne peut pas exister d’écologie de l’environnement sans écologie de l’homme, sans droit à la vie et à la mort naturelle. La conception, la gestation et la naissance de l’homme ne peuvent pas être traitées de manière artificielle et les embryons humains ne peuvent pas être sacrifiés pour la recherche.
Un style de vie simple
Pour Philipe Crater,les quatre constituants d’une éthique du service sont ainsi : l’amour du prochain, le service des pauvres, le renoncement à son bon droit, le rejet de toute ambition égoïste.
La mise en œuvre de ces principes exige un nouveau style de vie où nos choix de consommation, d’épargne et d’investissement soient fondés sur la recherche du vrai, du beau, du bon, de la communion avec les autres hommes pour une croissance commune.
C’est à nous de commencer ?
Si l’on attend les autres pour changer de comportement, pour accepter de se réformer, on risque d’attendre longtemps et donc on contribue à aggraver la situation. Au contraire, si on décide de commencer à changer à titre personnel, sans attendre les autres, on entraîne un mouvement vertueux. Ce courage du témoignage suppose évidemment une forme de renoncement à des avantages acquis ou possibles.
D’où l’importance de la famille :
Importance de la famille
Grâce à l’éducation dans la famille, dès la petite enfance se transmettent et s’impriment des comportements qui feront notre personnalité et qui donneront un tour concret à nos valeurs. Un sociologue comme Emmanuel Todd a démontré l’importance de la famille comme matrice de la structuration des pouvoirs dans une société et comme vecteur de transmission d’une culture, en particulier la mère.
Si les familles ne rendent pas crédible par leur mode de vie ce « véritable développement », les tendances mortifères actuelles prospèreront. Elles représentent une force de prescription majeure et c’est elles qui tiennent une large part de l’éducation des nouvelles générations aux nouveaux modes de consommation. D’aucuns insisteront aussi sur la place du système éducatif ou des médias dans cette pédagogie de la consommation. Nul doute qu’ils ont leur importance mais dans Caritas in Veritate, Benoît XVI rappelle que ces changements ne peuvent être maîtrisés que dans une perspective pluri-générationnelle portée d’abord par les familles. Une telle démarche individuelle et familiale ne va pas de soi. Au regard des valeurs des sociétés au sein desquelles nous vivons ellesuppose une forme de renoncement à soi-même, à toujours plus de confort, à toujours plus d’avoir, à plus de reconnaissance sociale.
Nous pourrons apparaître sur certains enjeux de développement comme ringard, moraliste, et même insupportable.
Ne soyons jamais découragés car chacun des actes positifs que nous poserons sera une avancée du Royaume de Dieu sur terre, aujourd’hui même. Autant certains de ces actes pourront nous sembler inefficaces en ce monde, autant nous sommes certains qu’ils seront tous et immédiatement efficaces pour la construction du Royaume de Dieu. Concrètement, que devons-nous changer ? C’est ce que nous allons maintenant examiner (Partie II et III)
Marc Reynaud est Ingénieur-Economiste.
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